Économie marocaine : Quel plan de relance après le déconfinement ?
Par Khalid Cherkaoui Semmouni*
La crise sanitaire mondiale liée au coronavirus (Covid-19) s’accompagne de graves conséquences sur toutes les économies du monde. Aussi, le Maroc pourrait-il connaître des pertes importantes en 2020, au niveau des principaux secteurs qui ont été touchés comme le tourisme, l’automobile et le textile.
En effet, la crise pourrait impacter le commerce marocain à cause du gel des activités des entreprises, de la hausse attendue du taux du chômage, ce qui a influencé négativement la consommation des ménages et l’investissement. Sans oublier l’impact de la crise sur le commerce extérieur du Maroc qui représente 32% du PIB. Une baisse de 20% des volumes totaux de biens échangés équivaut à une perte de 2,6 millions tonnes chaque mois à partir de mars 2020, d’après une étude de CFG Bank.
Grâce aux directives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc a agi vite et avec beaucoup de détermination, par la prise des décisions les plus judicieuses pour faire face à la crise. Mais il reste encore des efforts à déployer par le gouvernement afin de diminuer les effets économiques qui sont lourds.
Après le déconfinement, des conséquences néfastes sur l’économie marocaine seront attendues. Les statistiques montrent que le PIB réel reculerait de 1,5% en 2020, la première récession frappant le Maroc depuis plus de deux décennies.
Sur le plan budgétaire, la pandémie aura un impact négatif sur le rythme de l’assainissement budgétaire et sur les besoins de financement brut en plus de la dette. Le déficit budgétaire global devrait se détériorer pour atteindre plus de 6% du PIB en 2020. L’aggravation du déficit s’explique principalement par l’augmentation des dépenses sociales et économiques liées à la pandémie ( Covid19 ) et la baisse des recettes fiscales, en particulier de l’impôt sur les sociétés.
D’ailleurs, Bank Al-Maghrib a revu à la baisse ses prévisions de taux de croissance nationale pour 2020, passées de 3,8% à 2,3%. Elle a également décidé de réduire son taux directeur de 25 points à 2% afin de soutenir l’activité économique nationale. Les exportations ont baissé de 61,5% et les importations de 37,6%.
Il est à noter que depuis l’état d’urgence sanitaire, générant des plongeons économiques et provoquant une récession sans précédent, l’activité est mise à l’arrêt, dans le but de stopper la progression de la pandémie.
Dès lors, les autorités publiques sont soucieuses d’effectuer une évaluation régulière des pertes économiques et de mettre en place un plan de relance de l’économie marocaine pour qu’elle parvienne à se relever après un tel choc .
Il est à signaler qu’un dispositif d’élaboration d’un plan de relance a été schématisé à travers trois initiatives :
1 – La demande faite par le Parlement au CESE pour effectuer une étude d’impact et évaluer les conséquences de la crise Covid-19 sur les plans économiques et sociaux.
2 – La proposition du plan de relance faite par la CGEM.
3 – La garantie du financement élaboré par le Comité de Veille économique (CVE ).
Dans ce cadre, je propose que le plan de relance économique prenne en considération les éléments suivants:
– L’élaboration d’une loi de finances rectificative pour le second semestre 2020, avec les prévisions de recettes fiscales et les dépenses qui doivent prendre en considération les effets de la crise sanitaire.
– La prise en charge par l’Etat des salaires dans les entreprises qui ont dû réduire ou suspendre leur activité.
– La prise de mesures de soutien aux entreprises et aux ménages, en plus des garanties de prêts bancaires par l’Etat.
– La priorité absolue à l’investissement et la mise en place des soutiens spécifiques pour certains secteurs (le transport aérien, portuaire, routier et ferroviaire, le tourisme, l’hôtellerie, l’événementiel, la restauration, les activités liées à l’import-export (notamment l’automobile, l’aéronautique et le textile), le secteur des BTP, l’agriculture, … )
– L’annulation de certaines créances fiscales selon les secteurs. Beaucoup de PME et TPE en grande difficulté ne pourront pas payer ces créances.
– Le soutien de l’Etat aux grandes entreprises en matière de fiscalité, des charges sociales, de financement à long terme, de la préférence nationale en termes de commande publique en lien avec le renforcement du taux d’intégration des industries.
– L’innovation des nouvelles technologies comme en témoignent deux innovations. Le parapheur électronique pour le traitement du courrier au sein des administrations et le bureau d’ordre digital, généralement et mener un changement vers l’administration numérique.
– La formalisation du secteur informel et la promotion de l’industrie nationale « Made in Morocco ».
– L’extension de l’AMO aux catégories sociales les plus vulnérables.
– Les prêts à long terme aux entreprises solvables avant la crise, garantis par l’Etat à hauteur de 80-90% et à taux subventionnés.
– La réduction de la TVA à 10% sur les produits concurrencés par l’informel mais uniquement sur une période déterminée.
Enfin, faut-il rappeler que la crise du coronavirus a vraiment chamboulé la vie économique et sociale au Maroc ? Et c’est pourquoi d’ailleurs, S.M. le Roi a accordé un délai supplémentaire de 6 mois à la Commission spéciale sur le modèle de développement pour intégrer dans ses travaux les effets de la pandémie et prendre en compte les leçons qui doivent être tirées de la crise.
*Professeur en Sciences politiques, Directeur du CREPS