En Afrique du Sud, les gens meurent encore du choléra

Par Hamid AQERROUT 

En Afrique du Sud, pays pourtant le plus industrialisé et le plus avancé en Afrique, des gens meurent encore du choléra. La grande tragédie de cette épidémie mortelle qui a dévasté la communauté de Hammanskraal, une zone périurbaine de la ville de Tshwane et quatrième plus grande municipalité du pays, révèle des symptômes d’un mauvais leadership et l’échec d’un modèle de développement qui a fait son temps.

Dans ce pays d’Afrique australe, les malheurs se suivent mais ne se ressemblent pas. En plus du choléra, les Sud-africains doivent encore faire face à une hausse inquiétante de la criminalité, des délestages électriques récurrents qui peuvent atteindre 12 heures par jours, une corruption endémique, des systèmes d’approvisionnement en eau et de santé défaillants, une flambée des prix des denrées alimentaires, des infrastructures en ruine et un taux de chômage record (33 pc) ….etc.

Ce n’est un secret pour personne que l’énormité de cette catastrophe, qui se déroule à seulement 28 km de la capitale Pretoria, était entièrement prévisible, que les conditions toxiques de l’eau étaient bien documentées et que diverses branches de l’État s’étaient à de nombreuses reprises engagées à intervenir mais ne l’ont pas fait.

L’épidémie du choléra à Hammanskraal, qui a fait jusqu’à présent 24 morts alors que des centaines de personnes sont toujours hospitalisées, est indubitablement choquante, mais pas surprenante. Les gens ont enduré plus d’une décennie de lutte avec les problèmes d’eau et d’assainissement, servant d’exemple frappant d’une gestion chaotique des communes sud-africaines et des limites des coalitions politiques formées au gré des circonstances et de la conjoncture qui prévalent dans le pays.

En effet, une partie importante de l’infrastructure de l’eau est en mauvais état, ce qui entraîne de fréquentes fuites et interruptions de l’approvisionnement en eau dans plusieurs régions du pays. Au fil des ans, plusieurs signaux d’alarme ont été levés, soulignant davantage l’ampleur de la crise.

Et pourtant, les groupes communautaires et la société civile ont utilisé presque tous les mécanismes à leur disposition, y compris la sensibilisation du Comité du portefeuille des établissements humains, de l’eau et de l’assainissement au Parlement national et la Commission sud-africaine des droits de l’homme.

Lire aussi : L’épidémie de choléra, une «priorité immédiate» en Afrique du Sud

Ils décrivent l’eau de Hammanskraal comme « brune et gluante« , un témoignage désolant de la qualité compromise de leur approvisionnement en eau et des conséquences désastreuses pour leur santé et leur bien-être.

D’aucuns soutiennent que les effets à long terme de cette crise du choléra porteront gravement atteinte à la confiance qui subsiste entre les citoyens et l’État qui a la responsabilité de fournir de l’eau potable aux foyers sud-africains.

De nombreux citoyens lambda sont maintenant confrontés à la réalité, perçue ou réelle, que l’eau qui sort de leur robinet n’est peut-être pas potable. La destruction de la confiance ne fera qu’exacerber davantage les inégalités dans le pays.

En effet, déjà en 2019, la Commission sud-africaine des droits de l’homme a déclaré l’eau impropre à la consommation humaine à la suite d’une analyse indépendante du Conseil de la recherche scientifique et industrielle.

Ainsi, malgré des preuves incontestables que l’eau de la région était toujours régulièrement contaminée, les différentes sphères du gouvernement ont choisi le mutisme total.

Ainsi , la tragédie de Hammanskraal n’est qu’un exemple de ce qui se passe dans d’autres municipalités du pays où les installations de traitement des eaux usées sont en panne et déversent des eaux usées brutes dans les rivières et barrages, qui sont pourtant des sources communes d’eau potable. C’est une véritable bombe à retardement qui nécessite une action urgente et impérative, ainsi qu’une stratégie à long terme pour faire face à la détérioration des infrastructures hydrauliques dans de nombreuses municipalités du pays.

Sans un réel engagement des gouvernements central et régionaux à apporter des réponses concrètes à ces défis, ces lacunes dans l’accès à l’eau et à l’assainissement adéquats se creuseront et laisseront les habitants des zones moins développées telles que Hammanskraal dans le désarroi et sans espoir.

Pour le Congrès National Africain (ANC), parti au pouvoir en Afrique du Sud depuis trois décennies, les enjeux et les risques sont énormes, surtout à l’approche des élections générales de 2024 qui augurent déjà de grandes surprises.

Avec MAP

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