Entretien Dr Tayeb Hamdi : « Le Mpox appartient à une famille de virus qui a les capacités de muter rapidement »
La situation inquiétante de propagation du Mpox, également connu sous le nom de variole du singe, fait poser beaucoup de questions. C’est dans ce contexte que Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, a accordé un entretien exclusif à Maroc Diplomatique. Il y évoque les enjeux liés à cette maladie, les symptômes, et l’impact potentiel sur le Maroc.
Au cours des derniers mois, la propagation du Mpox a atteint un niveau inquiétant dans plusieurs pays africains. Dr Hamdi souligne que « nous faisons face à une véritable explosion des cas contaminés. Le virus, qui auparavant était limité à quelques pays, est maintenant présent dans 15 pays africains, contre seulement 3 auparavant. » Cette évolution révèle un changement significatif dans la dynamique de transmission du virus.
Le Dr Hamdi explique que le Mpox appartient à une famille de virus qui a les capacités de muter rapidement. « Cette rapidité de mutation est inquiétante, car elle se traduit par une augmentation des cas et un changement dans les profils de patients touchés. La souche actuellement prédominante en Europe provient du clade 2, qui a été impliqué dans l’épidémie au Nigeria. » Cela signifie que le virus a non seulement changé de géographie, mais également de manière de se transmettre.
Dr Hamdi détaille que, tandis que les infections précédentes touchaient principalement des hommes ayant des relations homosexuelles, la situation a depuis évolué : « Aujourd’hui, nous observons une propagation du virus chez les personnes hétérosexuelles, les enfants, et même des individus qui n’ont jamais eu de contact sexuel avec des personnes porteuses. » Les modes de transmission ont donc considérablement changé, intégrant des contacts non sexuels, comme des contacts cutanés, des interactions étroites ou le partage d’objets souillés.
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Ce phénomène de transmission accrue constitue « un cocktail dangereux », selon Dr Hamdi, car il permet au virus de s’infiltrer rapidement dans de nouvelles populations et régions. Le fait que des individus vivent dans des zones urbaines avec des liaisons de transport telles que les trains et les aéroports accélère la dissémination de la maladie, créant une situation propice à une épidémie à l’échelle mondiale.
Sur le plan clinique, Dr Hamdi décrit une série de symptômes associés au Mpox. « Les premiers signes incluent souvent la fièvre, des céphalées, des douleurs musculaires, ainsi que des adénopathies – c’est-à-dire des ganglions enflés dans plusieurs parties du corps, y compris le cou. » Ces symptômes s’accompagnent souvent de frissons et d’une fatigue générale significative. Cependant, ce qui attire particulièrement l’attention, ce sont les lésions cutanées. « Nous avons assisté à un changement dans la manière dont ces lésions se présentent. » Alors qu’auparavant, les lésions étaient souvent localisées dans la région génitale ou périanale, Dr Hamdi signale que « la tendance actuelle montre des lésions généralisées atteignant différentes parties du corps, ce qui augmente la prévalence et la gravité des cas. »
Les lésions, bien que moins sévères que celles de la variole humaine, sont plus graves que celles observées lors d’une infection par la varicelle. Le Dr Hamdi insiste sur le fait que la maladie ne doit pas être considérée comme bénigne : « Avec un taux de létalité de 3% en moyenne pour les infections, et jusqu’à 10% pour les enfants présentant des formes graves de la maladie, il est essentiel d’alerter le public et les professionnels de la santé sur les véritables dangers du Mpox. »
Un virus ancien qui évolue rapidement
Le Mpox n’est pas une maladie nouvelle. Le virus a d’abord été détecté dans les années 1950 sur des singes en laboratoire au Danemark. La première infection humaine a été signalée en 1970 en République démocratique du Congo. Dr Hamdi souligne que, si le Mpox a toujours été présent, « la souche actuelle est particulièrement préoccupante en raison de sa capacité à se transmettre facilement. Cette évolution doit être prise au sérieux, car elle représente une menace potentielle pour la santé publique à l’échelle mondiale. »
L’une des préoccupations majeures évoquées par Dr Hamdi concerne la réponse vaccinale face à cette menace croissante. Pendant que les pays riches disposent de vaccins stockés contre la variole humaine, qu’ils utilisent avec succès pour contenir l’épidémie de Mpox, les pays africains font face à des lacunes criticales en matière de vaccins. « L’éradication de la variole humaine en 1980 a entraîné l’arrêt des vaccinations, mais les pays riches ont gardé des réserves pour protéger leur population. En Afrique, les ressources éducatives et matérielles nécessaires pour faire face à cette propagation n’existent pas. Cela crée une inégalité flagrante dans la lutte contre le Mpox », déclare-t-il.
Dr Hamdi souligne également que le Mpox pourrait potentiellement avoir des antiviraux qui sont en cours d’essai, mais l’accès à ces traitements est limité. « Il est urgent de développer des stratégies de prévention qui incluent l’accès aux vaccins pour les pays vulnérables. Le risque d’autres épidémies est réel si ces mesures ne sont pas prises rapidement », prévient-il.
Nécessité d’une vigilance accrue pour le Maroc
Pour le Maroc, la situation est tout aussi préoccupante. Dr Hamdi a affirmé que le pays pourrait importer des cas de Mpox, ce qui augmenterait le risque de propagation. « La proximité géographique et les liaisons internationales font que le Maroc n’est pas à l’abri. Il existe un risque clair d’importation de cas, ce qui pourrait entraîner une épidémie localisée », a-t-il averti.
Dr Hamdi souligne la nécessité d’une sensibilisation proactive de la population, en particulier auprès des professionnels de la santé. « Nous devons renforcer les campagnes éducatives pour informer le public sur les modes de transmission et les symptômes du Mpox. La vigilance est cruciale pour faire face à cette menace », souligne-t-il.
Dr Hamdi appelle à une mobilisation générale contre le Mpox. « Les pays, y compris ceux qui n’ont pas encore enregistré de nouveaux cas, doivent se préparer à la possibilité d’une importation de ce virus. Il est impératif que les gouvernements débloquent des fonds et des ressources suffisantes pour le dépistage, le traitement et l’éducation du public. »