Énergie : Le Maroc en route vers la neutralité carbone

Le Royaume a entamé la démarche vers une transition énergétique, plaçant le Maroc comme un acteur régional important dans le marché du carbone. Grâce à un mécanisme de compensation carbone instauré par l’accord de Paris, le lancement de ce processus de décarbonisation de l’économie est proche. Les dividendes de cette politique de transition énergétique se verront à long terme.

Le Royaume se lance dans la transition énergétique, en adhérant au mécanisme de compensation carbone instauré par l’accord de Paris. Le principe est simple, si on l’applique à grande échelle, des Etats pollueurs peuvent financer des projets consistant à acheter des crédits carbones à des porteurs de projets verts afin de réduire son bilan carbone localisés dans les pays émergents, les aidant ainsi à décarboner leurs économies et à atteindre leurs objectifs climatiques. C’est le principe du marché carbone, actif au niveau mondial. Le Maroc fera bientôt partie de ce projet, lui permettant d’accélérer sa transition énergétique.

Parallèlement à cet accord, une organisation internationale dénommée Global Green Growth Institute (GGGI) a pour mission d’accompagner les pays signataires à implémenter ces programmes. Par rapport au système de compensation carbone inter-étatique, un programme spécifique dénommé DAPA (Designing Article 6 Policy Approaches) a été lancé.

En effet, les subventions sont calculées en fonction du prix de la tonne de CO2 évitée et varient selon la technologie, la puissance installée et le facteur de charge de chaque projet. Par ailleurs, la spécificité du système d’incitation basé sur la production (SIP) est qu’il ne se contente pas de rémunérer le producteur, mais inclut plusieurs acteurs impliqués dans la mise en œuvre et le fonctionnement du projet.

Le Royaume devra chercher un acheteur pour ses crédits carbone. Le premier partenaire sera probablement la Norvège, pays avec lequel le Maroc a signé un accord de coopération (MoU) dans le cadre de l’article 6 de l’accord de Paris, en décembre 2023 en marge de la COP28 de Dubaï. Par ailleurs, la Norvège envisage de réduire de plus de la moitié ses émissions de CO2 d’ici 2030, comparativement au niveau de 1990, et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Lire aussi : Vers la transition énergétique au Maroc, en termes d’énergies propres

Plusieurs leviers vont être activés, notamment les instruments de marché introduits par l’accord de Paris sur le climat. A part le Royaume, la Norvège a signé avec d’autres pays comme le Sénégal et l’Indonésie. L’objectif du Maroc serait de dépasser 52% des énergies renouvelables d’ici 2030, grâce au programme DAPA. Le ministère de la transition énergétique a estimé que pour réaliser les objectifs fixés, l’investissement doit être de 1 milliard de dollars par an, et ce, à partir de 2023 jusqu’en 2030. Au-delà de 2030, les projections du ministère estiment que les besoins en investissement devraient dépasser 1,9 milliard de dollars par an.

Ces dernières années, la moyenne des investissements était d’environ 300 à 400 millions de dollars par an, y compris de grands projets financés par l’Etat comme Noor Ouarzazate.

Marché du carbone

Les économistes libéraux théorisent le fait que le prix des biens (fixé par le marché) n’incorpore pas les dégâts sur l’environnement et le réchauffement climatique, il faut leur ajouter un prix du carbone déterminé par un autre marché. Les défaillances du marché doivent être réglées par un autre marché. Ce prix du carbone inciterait les entreprises à se diriger vers des modes de production moins polluants.

Ces mesures incitatives consistant à définir par pays des plafonds d’émissions de carbone pour les entreprises et secteurs polluants. Par la suite, grâce au jeu du marché, il était possible pour les entreprises les plus polluantes d’acheter les quotas d’entreprises qui émettent moins que leur plafond autorisé. Et comme les quotas d’émissions ont été surévalués, grâce à un lobby efficace, le prix du carbone a fortement chuté. Alors que le principe de ce marché était d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions, il n’a été qu’un outil pour les encourager à ne pas changer.

Le marché est avant tout une construction humaine dans laquelle œuvrent des rapports de force sous-jacents.

Accord de Paris

Accord engageant tous les pays à atteindre l’objectif de limiter à 2°C, voire si possible 1,5°C, l’augmentation de la température d’ici la fin du siècle. Cependant, ne figure pas dans cet accord, les termes « énergies fossiles » pourtant principales responsables du réchauffement climatique. Les transports aérien et maritime ne s’y trouvent pas non plus. Aucune obligation n’est imposée aux Etats (de peur que les Etats-Unis ne refusent de le ratifier, comme ce fut le cas pour le protocole de Kyoto de la COP 3 en 1997). Au lieu de s’engager sur des objectifs chiffrés et contraignants de réduction des émissions de CO2, les Etats doivent s’engager à prendre des mesures au niveau national et à communiquer sur elles de manière régulière. L’aspect contraignant se limite ainsi à des communications sur leurs objectifs en termes de lutte contre le réchauffement climatique. C’est une politique des petits pas.

Protocole de Kyoto

Signé lors de la COP 3 en 1997 en vue d’une entrée en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto visait à réduire les émissions de CO2 des pays industrialisés. Les Etats avaient réussi à se mettre d’accord sur des objectifs juridiquement contraignants et des délais. Ce protocole reste probablement la plus grande avancée dans les négociations internationales sur le climat, 18 ans avant l’accord de Paris. Mais, dans les faits, c’est également le plus grand raté dans la lutte contre le dérèglement climatique. Car en refusant de le ratifier, les Etats-Unis ont envoyé un signal très négatif au reste du monde sur la façon de traiter la problématique climatique.

La responsabilité des Etats-Unis dans l’entrave à la lutte contre le réchauffement climatique est indéniable. Le protocole de Kyoto était contraignant à un moment où le monde avait beaucoup plus de temps pour organiser la transformation de son mode de production et de consommation.

Cet accord obligeait les pays industrialisés à réduire leurs émissions de CO2, avec un objectif d’une baisse de 5% des émissions de gaz à effet de serre pour ces pays entre 2008 et 2012, sans imposer aucune contrainte aux pays en développement (comme la Chine ou l’Inde).

Cette répartition des efforts était logique pour trois raisons, notamment, en premier lieu, les pays industrialisés sont responsables de plus des 2/3 des émissions de CO2 au 20ème siècle. En second lieu, les produits qu’ils consomment sont majoritairement fabriqués dans les pays en développement. En dernier lieu, ils sont plus à même d’effectuer les ajustements nécessaires (économies d’énergies…) parce qu’ils sont développés et détiennent les technologies.

En effet, quelques semaines après la signature du protocole, le Sénat américain a refusé de ratifier le traité par 95 voix contre zéro. A l’époque, les Etats-Unis produisaient 24% des émissions totales pour une population ne représentant que 4,5% de la population mondiale.

En sortant du protocole de Kyoto, les Etats-Unis ont délégitimé les négociations internationales sur le climat. Il aurait été probablement plus simple de négocier avec les pays émergents aux COP suivants si les pays riches avaient été exemplaires dans l’application du protocole. Le retrait des Etats-Unis n’a fait que compliquer les négociations climatiques, notamment avec les pays émergents. Il a également entraîné un effet d’imitation de la part d’autres pays comme le Canada, la Russie et le Japon qui ont rejeté un second Kyoto. Les Etats-Unis ont une responsabilité énorme dans l’absence d’une gouvernance mondiale sur le climat.

Energies fossiles

La répartition de la production et de la consommation d’énergies fossiles est inégalitaire dans le monde. Elle dépend des ressources naturelles mais également du développement de chaque pays. Les pays les plus sobres sont souvent les plus pauvres, ce qui n’est pas une situation souhaitable.

Prenons pour exemple, les Etats-Unis qui ont ajouté 4 millions de barils de pétrole (principalement de schiste) sur le marché mondial. Le Canada a développé les huiles de sables bitumineux (le pétrole le plus sale au monde. La France s’est tournée vers le gaz de couche (un gaz non conventionnel). Or cette production de pétrole et de gaz non conventionnels n’a aucune justification, que ce soit d’un point de vue climatique et aussi du niveau de vie. Certains pays ont la capacité de diminuer leur consommation d’énergie sans porter atteinte à leur niveau de vie. La corrélation positive entre IDH (indice de développement humain) et consommation annuelle d’énergie s’arrête à partir de quatre tonnes équivalent pétrole (TEP) par habitant.

Cela signifie que dans les pays en développement, la consommation d’énergie est reliée à l’amélioration de la qualité de la vie des individus (l’accès aux infrastructures de base comme l’électricité, les sanitaires ou l’électroménager augmente la consommation énergétique) mais, au-delà d’un certain niveau de consommation d’énergie (en l’occurrence quatre TEP), le bien-être des individus n’augmente plus (ce qui signifie que la consommation supplémentaire d’énergie devient superflue).

Cependant, un certain nombre de pays sont au-dessus de ce seuil comme les Etats-Unis, le Japon, la Suède ou l’Australie. Ces pays pourraient donc réduire leur consommation d’énergie sans affecter leur qualité de vie. Il n’est donc plus question de nécessité mais de choix.

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