El Niño : Un coup dur pour les pays à forte dépendance agricole
Par Matar Bensalmia
De nos jours, la planète fait face à une série de phénomènes climatiques dévastateurs, allant de la sécheresse aux incendies en passant par les vagues de chaleur, qui perturbent considérablement la vie sur Terre. Ces événements météorologiques extrêmes ont des répercussions importantes sur l’environnement, l’agriculture, la santé publique et l’économie mondiale.
Dans une récente publication, la compagnie Coface a alerté quant au retour du phénomène météorologique El Niño, prévu pour le second semestre de 2023, ce qui risque d’amplifier les effets du changement climatique.
Dans le détail, les habitants de la région indopacifique devront faire face à des épisodes de chaleur intense et de sécheresse à partir du quatrième trimestre de l’année en cours. Selon la même source, l’impact d’El Niño sur le secteur agricole devrait être particulièrement remarqué en 2024, car les rendements des cultures dépendent fortement des conditions météorologiques, notamment de la chaleur et de la pluviométrie. Cette situation pourrait, à long terme, avoir des conséquences importantes sur les commodités agricoles et sur l’économie mondiale.
Selon les prévisions de Coface, certaines matières premières agricoles telles que les céréales, le sucre, l’huile de palme et les agrumes sont sujettes à de fortes incertitudes à moyen terme. Une situation pouvant entraîner des risques significatifs pour la sécurité alimentaire dans certaines régions du monde.
Lire aussi : Automobile : Le premium gagne du terrain
Ce phénomène océano-atmosphérique prend racine dans les variations des températures des eaux de surface du Pacifique Centre et Est, du côté latino-américain. l se compose de deux phénomènes opposés, La Niña et El Niño, qui se produisent généralement tous les deux ou trois ans. La Niña apporte un climat plus froid et pluvieux, tandis qu’El Niño est associé à des conditions plus chaudes et sèches.
L’épisode actuel d’El Niño survient moins d’un an après le dernier épisode de La Niña, ce qui est nettement plus rapide que les fréquences historiques, poussant la population mondiale à prendre conscience des enjeux qui se dessinent à l’horizon.
En effet, les perturbations météorologiques engendrées par El Niño ont un impact considérable sur toute la région indopacifique, entraînant des épisodes de chaleur intense et de sécheresse. Ce phénomène a la particularité d’aggraver les effets négatifs du changement climatique en Asie-Pacifique, en Afrique du Sud et de l’Est, ainsi que sur le continent américain. En revanche, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord semblent être épargnés par cet événement climatique.
Double pression
Dans ce contexte, certains pays risquent de voir leurs rendements agricoles baisser en raison des perturbations climatiques causées par des phénomènes tels qu’El Niño. Il s’agit du Brésil, en tant que premier producteur mondial de canne à sucre, de soja, de café et d’orange, ainsi que de l’Inde, deuxième producteur mondial de riz, de blé, de canne à sucre et de pommes de terre, suivis de l’Indonésie, premier producteur d’huile de palme et troisième producteur mondial de riz, ainsi que de l’Australie, quatrième producteur mondial d’orge et de colza.
Pire encore, les récoltes moins abondantes exerceront une forte pression sur l’ensemble des chaînes de valeur agroalimentaires, et l’année 2024 devrait être marquée par des tensions importantes entre l’offre et la demande dans le secteur. En effet, les perturbations météorologiques impacteront à la fois les productions des grands exportateurs tels que l’Australie, le Brésil et les États-Unis, ainsi que des pays densément peuplés et supposés être autosuffisants sur le plan alimentaire, tels que la Chine et l’Inde. Cette double pression sur les approvisionnements augmentera les défis à relever pour répondre aux besoins alimentaires mondiaux.
Les prix alimentaires devraient également connaître une augmentation en 2024, selon les prévisions. D’ailleurs, l’exemple du Sud-Est asiatique en est une bonne illustration. Au cours des 20 dernières années, les épisodes El Niño ont entraîné des pressions inflationnistes sur les denrées alimentaires dans cette région. Le riz, qui représente 60 % de la consommation domestique de céréales dans la région, est particulièrement vulnérable aux effets d’El Niño, car sa culture est très gourmande en eau et souffre des variations de pluviométrie. Étant donné que le poids du segment alimentaire dans les indices des prix à la consommation régionaux est très significatif, d’environ 40 %, on craint une poussée inflationniste à moyen terme.
Une menace pour l’économie
Les pertes de revenus et d’emplois pourraient être importantes dans les pays où le secteur agricole occupe une place prépondérante. Prenons l’exemple de l’Indonésie, où l’agriculture représente 13 % du PIB et 32 % des emplois.
Ce pays pourrait en effet subir de plein fouet l’impact négatif d’El Niño sur la production de riz et d’huile de palme.
À moyen terme, ces difficultés économiques, induites par les perturbations météorologiques, pourraient avoir des répercussions significatives sur la stabilité du pays, notamment en période d’échéances politiques majeures. En effet, les prochaines élections générales indonésiennes, incluant la présidentielle, les législatives et les sénatoriales, sont prévues pour février 2024.
Toutefois, les pays qui connaissent des perturbations météorologiques moins prononcées pourraient tirer profit de la hausse des prix des produits agricoles sur le marché international.