Entretien avec Catherine Tanguy, sur Zazie Mute…
Catherine TANGUY, vous venez de publier ZAZIE MUTE, le ré-enchantement du travail aux éditions MAHA, nous y reviendrons mais voudriez-vous d’abord nous parler de votre parcours.
Avec plaisir. Je codirige un cabinet d’accompagnement des transformations d’entreprises et de formation d’experts du changement, des coachs autrement dit. Le parcours est certifié ACSTH par la fédération internationale de coaching, ce qui implique qu’il est conforme au référentiel de compétences. Il y a 6 écoles certifiées ACSTH en France et sauf erreur de ma part, il n’y en a pas encore au Maroc. Il faut dire que cette certification se mérite, je n’ai pas compté le temps que nous avons pu y consacrer car c’est aussi une façon de s’engager pour la profession mais c’est un peu de travail !
On a l’impression que tout le monde devient coach aujourd’hui, comment faire confiance à une profession où il y a autant d’entrants ?
C’est une bonne question, notamment parce que le terme coach prête à confusion. C’est du pour une part au terme qui dans le monde sportif sert aussi à designer un sélectionneur ou un entraineur. Par conséquent, on peut penser qu’un coach est là pour donner des conseils, alors qu’il n’est là que pour faire émerger des solutions conçues et élaborées par les personnes elles-mêmes. Pour reprendre l’analogie sportive, un véritable coach de golf n’apprendrait pas à un golfeur comment tenir ses clubs, il l’aiderait à trouver lui-même les gestes qui le rendent performant.
Ce métier de coach est exigeant justement parce qu’il impose de ne pas savoir pour l’autre, mais d’avoir des techniques et des postures d’accompagnements très pointues pour faire accoucher les esprits de solutions en sommeil. Les fédérations (ICF, SF Coach et la Fédération des coachs européens) font du bon travail pour professionnaliser le métier. Les certifications internationales ne sont pas simples à obtenir car elles supposent un certain nombre d’heures, la preuve d’une formation et d’une supervision permanente, plus des examens corrigés par des pairs selon des barèmes de notation très exigeants.
Moi je suis certifiée PCC (Professionalcertifie coach). Nous devons être une dizaine de coachs à ce niveau dans tout le royaume.
Et puis, il faut faire confiance aux entreprises pour faire le tri. Je ne vous parlerais pas du coaching personnel dit aussi life coaching parce que je ne connais pas ce domaine. Mais la plupart des entreprises qui font appel à des coachs savent parfaitement les choisir et aussi pourquoi elles font appel à eux. Celles-là savent que le développement de l’autonomie des collaborateurs sera au centre de ses succès. Car il faut effectivement une certaine maturité des Directions pour faire appel à des coachs professionnels. Il faut, au premier chef, la confiance donnée et prise par les collaborateurs d’avoir la capacité et la responsabilité de trouver des solutions.
Dans les environnements où le chef montre les dents et cherche des coupables dès la moindre erreur ou des entreprises qui veulent des certitudes, le coaching ne fonctionnera pas. Mais, entre nous, les autres actions de team building ou de formation non plus !
Les entreprises sont soumises à une pression économique qui les contraint à une innovation effrénée. Ceci ne se fera pas sans un engagement des femmes et des hommes qui font le quotidien. C’est d’ailleurs une exigence croissante du consommateur. Il n’attend ni un produit, ni un service. Il exige une expérience et une relation centré sur lui. Allez jouer à cela avec des processus bien huilés de partout !
Non, l’engagement le plus sincère, vous l’obtenez quand les personnes contribuent vraiment aux solutions. On a donc besoin d’experts pour faire émerger ces solutions.
Mais si les entreprises ne sont pas encore convaincues de cela et sont dans une course aux économies d’échelle, il vaut mieux encore ne rien faire que de s’illusionner en donnant des éléments d’autonomisation à un système qui en est dépourvu.
Après tout, c’est le nombre de Burn out ou le turn over ou la prise de conscience que le monde est devenu trop complexe qui finira par faire basculer certains systèmes ou les voir disparaître.
Et Zazie mute, là-dedans ?
Justement, j’ai écrit Zazie mute comme un conte philosophique accessible par ce que s’il n’y a pas de censure …il y a tout de même énormément de résistance à penser le management de demain comme autrement qu’une copie de celui d’aujourd’hui.
Je crois que la complexité croissante va faire ressembler le management à du rafting.
Le réenchantèlent suppose de bâtir un nouveau futur, là où l’habitude est de planifier la mise en place des actions.
Planification, prévision, révision des prévisions… nombre d’entre nous avons été déformés par l’obsession de rendre le futur le plus prévisible possible. En monde incertain, et il n’est que de parler de l’élection de Donald Trump, de la crise des subprimes ou du Brexit, il est assez clair que la logique du contrôle ne fonctionne pas. Le management de demain va donc plutôt ressembler à du rafting. Si on procède comme par le passé en management, voilà ce que cela donne :
- Calcul du gradient de la pente de la rivière, puis évaluation des chances de passer à 3,5 mètres du rapide.
- Indication aux équipiers de la force motrice à mettre dans les coups de pagaie.
- Halte en eaux calmes pour refaire les calculs. La météo, l’état de la rivière, la fatigue des équipiers va aussi, on s’en doute, influer fortement sur la trajectoire du raft !
Bon courage, car ce n’est pas parce que ce n’est pas efficace que ce n’est pas ce qui est demandé et réalisé à haute dose…quand les statistiques de Burn out des managers explosent, c’est généralement à cause de ce que j’appelle le rafting prévisionnel. Ils passent leur temps à faire des calculs sur des données erronées, à refaire les calculs et à donner ordres et contre ordres.
Zazie mute passe une « méta méthode » qui permet vraiment de faire autrement et de bénéficier d’exemples d’entreprises qui ont réussi leur transformation managériale. Car toutes les histoires sont vraies, même si les environnements ont été floutés.
Zazie mute se lit comme un roman de gare mais…
Ne vous laissera pas sur le quai !
En choisissant ce format, Catherine Tanguy fait le pari de l’accessibilité pour témoigner d’expériences réelles qu’en qualité de coach en entreprise, elle a rencontrées et accompagnées. Affirmons-le. Nous avons tous besoin d’un nouveau management. C’est humainement une nécessité, c’est économiquement indispensable. Les canons du management issus de la révolution industrielle et conçus pour améliorer l’efficience, ne sont ni à la hauteur des défis d’innovation d’aujourd’hui, ni même en phase avec ce que nous savons de la motivation. Partout ou presque, on s’acharne à imprimer les mêmes actions qui produisent les mêmes résultats dont on ne veut plus et qui entraînent leur lot de délocalisation, de souffrances au travail et de sous performance.
Zazie Mute nous libère des modes d’emploi tout fait et nous préserve de la tentation de limiter à quelques experts la compréhension et les moyens d’agir sur les changements nécessaires. Ce livre inspirera tous les dirigeants, les consultants, les managers, les professionnels du changement en entreprise, sans oublier professeurs et étudiants. S’il s’adresse d’abord à ceux qui auront, un jour ou l’autre,la responsabilité de faire travailler ensemble des hommes et des femmes, il intéressera d’une manière plus large tous ceux qui veulent participer à modeler un monde dans lequel chacun trouve sa place pour produire sa valeur ajoutée au service de l’ensemble.
A propos de l’auteur
Nourrie par de nombreuses disciplines, outre sa formation initiale de coach professionnel, dont la systémique et les neurosciences, sans oublier les lois de l’innovation, Catherine est coach certifiée PCC de l’ICF. C’est à ce titre qu’elle offre des espaces de supervision et de mentorat à d’autres coachs professionnels.
Poursuivant, depuis 10 ans, des recherches de terrain sur les changements culturels générationnels, et le ré-enchantement du travail, elle est très régulièrement sollicitée dans des colloques en France et à l’étranger, comme à l’Université d’été du MEDEF. Auteur, elle a publié plusieurs ouvrages de management dont le best seller Génération Y, mode d’emploi (Editions De Boeck), dont la lecture est recommandée dans plusieurs établissements d’éducation supérieurs et grandes écoles incluant Sciences PO Paris ou l’Université Hassan II de Casablanca et l’Université Mohammed V de Rabat.