Entre feu et sang, retour sur les motivations de l’attaque terroriste qui a frappé le Burkina Faso
Le pays des Hommes Intègres, le Burkina Faso a été frappé, de plein fouet, vendredi 02 mars 2018, par la nébuleuse djihadiste obscurantiste. Deux sites à la capitale Ouagadougou, dont l’importance et la portée stratégiques sont très révélatrices, ont été mis dans le viseur des assaillants à savoir : l’Etat- Major des Forces Armées qui s’apprêtait à accueillir une réunion de la force antiterroriste G5-Sahel, ainsi que l’ambassade de France.
A peine avoir pansé les blessures des attaques terroristes de 2016 et 2017, le Burkina Faso se trouve, encore une fois, dans la tourmente du terrorisme. Sauf que cette fois-ci, avec un niveau d’organisation et un modus- opérandi de haut niveau : Deux groupes d’hommes armés agissant de manière simultanée, prenant pour cibles deux endroits de la capitale, avec l’usage d’un véhicule piégé bourré d’explosifs, avant de lancer un assaut à l’Etat- Major. Un bilan chiffré permet de constater que cette attaque est la troisième du genre en deux ans, 19 personnes tuées le 13 août 2017 dans une attaque non revendiquée. 30 personnes périssaient le 15 janvier 2016, dont des occidentaux, lors d’un autre assaut armé revendiqué, cette fois-ci par AQMI.
Analysant les faits de ce vendredi 02 mars, des experts sécuritaires Burkinabè à l’instar de Paul Koalaga, insiste sur le changement remarquable du mode opératoire de ces attaques. « Après des cibles molles (hôtels et restaurants), cette attaque a visé des cibles dures et symboles forts », explique-t-il avant de pointer du doigt une défaillance criarde en matière de renseignements. Dans un communiqué relayé samedi dans la soirée par l’Agence privée mauritanienne « Al Akhbar », le Groupe pour le Soutien de l’islam et des musulmans (GSIM) a revendiqué la dernière attaque à Ouagadougou, affirmant avoir agi en représailles à une opération française au Mali.
Cette attaque, selon le GSIM, serait « en réponse à la mort de plusieurs de ses dirigeants dans un raid de l’armée française dans le nord-est du Mali, à proximité avec l’Algérie, il y a deux semaines ». L’attaque terroriste qui a fait 8 morts parmi des éléments des forces de l’ordre, outre les huit assaillants et 80 blessés (source proche de l’Etat-Major Burkinabè), dont 12 dans un état de gravité absolue, intervient au-lendemain de l’annonce du président turc Recep Tayyip Erdogan, du déblocage de 5 millions de dollars pour appuyer la force antiterroriste G5- Sahel.
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Épaulée par les forces françaises, cette Force Sahélienne qui devrait, à terme, être forte de 5000 éléments, et qui se prépare pour être pleinement opérationnelle vers la fin de ce mois de mars, a déjà piloté une multitude d’opérations contre les groupuscules terroristes et djihadistes. A Ouagadougou, alors que les écoles françaises et l’Institut français ont suspendu leurs activités jusqu’à mercredi prochain, les autorités du pays tentent toujours de rassembler tous les éléments pouvant servir à identifier l’origine de cette double-attaque qui n’a pas encore été revendiquée par un quiconque groupe terroriste. En France, le Parquet de Paris a, quant à lui, diligenté une enquête pour tentative d’assassinats terroriste.
Une attaque motivée par la présence du Burkina Faso dans la force G5- Sahel
En réalité, cette attaque serait motivée par le fait que le Burkina Faso est l’un des pays membre de la force G5- Sahel qui comprend la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Mali. Alors que la piste djihadiste semble être « la plus évidente », le gouvernement Burkinabè n’écarte pas, en revanche, l’éventuelle responsabilité de personnes qui seraient liées au coup d’Etat raté de 2015, contre les successeurs de l’ancien président, Blaise Compaoré. D’ailleurs, dans la matinée de ce samedi 03 mars 2018, le ministre de la communication et porte- parole du gouvernement Burkinabè, Remis Fulgance Dandjinou, a déclaré qu’il s’agit « d’une attaque terroriste, liée à un courant ou à un autre des mouvements terroristes dans le Sahel, ou à d’autres acteurs qui sont pour une déstabilisation ou une situation de blocage de notre avancée démocratique« .
Le ministre Burkinabè de la sécurité, Clément Sawadogo a indiqué, vendredi dans la soirée, que l’attentat « visait probablement une réunion militaire de la force multinationale antijihadiste du G5-Sahel, qui devait se tenir dans une salle, qui a été dévastée par l’explosion d’une voiture piégée ». Un rapport rendu public, vendredi, par l’organisation onusienne explique que la montée en puissance de la force G5- Sahel va de pair avec « des menaces terroristes croissantes de l’Etat Islamique dans le Grand Sahara, et de Ansar Al Islam », notamment aux confis de Burkina, du Mali et du Niger.
Dans cette logique des réactions, alors que le président Roch Marc Christian Kaboré, a déploré un acte lâche perpétré par des forces obscurantistes qui ont de nouveau, ciblé le Burkina Faso, le SG de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé à un « effort urgent et concerté » de la communauté internationale pour aider à stabiliser la région, y compris à travers « la pleine opérationnalisation » de la force du G5-Sahel. L’Union Européenne (UE) a fait part de « son entière solidarité » avec le Burkina Faso, assurant ce pays ainsi que les autres pays de la région de son soutien dans leur lutte contre le terrorisme.
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Au niveau de l’Union Africaine (UA), le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a condamné fermement ces attaques terroristes qui constituent, à ses yeux, « une nouvelle illustration de la prégnance du fléau du terrorisme dans le Sahel, ainsi que de l’urgence d’une action internationale plus soutenue en appui aux efforts des pays de la région, notamment à travers la Force conjointe du G5 Sahel« . Pour le président du Niger, et président en exercice de cette Force, Mahamadou Issoufou, ces attaques « ne feront que renforcer la détermination du G5- Sahel et des alliés dans la lutte contre le terrorisme ».
Le président français, Emmanuel Macron a réitéré la détermination de la France, aux côtés de ses partenaires du G5-Sahel, dans la lutte contre les mouvements terroristes, au moment où, son homologue guinéen, Alpha Condé a écrit dans un communiqué que plus que jamais, l’Afrique et la communauté internationale doivent se mobiliser pour faire front commun contre cette barbarie qu’il faut définitivement neutraliser ». En visite vendredi au Mali, le président turc Recep Tayyip Erdogan n’a pas dérogé à la règle, en condamnant fermement ces attaques barbares.
La fragilité de la situation dans la bande sahélo- saharienne, la succession des défaites des djihadistes notamment, en Syrie et en Irak, et leur retour massif dans cette zone dite de « non-droit », la floraison d’autres groupuscules djihadistes en Afrique de l’ouest, le renforcement des trafics de tous genres (traite humaine, trafic d’armes, de drogues…), la pauvreté et la précarité des populations, sont au tant de facteurs parmi d’autres qui laissent présager d’une montée en flèche de la menace terroriste dans cette zones à l’avenir.
La mise en œuvre entre les pays de la région d’une approche collective intégrée, proactive mais aussi préventive, la promotion de la coopération antiterroriste et l’échange de renseignements, et surtout l’encouragement de ce genre d’initiatives locales comme la Force antiterroriste multinationale G5- Sahel à mener le combat contre les groupes obscurantistes, s’imposent avec rigueur sachant que le terrorisme reste ce criminel « aveugle », « apatride » et surtout « imprévisible ».
Othmane Semlali