Erwan Davoux : «La France a abandonné sa politique arabe, je le déplore »

 

Malgré la crise politique qui secoue, depuis quelque temps, le parti français des Républicains, Erwan Borhan Davoux, candidat du Parti de droite à la 9ème circonscription qui comprend 16 pays à savoir : l’Algérie, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, la Libye, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, la Sierra Leone et la Tunisie, aux élections législatives des 4 et 18 juin 2017, est déterminé à changer les choses s’il est élu.

Qui est Erwan Borhan Davoux ?

Né le 19 janvier 1972 à Tunis (3ème génération en Tunisie), Erwan Borhan Davoux est mordu de politique très précocement, à l’âge de 17 ans. En 1995, il est responsable de la campagne présidentielle de Jacques Chirac. Fonctionnaire aux ministères de l’Intérieur puis de la Défense, il devient en 2008, secrétaire général de la Fondation « Prospective et Innovation ». En 2011, il quitte son poste de Chargé de mission pour la Francophonie puis le monde arabe à la Présidence de la République, pour devenir conseiller diplomatique et responsable des relations internationales du secrétaire général avant d’être nommé président de l’UMP. Entre temps, il décide de se consacrer à la politique et se retire de la fonction publique en 2012 d’autant plus qu’il « ne voulait pas servir le nouveau pouvoir », dit-il.

En 2015, il rejoint l’équipe de campagne d’Alain Juppé en tant que responsable des Français établis à l’étranger.

En juin 2016, il est officiellement investi candidat aux élections législatives pour la 9ème circonscription des Français établis hors de France.

Dans l’entretien qu’il accorde à Maroc diplomatique, le candidat des Républicains nous parle de son engagement politique, des priorités des Français établis hors de France, des valeurs de la France, de sa politique étrangère et de l’immigration.

Maroc diplomatique _ La victoire d’Emmanuel Macron a sonné le glas d’un système politique mis en place depuis 1958. Nous assistons à une réelle implosion du Parti socialiste et des Républicains, mal partis de toute évidence pour les élections législatives. Comment percevez-vous le déroulement des prochaines échéances pour « La France en marche »?

Effectivement, nous sommes dans une situation politique totalement inédite. Les deux partis traditionnels de gouvernement ont été malmenés et absents du second tour de l’élection présidentielle. Le PS a disparu des écrans radars grâce à son Secrétaire Général, Jean-Christophe Cambadélis, tandis que Les Républicains résistent mieux. Un effort de clarification de la ligne politique sera,néanmoins, indispensable.

Dans notre circonscription il n’y a pas de candidat investi par « en Marche ». Je tiens à le préciser car nous vivons des opérations d’intox qui frisent la malhonnêteté.  Certains simulent une proximité avec le nouveau président. En ce qui me concerne, j’ai appelé à voter pour Emmanuel Macron, sans états d’âmes, au 2e tour de l’élection présidentielle. Je ne fais pas de chèque en blanc au nouveau président mais je me situe dans une démarche constructive. Nous devons peser pour qu’Emmanuel Macron ne soit pas prisonnier des vieilles lunes socialistes. La France ne peut se permettre de perdre encore cinq ans ! J’ai eu la chance de travailler avec le nouveau Premier ministre, Edouard Phillipe, au sein de l’équipe de campagne d’Alain Juppé. C’est une personnalité remarquable !

Je suis de ceux qui plaident pour l’arrêt de la « droitisation ». Nous devons cesser de placer les thèmes du Front National au cœur du débat.

Qu’est-ce qui a motivé votre choix d’être candidat de « Les Républicains » à la 9ème circonscription des Français établis hors de France ?

Je me suis engagé en politique très jeune derrière Jacques Chirac, au sein de la formation gaulliste. Je suis fidèle à ma famille, je ne pratique pas le nomadisme politique.  En revanche, je suis de ceux qui plaident pour l’arrêt de la « droitisation ». Nous devons cesser de placer les thèmes du Front National au cœur du débat. Sinon, nous donnons une légitimité à ce parti politique. Nous perdons à la fois notre âme et nos électeurs…

La 9ème circonscription regroupe 16 pays d’Afrique (dont la Tunisie, l’Algérie et le Maroc), qu’est-ce que vous considérez être les priorités des Français de l’étranger?

La priorité est très clairement l’enseignement français à l’étranger. Le Maroc est le pays fleuron avec 39 établissements et 32 000 élèves inscrits. Malheureusement, l’Etat ne cesse de se désengager. Les crédits consacrés à l’enseignement français à l’étranger ont diminué de plus de 8% depuis 2012, la conséquence est que la charge financière supportée par les familles ne cesse d’augmenter. Cette hausse continue des frais de scolarité n’est pas acceptable. Scolariser son enfant quand on vit à l’étranger ne doit pas être un luxe, c’est un droit ! Par ailleurs, l’enseignement français à l’étranger s’adresse aussi aux étrangers qui choisissent la langue et la culture françaises. Ce double-objectif doit perdurer. Ayant accompli toute ma scolarité dans un lycée français à l’étranger (en Tunisie), ces questions me tiennent particulièrement à cœur. Je propose de sanctuariser le budget de l’Etat consacrée à l’enseignement français, de réformer la gouvernance de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) pour donner davantage de pouvoirs aux associations de parents d’élèves. Le système des bourses fonctionne mal, il doit être revu pour éviter, notamment, les effets de seuil.

Il est clair que la France ne peut être une grande puissance sans qu’elle ne soit porteuse d’une politique étrangère ambitieuse et universelle, comment voyez-vous aujourd’hui la France de Macron et le Maghreb ?

Emmanuel Macron a réalisé de beaux scores au Maghreb. Il est, néanmoins, difficile de se prononcer sur ce que sera sa politiquecar il n’a pas une grande expérience à l’internationale. Je souhaite que sa politique soit équilibrée, sans à coup ou allers-retours comme ce fût le cas sous François Hollande.

Je pense que les binationaux doivent être bien déçus par le bilan de François Hollande. Ils ont été malmenés et pris pour cible parfois

En 2012, c’était le candidat du Parti socialiste, Pouria Amirshahi qui avait remporté la victoire avec 62,39% des voix au deuxième tour. Les binationaux qui avaient largement voté à gauche y étaient certainement pour beaucoup. Le Maroc est donc un passage obligé pour vous puisqu’il compte le plus de ressortissants français. Conquérir cet électorat ne s’avère-t-il pas difficile ?

Il est clair que j’ai choisi de circonscription de conquête ! Je n’ai pas choisi la facilité mais le panache ne fait jamais de mal. C’est une circonscription éminemment importante pour la France.

Je pense que les binationaux doivent être bien déçus par le bilan de François Hollande. Ils ont été malmenés et pris pour cible parfois (projet de déchéance de nationalité). Les généreuses promesses sociales n’ont pas eu de lendemains. C’est une circonscription qui rejette les discours extrémistes. Je crois que la ligne chiraquo-juppéiste y a toute sa place !

Comment comptez-vous défendre les droits de ces Français établis à l’étranger alors que vous êtes installé à Paris ?

C’est une bonne question ! Certains, pour dissimuler leur absence de programme ou de déplacements dans la circonscription, évoquent sans cesse ce point précis. C’est de la pure démagogie : l’assemblée nationale siège à Paris. Nous élisons un député, pas un conseiller consulaire…En ce qui concerne mes liens avec la circonscription, je mets quiconque au défi d’en trouver de plus anciens : ma famille est établie en Tunisie depuis le 19ème siècle et y réside toujours. J’ai un second prénom arabe « Borhan »…. Je compte donc siéger à l’Assemblée nationale en milieu de semaine et me déplacer dans les pays de la circonscription le reste du temps. Ceux qui souhaitent continuer à résider au Maroc rejoindront la longue cohorte des députés absentéistes qui ne servent pas à grand-chose…

Oui tout à fait, ma ligne politique est celle de Jacques Chirac 

Comme le déclarait Jacques Chirac dans son dernier message aux Français, « la France est riche de sa diversité ». Et quand François Hollande a mis sur la table le projet de déchéance de nationalité qu’il voulait inscrire dans la Constitution, vous l’avez combattu de toutes vos forces. Je pense que vous marquez le point avec cette ambition de construire un projet politique qui rassemble.

Oui tout à fait, ma ligne politique est celle de Jacques Chirac : « oui nos valeurs ont un sens, oui la France est riche de sa diversité ! » a-t-il déclaré dans son dernier message aux Français en mars 2007. L’appartenance à la nation française se fait sur la base de la volonté et de l’amour de la France, non sur l’appartenance à une religion et sur la négation de la culture d’origine.

Je rejette les clivages inutiles, l’honneur du politique est de renoncer à toute forme de sectarisme et de populisme.

L’extrême droite est mon ennemi, elle divise les Français. Je regrette que François Hollande ait été jusqu’à reprendre certaines de ses thèses : le projet de déchéance de nationalité pour les seuls binationaux qu’il a voulu inscrire dans la Constitution, socle des valeurs républicaines… C’est une véritable honte ! L’actuel candidat PS à la députation, proche collaborateur de François Hollande, est demeuré silencieux.

La France ferme de plus en plus ses portes et se replie sur elle-même en stigmatisant l’immigration africaine. En agissant ainsi, elle fait fi de sa dette à l’égard de combattants africains qui ont contribué à sa libération. Qu’en pensez-vous ?

Je partage votre analyse. La France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans l’Afrique. Sans les Africains, la France n’aurait pu s’asseoir à la table des nations victorieuses lors du 2e conflit mondial, ne l’oublions jamais.  Je constate que sous François Hollande, la France est restée une forteresse pour ceux qui avaient quelque chose à apporter à notre pays et une passoire pour l’immigration clandestine. Je suis inquiet de la mauvaise image de la France auprès de la jeunesse africaine. Nous devons faire un effort pour dissiper les malentendus.

La France doit être ouverte sur le monde. Ce n’est pas une option mais une obligation. A défaut, elle deviendrait une puissance européenne moyenne.

Il n’y a plus de politique arabe et nous ne sommes pas parvenus à inventer une nouvelle politique africaine.

Quel regard portez-vous sur l’actuelle politique française en Afrique et comment renouer avec une grande politique arabe ?

C’est simple : il n’y a plus de politique arabe et nous ne sommes pas parvenus à inventer une nouvelle politique africaine.

La France a abandonné sa politique arabe, je le déplore ! La relation bilatérale avec le Maroc doit être une priorité politique, la France ne doit pas se réfugier derrière l’Union européenne et une coopération technique, de routine. Au Proche-Orient, la voix de la France est devenue inaudible. Il y a quelques années encore, sous Jacques Chirac, la France prenait le leadership diplomatique pour s’opposer à l’aventure irakienne dont nous ne cessons de payer les conséquences. La France avait une voix forte sur le conflit israélo-palestinien, qu’en reste-t-il ? Personne n’attend désormais quoi que ce soit…. L’affaire syrienne est une autre illustration de ce déclin dans la région : des postures, des analyses, des communiqués mais la France n’est plus actrice pour parvenir à une sortie de ce conflit barbare.

L’intervention décidée au Mali par François Hollande était une bonne décision, nous l’avons soutenue mais j’ai le sentiment que la France s’endort lorsque l’Afrique s’éveille. Si Paris n’a certes plus vocation à être le gendarme qu’il fut durant la seconde moitié du XXème siècle, la France doit demeurer un partenaire spécial aux côtés du continent dans le calme comme dans la tempête. Par crainte d’être accusés de ressusciter la Françafrique, nous ne faisons plus rien sans nous faire accompagner par nos partenaires européens. Or la France est la France, elle n’a ni honte, ni peur de ce qu’elle est. Elle doit retrouver son verbe. S’adresser avec confiance à des amis. Il y a grand besoin de rebilatéraliser nos relations.

Je souhaite que le Maroc et la France travaillent de concert en Afrique, dans une logique gagnant-gagnant.

Ce quinquennat doit être l’occasion de refonder notre politique étrangère !

Après avoir écouté les préoccupations et attentes de vos compatriotes, quelles sont leurs différentes problématiques et quel sera votre champ de bataille principal si vous êtes élu ?

Les Français de l’étranger ont besoin de recevoir davantage de considération, ils ne sont pas des nantis ! Ils ont été matraqués fiscalement durant le quinquennat de François Hollande. Très récemment nous avons appris la suppression du vote électronique pour les élections législatives, un déni démocratique… Je me battrai pour que les Français de la 9ème circonscription ne soient pas traités comme des citoyens de seconde catégorie. Ils ont droit à une place entière dans la République !

 

 

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