Droit de grève : gouvernement et syndicats peinent à s’entendre

Le projet de loi organique sur le droit de grève, censé clarifier les modalités d’exercice de ce droit fondamental pour les travailleurs, suscite depuis plusieurs semaines une contestation grandissante des syndicats. En dépit de son adoption à la Chambre des représentants, ce texte continue de diviser, et son avenir reste incertain. Alors que le gouvernement semble vouloir passer en force, des amendements sont promis, mais sauront-ils apaiser la colère des syndicats ?

La scène s’est déroulée sans accroc à la Chambre des représentants. Avec une majorité confortable, le gouvernement a aisément fait adopter son projet de loi organique n°97-15, visant à encadrer le droit de grève. Mais, la situation a rapidement pris un tournant inattendu, avec la montée en puissance de la contestation des centrales syndicales. Leur réaction, qui va crescendo, ne laisse présager rien de bon pour l’exécutif, alors que la contestation s’organise, alimentée par un sentiment d’isolement et de méfiance à l’égard de l’exécutif.

Face à ce vent de révolte, Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, se trouve désormais contraint de réécrire une partie de sa copie. Certes, le texte est déjà passé à la Chambre des représentants, mais il n’est pas encore adopté à la Chambre des conseillers, où il fait l’objet d’intenses discussions en commission, avant la plénière prévue pour le 15 janvier. Dans ce contexte, le ministre, reconnaissant la montée des tensions, a annoncé que le gouvernement était prêt à introduire des « amendements de fond » pour tenter de calmer la colère des syndicats.

Une loi trop importante pour être adoptée à la hâte

Toutefois, ces amendements risquent de ne pas suffire à apaiser les syndicats, pour lesquels le projet de loi reste inacceptable. Les syndicats les plus représentatifs, dont l’Union marocaine du travail (UMT) et la Confédération démocratique du travail (CDT), réclament à corps et à cris un retrait pur et simple du projet. Leurs représentants, réunis à l’invitation de Sekkouri, ont fait part de leur mécontentement. L’UMT, par exemple, a décidé de boycotter la réunion, estimant qu’il n’y avait aucune volonté réelle d’engager un dialogue constructif. « En l’absence de toute intention sincère d’engager un dialogue sérieux et responsable, l’Union a refusé d’assister à la réunion », ont-ils expliqué dans un communiqué, soulignant l’absence d’une véritable écoute de la part du gouvernement.

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Le projet de loi n°97-15, selon ces syndicats, va à l’encontre des principes fondamentaux des droits des travailleurs. Pour eux, il représente une atteinte directe à la liberté syndicale et à l’exercice du droit de grève, en particulier en raison des nouvelles restrictions qu’il impose sur la manière et les conditions de déclenchement d’une grève. « Les acquis cumulés en matière d’exercice du droit de grève au Maroc ne peuvent faire l’objet d’aucune restriction. Le droit de grève doit être garanti aux travailleurs conformément aux dispositions internationales en vigueur », a martelé Youssef Aidi, secrétaire général de la Fédération démocratique du travail (FDT).

Un dialogue de sourds

Pour les syndicats, ce projet de loi ne répond pas aux besoins des travailleurs. Mohamed Zouiten, secrétaire général de l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), a insisté sur l’importance d’un dialogue sectoriel et social plus large, ainsi que sur l’élargissement des consultations à tous les syndicats, afin de trouver des solutions durables et équilibrées. « Nous appelons le gouvernement à redoubler d’efforts et à répondre positivement aux revendications liées à la loi sur la grève, à travers le dialogue sectoriel et social », a-t-il ajouté.

Mais les syndicats ne sont pas les seuls à se faire entendre. Le gouvernement, de son côté, estime que ce projet de loi est une avancée nécessaire pour réguler le droit de grève, afin de garantir un cadre clair et équitable pour les travailleurs tout en assurant la préservation de l’ordre public et de la compétitivité économique. Younes Sekkouri, à la tête des négociations, a réitéré sa volonté de parvenir à un compromis. « Le gouvernement est disposé à apporter des amendements de fond au projet de loi organique relatif à la grève. Cette démarche vise à répondre aux revendications des travailleurs », a-t-il déclaré, tout en appelant à une révision de certains aspects du texte.

Malgré les tensions, la question demeure : des amendements suffiront-ils à apaiser le climat social et à éviter un blocage total ? Le gouvernement, en insistant sur les amendements, semble croire qu’il est encore possible de trouver une issue favorable. Toutefois, la configuration actuelle de la Chambre des conseillers, avec ses rapports de force complexes, pourrait réitérer les mêmes tensions qu’à la Chambre des représentants.

La grève, ce droit sacré pour les travailleurs, semble désormais être un point de friction majeur entre les deux camps. Les syndicats, qui jugent la loi trop restrictive, risquent de mener des actions de protestation si leurs revendications ne sont pas entendues. De leur côté, les autorités devront probablement revoir leur approche et engager un véritable dialogue social pour éviter que cette question ne devienne un point de rupture.

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