Élections 2026 : La politique en hors-jeu, la course au pouvoir en mode Mondial

CE QUE JE PENSE

L’ivresse du Mondial 2030 s’est emparée du paysage politique marocain, métamorphosant les élections législatives de 2026 en une arène où chaque parti se rêve en héraut du futur gouvernement. Avant même que les hostilités ne s’ouvrent, les prétendants s’autoproclament vainqueurs, chacun se voyant déjà porter le trophée sous les feux des projecteurs planétaires. « Qui dirigera le gouvernement du Mondial ? » Voilà la question qui hypnotise les États-majors politiques, obnubilés par l’aura de cet événement colossal au point d’oublier l’essentiel : un pays en proie à ses propres tourments.

L’éducation cherche encore ses repères, la santé publique suffoque, le chômage gangrène la jeunesse, l’inflation étrangle les ménages… Mais qu’importe. Ce ne sont plus là que des préoccupations secondaires, balayées par la fièvre d’une ambition nouvelle : s’arroger le pouvoir au moment où le Maroc s’habillera de prestige mondial. Pour ces formations politiques, 2026 n’est pas une échéance électorale ordinaire. C’est un sprint final vers une consécration inédite, un passeport pour régner sur les chantiers pharaoniques et les budgets vertigineux du Mondial. Le Maroc, lui, peut bien attendre.

Tandis que le pays ploie sous le poids de ses fragilités, ses élites politiques, elles, n’ont d’yeux que pour le grand spectacle de 2030. Finie l’heure des discours ancrés dans les réalités sociales ; place à une nouvelle rhétorique, où la Coupe du Monde devient le prétexte absolu, l’horizon unique, le trophée à conquérir. Derrière les envolées lyriques sur l’essor du Maroc, c’est une lutte féroce qui s’engage pour le contrôle de la machine gouvernementale qui supervisera cet événement planétaire. Ils ne promettent plus d’écoles rénovées, d’hôpitaux fonctionnels ou de réformes économiques audacieuses. Ils promettent de diriger le Mondial, comme si cette ambition suffisait à panser les plaies profondes du pays. Une jeunesse désabusée, une classe moyenne pressurée, des services publics en apnée… Des réalités reléguées au rang de détails futiles face à l’obsession du moment : orchestrer le Mondial.

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Dans cette course effrénée, les partis rivalisent d’ardeur, mais sans projet de société digne de ce nom. Derrière les slogans martelés et les postures de conquérants, aucune vision structurante ne se dessine, aucun programme ne dépasse l’opportunisme d’un positionnement électoral bien calculé. Il ne s’agit plus de refonder un pays en proie aux défis contemporains, mais de s’assurer une place de choix dans l’architecture politique du Mondial, de s’accaparer les dividendes politiques, économiques et médiatiques d’un événement conçu comme une manne inespérée. Le débat public, au lieu de s’ancrer dans les urgences du quotidien, s’est mué en une joute stérile où chacun cherche à imposer son récit, à s’ériger en chef d’orchestre de cette échéance historique.

Ils n’ont ni projet structurant, ni programme de réformes profondes, seulement une stratégie de conquête pour s’emparer du pouvoir et capitaliser sur la dynamique du Mondial. Loin des débats de fond, le Maroc se retrouve donc otage d’une classe politique qui pense plus à son avenir électoral qu’à celui du pays. Il faut dire que pour ces partis, rien n’est plus alléchant que les projecteurs de 2030 : budgets colossaux, chantiers stratégiques, attractivité internationale, prestige tout court … Autant d’arguments pour justifier un positionnement prématuré, sans même prendre la peine d’esquisser un véritable projet de société. Ce basculement a mis en lumière une rupture brutale au sein de l’actuel gouvernement. Longtemps soucieux de préserver l’illusion d’une coalition solide, le chef de l’exécutif et ses ministres ont toujours tenté d’étouffer leurs divergences, quitte à imposer un silence de plomb.

Mais la perspective du Mondial n’a pas soudé les ambitions, elle les a exacerbées. Derrière les sourires de façade, c’est une guerre de positionnement qui se joue, où chaque acteur tente d’assurer sa propre survie dans un jeu d’alliances mouvantes et de rivalités feutrées. Loin de gouverner, ils calculent. Loin de réformer, ils manœuvrent. Et pourtant, une réalité s’impose : 2026 ne sera pas une élection comme les autres. On oublie que le Mondial est un levier, pas une finalité. Il ne s’agira donc pas seulement d’encadrer la Coupe du Monde, mais de façonner une décennie charnière où  se joueront des réformes vitales. Organiser un Mondial est un défi, certes, mais insuffisant pour masquer les fissures structurelles qui lézardent l’édifice sociétal. Gouverner en 2026 ne consistera pas à dérouler un tapis rouge aux délégations étrangères ni à multiplier les discours triomphalistes ; ce sera l’instant de vérité, celui où il faudra investir massivement dans le capital humain, repenser le modèle économique, moderniser les institutions et restaurer un contrat social mis à mal par des années d’attentisme et de gestion à courte vue. C’est là que réside le véritable enjeu.

Toutefois, à mesure que se profile cette échéance déterminante, un autre danger surgit, plus sournois, plus pernicieux : l’éviction méthodique de la jeunesse du champ politique. Loin d’ouvrir la voie à une génération porteuse d’idées neuves et d’un souffle régénérateur, l’appareil partisan verrouille les accès, imposant des figures lisses et aseptisées, conçues pour s’intégrer sans heurt dans les rouages de certains partis politiques qui craignent d’être bousculés. Plutôt que de catalyser une relève audacieuse, capable d’incarner l’ambition d’un Maroc en transformation, certains préfèrent neutraliser toute velléité de rupture en façonnant une jeunesse sous contrôle, domestiquée avant même d’avoir pu imposer son propre récit. Or, le prochain gouvernement ne sera pas seulement celui du Mondial. Il sera celui d’une génération qui devra impérativement mettre en œuvre la Vision Royale, celle qui outrepasse l’événement sportif pour inscrire le Maroc dans une dynamique de transformation profonde.

Mais qui, parmi cette élite politique enfiévrée par la perspective du Mondial et en campagne prématurée, en a réellement pris la mesure ? Qui est prêt à endosser la responsabilité d’un moment historique où se jouera bien plus que l’organisation d’un événement ? Qui pense encore à la réforme du modèle économique, à la justice sociale, au chantier de l’État social ? Qui se soucie des laissés-pour-compte du développement, des classes populaires qui n’ont pas le luxe de se projeter dans l’euphorie du Mondial ?

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À voir l’ardeur avec laquelle les partis s’affrontent pour revendiquer la paternité du Mondial, on pourrait croire que la politique s’arrête à la gestion d’un événement et que la grandeur d’une nation se résume à la splendeur de ses infrastructures sportives. Mais l’Histoire ne se joue pas dans un stade. Elle ne se décide pas sous les projecteurs d’une finale mondiale, mais dans les choix de fond, dans la capacité à affronter les véritables urgences et à préparer l’après, lorsque le rideau sera tombé, lorsque les cris de la foule se seront tus. Ce que les électeurs attendent en 2026, ce ne sont pas des organisateurs de tournoi. Ce sont des bâtisseurs d’avenir. Car le Maroc ne se définit pas par un Mondial. Il se définit par son ambition, sa capacité à transformer un rêve collectif en une trajectoire durable, son aptitude à convertir l’opportunité en renouveau, le prestige en puissance. Le Mondial ne fera pas oublier la précarité, l’injustice sociale, le chômage ou la crise du logement. Il ne fera pas taire les revendications d’une jeunesse avide de changement, ni les aspirations d’un peuple qui attend bien plus qu’un spectacle footballistique.

Gouverner en 2026 ne sera pas administrer un calendrier sportif, mais poser les jalons d’un Maroc post-2030, d’un pays fort, structuré, compétitif sur tous les fronts, ce sera définir la trajectoire d’un Maroc qui aspire à la puissance régionale, à la prospérité partagée, à l’excellence. Ce sera mettre en œuvre la Vision Royale qui a offert au pays cette opportunité sans précédent, et non pas la diluer dans une guerre stérile d’egos et de positionnements politiciens.

Ceux qui l’ont compris ont une chance d’inscrire leur nom dans l’Histoire. Les autres risquent de découvrir, à leurs dépens, que la politique, comme le football, ne se gagne pas sur des déclarations flamboyantes, mais sur le terrain. Car au-delà des infrastructures, des stades et des festivités, il y a un pays à faire avancer, une jeunesse à réconcilier avec la politique, une gouvernance à assainir, des institutions à renforcer. Le prochain gouvernement ne sera pas simplement celui du Mondial, il sera celui de l’Histoire. Il aura la lourde tâche de concrétiser une Vision Royale ambitieuse qui dépasse de loin l’horizon de 2030.

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