Essaouira : Les Chorfas et adeptes de la confrérie des Regraga entament leur périple printanier
Les Chorfas et adeptes de la confrérie des Regraga viennent de perpétuer, tout récemment, une tradition immuable, en se lançant depuis la Zaouia de Ben Hmida (53 km d’Essaouira) dans leur périple (Daour) printanier annuel.
Lors de la cérémonie de lancement officiel de ce Moussem, le gouverneur de la province d’Essaouira, Jamal Makhtatar et les membres de la délégation l’accompagnant, se sont rendus à la Zaouia de Ben Hmida, ensuite à la Zaouia de Sidi Ali Ben Bouali, occasion de visiter le mausolée de ce Saint et d’assister à la cérémonie rituelle d’immolation de bovins. Ce « pèlerinage circulaire » aux sanctuaires des sept saints présentés comme les ancêtres des Regraga, se déroule en 44 étapes dans le territoire des Chiadma (au nord d’Essaouira), étalé sur quelque 39 jours, et devra s’achever vers la fin du mois d’avril dans la commune de Had Dra.
Ce rendez-vous à la fois religieux et culturel, a grande portée économique et touristique, coïncide avec l’avènement du printemps, et attire annuellement plusieurs milliers de touristes issus d’autres régions du Maroc. Approché par la MAP, M. Majid Mana, intellectuel et chercheur souiri, a relevé que la tradition veut que le départ du périple s’effectue le jeudi le plus proche de l’équinoxe de printemps, avant ou après selon les années, dépendant ainsi du calendrier solaire/agricole et non pas du calendrier lunaire.
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Durant ce « Daour », les Regraga parcourent une distance estimée à environ 460 kilomètres, avec certaines étapes très courtes et d’autres beaucoup plus longues, a-t-il expliqué, laissant savoir que cette tournée unique au Maroc est répartie en général, en deux étapes, dont la première se déroule dans la plaine côtière des Chiadma, et la seconde à l’Est de Jbel Lahdid. A l’occasion de chaque étape, des démonstrations festives et un souk se tiennent près des sanctuaires visités par les Regraga, ce qui contribue réellement à l’épanouissement économique des sites traversés, rappelle-t-il, faisant observer que la tradition écrite dite « Ifriquia » dans laquelle, les Regraga racontent leur histoire, laisse savoir que ces Chorfas « ont été reçus à la Mecque par le Prophète Sidna Mohamed (PSL), qui les a chargés de la mission de diffuser l’islam dans les tribus amazighes qui peuplaient la région actuelle des Chiadma ».
Sur l’importance historique et scientifique de ce périple, M. Mana, cite plusieurs chercheurs et sociologues qui se sont intéressés à cette confrérie, dont Abdelkader Mana dit « le découvreur des Regraga », qui a développé le concept de « caprification » pour qualifier l’action des nomades Regraga qui viennent « féconder » par « la baraka » les tribus arabophones Chiadma, pour l’année à venir. Dans la foulée, il a précisé que certains chercheurs préconisent, plutôt, de parler de « périple » que de « pèlerinage » car, les Regraga sont censés donner la « baraka » là où, ils passent et qui serait bénéfique pour les semailles et la récolte, la guérison des malades et la fécondité des femmes, alors que dans le pèlerinage, les gens se déplacent en quête de cette bénédiction.
Et de poursuivre qu’évoquer les Regraga c’est aussi parler de leur rôle dans la résistance à l’occupant, rappelant qu’au 16è siècle, à partir de Jbel Lahdid, ce rempart naturel, qui sont les seuls à connaître et qui les rendaient invincibles, les Regraga lançaient des razzias contre les Portugais. A noter que la ville d’Essaouira est l’une des étapes de cette tournée où, les Chorfas des Regraga sont accueillis par une foule nombreuse. Au menu du rituel de ce périple, figurent notamment l’organisation d’une procession à cette occasion à la « Mzara » des Regraga, lieu qui constitue, traditionnellement, le point de départ de leur cortège religieux (au nord de la cité des Alizés), et à la mosquée-sanctuaire, dans l’ancienne Médina.