En France, une mobilisation massive en vue contre une réforme des retraites
Cheminots, enseignants, étudiants, policiers, éboueurs, avocats… syndicats, partis d’opposition et « gilets jaunes » appellent à faire grève et manifester jeudi en France contre la future réforme des retraites, que l’exécutif est « déterminé » à mener à terme.
C’est un bras de fer qui s’engage et pourrait bien « décider du succès ou de l’échec du quinquennat d’Emmanuel Macron », estimait lundi le quotidien Libération, alors que le président élu en 2017 avait fait de cette réforme une promesse de campagne.
Le mouvement pourrait durer plusieurs jours dans les transports, avec un appel à une grève illimitée à la SNCF, l’opérateur ferroviaire, et à la RATP, les transports publics parisiens.
La mobilisation contre la fusion des 42 régimes actuels de retraite (privé, fonctionnaires, spéciaux, complémentaires) en un système universel par points « s’annonce forte et durable », prévient le syndicat CGT, qui a appelé à une grève interprofessionnelle avec FO, troisième organisation syndicale derrière la CFDT et la CGT, mais aussi d’autres organisations, syndicales et de jeunesse.
Une intersyndicale est programmée vendredi pour envisager la suite. Sans la CFDT, favorable à un système de retraites « universel », « plus lisible » et « plus juste ».
Anticipant un mouvement long dans un contexte social tendu où les mécontentements se multiplient (hôpital, police, enseignants, cheminots, « gilets jaunes »…), l’exécutif a enchaîné les réunions ces derniers jours, dont un séminaire gouvernemental dimanche.
De son côté, le haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, reçoit encore une fois chaque organisation syndicale et patronale, avant de rendre ses conclusions au Premier ministre Édouard Philippe en début de semaine prochaine.
Ce dernier doit dévoiler le projet à la mi-décembre, avant une présentation au Parlement début 2020.
Il a laissé la semaine dernière une porte ouverte à une entrée en vigueur après 2025, année prévue au départ. Et à des thèmes chers aux syndicats, comme les droits familiaux, la pénibilité ou des « garanties » attendues par les enseignants, dont près de sept sur dix seront en grève.
Lundi, pour les rassurer, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est prononcé pour une revalorisation de leur salaire.
La fermeté reste toutefois de mise: « Je n’y renoncerai pas », a prévenu Emmanuel Macron, quand Édouard Philippe est « plus déterminé que jamais ».
Mais le spectre de 1995 se profile. Un mouvement social de grande ampleur avait alors duré trois semaines contre des projets de réforme de la Sécurité sociale et des retraites. Le Premier ministre Alain Juppé avait dû reculer sous la pression de la rue sur sa réforme des « régimes spéciaux ».
« Il y a deux conditions pour mener à bien un tel projet: un minimum de consensus sur le bien-fondé de ce bouleversement et une confiance dans le gouvernement. Aucune de ces conditions n’est réunie », estime Bernard Thibault, ancien dirigeant de la CGT, chef de file des cheminots il y a 24 ans. Pour lui, « le mécontentement social est plus fort qu’en 1995 ».
Si les Français se disent très largement favorables à une réforme du système de retraites (76%), 64% ne font pas confiance au gouvernement pour la mener, selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche.
L’initiative d’une grève reconductible est venue de syndicats de la RATP, après une grève le 13 septembre qui a quasiment paralysé la capitale et ses environs. Puis s’est étendue au fil des semaines à d’autres secteurs, aux « gilets jaunes » qui protestent depuis un an contre la politique fiscale et sociale du gouvernement, ainsi qu’à des partis d’opposition, à gauche et à l’extrême droite.
Des syndicats peu habitués à battre le pavé prévoient de participer et la CFDT-Cheminot, à contre-courant de sa centrale, appelle à une grève illimitée.
La CFDT ne veut pas en entendre parler. Si une réforme demandait « aux personnes de travailler plus longtemps sur la carrière (…), en janvier, oui, la CFDT se mobilisera », a prévenu Laurent Berger, secrétaire général du premier syndicat français.
Avec AFP