Eau potable et irrigation, feuille de route et chantier de règne de Mohammed VI
Par Hassan Alaoui
« De l’eau, nous avons fait toute chose vivante » ! L’apophtegme coranique , combien sont-ils à mesurer sa portée et sa force dans l’espace et dans le temps qui coule ? L’éternisassion dont il fait preuve transcende sa sémantique et n’arrête pas de nous interpeller.
Cette parole tombe aujourd’hui à point nommé, parce que le Roi Mohammed VI lui redonne en ces temps d’inquiétude sa vigueur. Aussi, la réunion de travail qu’il a présidée lundi à Rabat sur la problématique de l’eau a-t-elle valeur de symbole. Elle nous montre à quel point le Souverain lui accorde un intérêt particulier et comment elle constitue l’une de ses priorités.
Depuis quelques temps, on s’alarme à juste titre de ce qu’on appelle le stress hydrique au Maroc, sans pour autant trouver une parade ou la parade à ce qui est en train de vider notre nappe qui est, bien entendu, notre richesse. L’eau, cette précieuse et incomparable matière, par qui la vie humaine commence et se termine, nous fait défaut. L’eau douce, potable se raréfie à une vitesse galopante. Tandis que sa consommation se démultiplie, sa production est sujette à caution, tant que l’équation « production-consommation » n’est pas régulée. Tant que la conscience de l’Homme n’a pas compris la gravité de la tragédie qui, à terme, se dessine à notre grand dam.
Pour la première fois, depuis des années, la question est prise en charge avec un Plan septennal de moyen terme qui mobilise, tenons-nous bien la bagatelle de pas moins de 115,4 Milliards de dirhams. Feu Hassan II dirait d’un tel montant que « seule une bouche d’homme pourrait en prendre la réelle mesure », tellement le montant reste hyper-élevé .
Il convient de souligner d’emblée la dimension de ce projet, intitulé « Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 ». De la même manière, il faut saluer l’opportunité et l’exigence de son déploiement qui est une manière d’anticipation sur les événements. On y ajoutera, sa mise en perspective futuriste, son Vade Mecum qui guidera les actions des experts et toute la communauté de travail qui y est engagée, enfin toute la méthodologie qui l’accompagne ou le sous-tend.
Le Roi Mohammed VI a tracé la feuille de route avec un Cahier de charges d’autant plus précis et rigoureux qu’il ne laisse au hasard, donc la porte ouverte à aucune alternative : la consolidation et la diversification des sources d’approvisionnement en eau potable ; l’accompagnement de la demande pour cette source inestimable ; la garantie de la sécurité hydrique ; et la lutte contre les effets des changements climatiques. Ce triptyque nous interpelle. Chaque concept ici est en lui-même tout un programme. Il implique pour ainsi dire une volonté irrépressible de « prendre le taureau par les cornes », mettant également en exergue l’originalité d’une ambition structurale. Il s’agit d’engager un gigantesque nouveau chantier du règne, inscrit dans la durée et traçant la troisième décennie du siècle.
La répartition sectorielle du montant nous en dit long à la fois sur l’objectif et sur la justesse de sa multidimension inclusive : 61 Milliards de dirhams consacrés à la construction des barrages ; 25, 1 Milliards à la gestion de la demande et la valorisation de l’eau au niveau de l’agriculture ; 26,9 Milliards pour le renforcement de l’approvisionnement en eau potable en faveur du monde rural ; 2,3 Milliards pour la réutilisation des eaux usées traitées dans l’irrigation et les espaces verts ; 50 millions de dirhams consacrés aux campagnes de communication et de sensibilisation des citoyens sur la nécessité de préserver l’eau et sa raréfaction. Projet « pharaonique », se sont empressés de dire certains commentateurs. Nous dirions plutôt « logique et conséquent » au regard des exigences du développement du Royaume et compte tenu des défis auxquels il est confronté, dont celui des changements climatiques. Le Maroc possède quelque 145 barrages, 14 nouveaux sont en cours et 20 autres seront lancés…Ils constituent la colonne vertébrale de notre développement agricole et, au-delà de notre croissance.
On ne peut être le pays qui a abrité la COP 21 à Marrakech , parrainé le succès de celles qui l’ont suivie, signé les engagements internationaux pour la préservation de la planète, et ne pas combattre les gabegies et les violations de cette dernière en cours. L’Etat assurera 60% du projet, tandis que 39% seront portés par les « parties concernées », le reste relevant des partenariats public-privé. C’est dire la subtilité du montage, mais aussi le dévouement patriotique qu’il implique. En présidant la signature de la Convention-cadre pour la réalisation d’un tel projet, le Roi Mohammed VI lui apporte sa caution , mais aussi lui impose l’exigence – plus que morale et éthique – de résultats probants.
L’eau est à présent un enjeu géopolitique majeur, d’aucuns n’hésitent pas à affirmer qu’elle constituera sous peu la raison majeure de conflits régionaux. Cela dit, le plus décisif de nos jours, outre la sécurité nationale, restera l’indépendance à long terme de notre pays.