Enfin la guerre contre Daech commence !
De toutes les guerres que l’humanité a connues, celle du terrorisme est sans doute la plus ancienne et la moins connue. Que le terrorisme connaisse à présent une nouvelle connotation et soit présenté comme une «guerre» n’étonne, à vrai dire, que ceux qui jouent plus sur la symbolique que sur le contenu sémantique. La guerre, c’est la guerre. Et la meilleure illustration en a été donnée dès le XIXème siècle par Carl von Clausewitz, son théoricien prussien qui disait que «la guerre est la continuité de la politique par d’autres moyens» ! Jamais si pertinent apophtegme n’aura été si vrai…Si l’on remonte dans le fil de l’Histoire, hormis les guerres puniques, celles que les pays arabo-musulmans avaient livrées, les guerres de religion en Europe, les conquêtes coloniales sanglantes en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et aux Amériques, un fil conducteur se distingue avec sa particularité : le pouvoir idéologique.
En 1938, un certain Vladimir Bartol, slovène de son état, publie un étrange livre : Alamut, inspiré d’un contexte du XIème siècle, en Iran. Forteresse des Hasissiyne (branche religieuse des musulmans chiites nizârites) appelés par la suite «assassins», Alamut a nourri l’imaginaire des Occidentaux, et ceux-ci ont construit une série de légendes comme celle de l’existence en ce fort de jardins paradisiaques, où poussent fleurs et senteurs, la drogue et autres élixirs. On connaît la suite ! Les régimes totalitaires ou les groupes totalitaires se sont servis de l’endoctrinement des masses pour assouvir leur faim de puissance. Et Daech en incarne le prototype qui remet en selle le livre de Vladimir Bartol, publié à l’époque alors que Staline, en Russie, et Hitler, en Allemagne, étaient au faîte de leur pouvoir totalitaire.
Un débat furieux agite la France depuis les attentats du vendredi 13 novembre qui ont été perpétrés par un groupe de jihadistes, avec une violence inouïe, contre le Stade de France, des cafés, des restaurants et la grande salle de spectacle, le Bataclan. Ils ont fait 130 morts et des centaines de blessés graves. Le Premier ministre français, Manuel Valls, a aussitôt parlé d’une «France en guerre contre le terrorisme». Il a suscité l’ire d’une frange d’intellectuels de gauche prompts à trouver comme d’habitude des excuses – le retour psychologique ou psychiatrique à l’enfance et aux conditions sociales des jeunes jihadistes – qui vont jusqu’à l’autoculpabilisation démentielle. Mais, dans sa majorité, la classe politique française a condamné les meurtres et exigé même une politique ferme, une «guerre juste» contre les assassins. À la quasi-unanimité aussi, les États et les gouvernements du monde entier soutiennent la France et expriment, encore une fois, leur engagement à éradiquer le terrorisme et la lâche guerre que Daech commandite de loin, en instrumentalisant les jeunes dans cette Europe de plus en plus exposée, fragilisée, menacée constamment et vivant sur le qui-vive émotionnel.
Le débat sur le terrorisme n’est pas nouveau, pas plus qu’il nous surprend. On savait la France menacée, on savait qu’elle serait attaquée, ce que l’on ignorait, en revanche, c’était la date et le lieu, certainement aussi le modus operandi. Le fil noir du terrorisme traverse donc Paris et nous conduit jusqu’en Belgique, il remonte dans le temps aussi, en sens inverse. À Amman, rappelons-le, un officier de l’armée jordanienne, à la surprise de tout le monde, a assassiné deux instructeurs américains et s’est donné la mort. L’enquête a révélé que, officier et gradé, il avait fait allégeance au groupe de l’Etat islamique. Dans le Sinaï, c’est un avion russe, de type A321 qui, on le découvrira tout de suite, explose en plein ciel au-dessus du Sinaï, en Égypte, faisant 224 morts, Daech encore une fois revendiquant l’attentat. Le 12 novembre dernier, c’est au tour de Beyrouth d’être agressée par Daech qui visait le Hezbollah chiite, provoquant la mort de 42 personnes, le 13 novembre Paris est attaqué, ensuite toute l’Europe est en état d’alerte maximale.
Dans la foulée, le président français a imposé un état d’urgence de trois mois, recourant à un texte de loi de 1955, exigé un renforcement inédit de la sécurité, de la surveillance, des contrôles, accordé la possibilité aux policiers français de porter des armes, même en vie civile, d’interpeller les citoyens partout, et enfin – nouveauté urgente – il a demandé à son Premier ministre de procéder à une réforme constitutionnelle. On voit se dessiner une carte sécuritaire différente qui se caractérise par une volonté rédhibitoire de serrer davantage les mesures antiterroristes, restreindre les libertés individuelles ou collectives des citoyens, au risque de jouer la carte du Front national qui savoure, de toute évidence, sa montée en puissance. Indirectement donc, Daech favorise le triomphe des thèses du Front national, entendu par là qu’une collision objective s’opère entre l’islamo-fascisme de Daech et le néofascisme du Front national.
Il faut, en effet, élargir la réflexion sur l’extension des potentiels dangers que représente l’islamisme radical, et prendre en compte ses retombées sur le Maghreb, voire sur le Maroc. Notre pays doit sa protection à nos forces sécuritaires dont on ne soulignera jamais l’engagement et l’efficacité mondialement reconnus. Le Maroc a payé le prix du terrorisme, en mai 2003 à Casablanca, ensuite le 28 avril 2011 dans l’attentat contre le café Argana de Marrakech. Nos forces sécuritaires ne cessent depuis lors de déjouer les dizaines de tentatives d’attaques, neutralisant des groupuscules constitués et se réclamant plus ou moins ouvertement du groupe de l’Etat islamique, des individus en partance pour la Syrie, d’autres «planqués» ici et là et jouant les «cellules dormantes» ou les «loups solitaires», enfin des réseaux nichés notamment dans ce nord du Maroc – à Laroui, Nador et Fnideq – qui ont connu ce Rafael Maya, devenu «Mostafa Maya Amaya», marié à une Marocaine, ayant fui Nador en 2013 après avoir formé 200 jihadistes marocains et rattrapé à Mellilia par la police espagnole…
Rien n’est moins sûr que ce «degré zéro» qui nous mettrait à l’abri d’un attentat ou d’une agression ! Il n’existera jamais. Une double action est nécessaire : la prévention et la surveillance, mais aussi la «déradicalisation» auprès des jeunes et tous ceux qui seraient sensibles à la propagande de Daech ou autre organisation criminelle. Nos forces de police sont, de l’avis de tous, exemplaires, il leur faudra cependant plus de moyens et l’accès aux nouvelles technologies pour continuer à nous protéger, à assurer cette paix de notre modèle de société si cher et exposé.