Entre report des élections et alibi d’un affrontement avec le Maroc, l’Algérie s’enfonce
Chronique algérienne
Hassan Alaoui
« Le régime Tebboune disparaîtrait-il ? » Aussi abrupte qu’elle soit, cette question semble tarauder l’opinion algérienne depuis qu’une dépêche de la très officielle APS ( Algérie Presse Services), publiée le 5 mars portant un titre révélateur sur la nécessité d’assurer une « autonomie stratégique de l’Algérie » à tous points de vue est mise en évidence et posée comme un postulat impératif.
L’inquiétude voire la peur guide en sous-main ce texte qui, comme le permet une lecture sémantique poussée, nous révèle le grand malaise de l’Algérie, un échec patent en définitive. Une agence officielle nous offre en somme, malgré elle, l’envers du décor propagandiste qui a caractérisé le mandat de Tebboune : Inflation continue, chômage en hausse, pénurie aggravée, absence totale d’investissements et de projets, conflits successifs en Afrique avec le Mali, le Niger et tutti quanti.
Cela dit, les soubresauts de la politique algérienne portant à conséquence : il n’est pas jusqu’aux relations avec la Mauritanie qui n’aient subi les assauts violents du pouvoir algérien avec cette provocante pression pour punir des journalistes mauritaniens accusés de s’être simplement interrogés sur la nature de la dictatoriale posture algérienne envers la presse de Nouakchott.
De plus en plus peine-t-on à comprendre ce qui se passe en Algérie et le peu d’informations officielles qui filtrent ne nous aident pas ou très peu à entrevoir une réalité apparemment fumeuse. Et personne dans ce pays ne semble autorisé à en parler, la presse comme d’habitude étant muselée. Tout ce que l’on sait est que les élections présidentielles prévues pour le mois de décembre prochain risquent ou sont peut-être déjà en train d’être reportées. A quelle date et pourquoi exactement ? Nul ne le sait, la technique étant ici, comme dans toute dictature militaire, d’entretenir le cafouillage et le « secret de Polichinelle » habituel alors que le peuple algérien, habitué depuis 1962 aux scories de l’armée en fait l’objet de ses débats et feint de jouer malgré le complice de ce qui semble être une pantalonnade du régime.
Le secret ici est qu’il n’y a pas de secret. Le pouvoir algérien est lancé dans une infernale fuite en avant. Il ne sait pas à quel saint se vouer, empêtré qu’il est dans une tourmente institutionnelle, politique, diplomatique, économique et sociale. Poussé à ses derniers retranchements après avoir été victime de ses propres dénis et ses sempiternels mensonges, il n’a de cesse de fourvoyer toujours son peuple dans les songes abracadabrants, dilapidant dans la foulée les ressources du pays et les richesses du peuple qui, comme nous le prouvera de nouveau le mois sacré de Ramadan, sera confronté aux privations et à la rareté des produits de première nécessité.
Le secret ici est tout simplement une farouche lutte sans merci au sein des Apparatchiks qui détiennent le pouvoir, la bourse et la corde de survie d’un régime voué depuis longtemps aux gémonies. Quand, dans le sillage d’une Louisa Hanoune, dirigeante du Parti du Travail – officiant comme une opposante au régime – des informations sont fusé pour annoncer un virtuel report des élections présidentielles, qu’elle n’a pas été la furieuse réaction – trempée tout juste dans la menace – de Chengriha pour interdire à la presse de relayer l’information. Réaction violente et épidermique qu’elle ne laisse pas de nous surprendre, tant elle traduit le plus profond désarroi. On aura compris, dans ce contexte inédit, que la succession de Abdelmajid Tebboune, prévue en principe en décembre, pose problème et place les militaires qui l’avaient placé en 2019 à la tête de l’Etat dans une inextricable posture.
Est-ce à dire, dans ces conditions, que son remplacement n’ira pas de soi, et que lui trouver un remplaçant relève d’un exercice à tout le moins difficile, voire périlleux. Gaïd Salah, général de son état, « décédé » subitement en 2019 avait certes préparé et même imposé l’arrivée et la désignation de Abdelmajid Tebboune selon une culture qui remonte à l’après Boumediene ! Dans son sinistre sillage, le général Saïd Chengriha est à coup sûr défié par un mal intrinsèque qui tient à l’histoire même du régime, celui du choix d’un personnage capable de porter le sinistre emblème de la haine du Maroc, de faire mieux et pire que ses prédécesseurs, de monter de plusieurs crans encore dans la provocation et les enchères…
Pourtant, dès son arrivée au pouvoir dans les fourgons de l’armée, Tebboune n’a pas attendu une minute pour s’attaquer au Royaume du Maroc et cultivant une langue de vipère s’est lancé dans le procès de ce dernier, bavant à tout bout de champ avec un pitoyable arsenal de mensonges, que ses propagandistes et sycophantes n’ont cessé de relayer jusqu’à la caricature. Evidemment, toute honte bue Tebboune a accusé le Maroc à tours de bras de tous les échecs que son pays subit, aux plans diplomatique, économique, sportif, culturel et j’en passe. Toute initiative prise indépendamment par le Maroc est considérée comme une provocation voire une menace contre la stabilité de l’Algérie, son existence même au point que celle-ci, dans un déchaînement sans nom et gratuitement, a rompu ses relations diplomatiques ou ses relations tout court avec le Maroc en août 2021, bloqué toute activité commerciale entre nos deux pays, empêché les entreprises algériennes à travailler avec celles du Maroc, et pis que pendre
Sortir de l’ornière et faire la guerre au Maroc ? Telle est l’hypothèse que la junte militaire agite, par défaut parce qu’il devient difficile de dire clairement au peuple algérien la vérité du report plus que possible des élections…Parce que l’hypothèse d’un deuxième mandat de Tebboune – mascarade s’il en est – semble constituer une magistrale insulte voire une raison à un non moins possible soulèvement, au moins des consciences.