Europe : Les agriculteurs en grogne se font entendre
Les agriculteurs européens sont montés au créneau ces derniers jours pour attirer l’attention sur la situation du secteur, alors qu’ils semblent perdre patience devant la baisse de leurs revenus et le poids des charges administratives et des règles européennes toujours plus contraignantes.
La mobilisation des agriculteurs a gagné plusieurs pays européens, avec notamment des actions de terrain comme le blocage d’autoroutes et d’importants nœuds routiers avec de longues colonnes de tracteurs et d’engins agricoles, en plus de diverses manifestations et actions de sensibilisation visant à dénoncer les conditions de vie des agriculteurs et l’état du secteur « qui se meurt ».
Les travailleurs du secteur agricole affichent leur détermination à obtenir des résultats significatifs de leurs actions de mobilisation et aller jusqu’au bout de la contestation, au point de menacer de bloquer de grandes capitales comme Paris ou Bruxelles pour réclamer des prix plus rémunérateurs pour leurs produits et un allègement des contraintes administratives et environnementales, surtout européennes.
Les prémisses de ce mouvement de protestation sont apparus dès l’année dernière avec les manifestations des éleveurs néerlandais, qui se sont farouchement opposés à un plan gouvernemental visant à réduire le cheptel national de moitié afin de limiter les émissions d’azote, source de pollution majeure aux Pays-Bas.
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Ce mouvement, qui s’est répandu notamment en Belgique, a cristallisé la colère des agriculteurs contre les lois de l’Union européenne visant la lutte contre le changement climatique et la restauration de la biodiversité, mais qui, selon les protestataires, accordent peu d’intérêt aux problèmes des travailleurs du secteur, confrontés à la baisse de la rentabilité et la concurrence, jugée déloyale, des producteurs de pays tiers.
Mais le mouvement de contestation des agriculteurs est monté d’un cran dernièrement dans plusieurs pays européens, notamment en France, en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Roumanie et en Pologne.
C’est certainement la France qui a connu les manifestations les plus marquantes, avec la mobilisation de milliers d’agriculteurs dans plusieurs régions de l’Hexagone, pour dénoncer la détérioration de leurs rémunérations et de leurs conditions de travail.
Outre la hausse des marges de la part des industriels et des distributeurs et, par conséquent, la baisse de leurs revenus, les agriculteurs français fustigent une concurrence qu’ils jugent déloyale venue d’autres pays européens. Ils font, par ailleurs, face à des maladies qui déciment le bétail, à la problématique des restrictions d’irrigation et aux normes « difficiles » à respecter au quotidien.
Les cortèges des tracteurs et les barrages filtrants mis en place par les agriculteurs en colère ont sérieusement perturbé la circulation sur plusieurs autoroutes, rocades et ronds-points à travers le pays. Des centaines d’agriculteurs ont, d’ailleurs, procédé au blocage de plusieurs axes routiers importants autour de Paris, menaçant d’imposer un “siège” de la capitale française jusqu’à ce que les autorités accèdent à leurs revendications.
Les manifestants veulent faire pression sur le gouvernement, qui a promis de « nouvelles mesures » en soutien au secteur agricole, après de premières annonces jugées insuffisantes par les professionnels, représentés notamment par les deux syndicats agricoles ; la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs (JA).
La FNSEA, premier syndicat agricole, réclame au gouvernement des « réponses immédiates sur la rémunération », dont une aide d’urgence aux « secteurs les plus en crise », et, à plus long terme, la mise en oeuvre d’un « chantier de réduction des normes ».
Inspirés par leurs homologues français, les agriculteurs belges se sont eux aussi lancés sur les routes, bloquant d’importants axes routiers que ce soit en Wallonie (sud de la Belgique), en Flandre (nord) et sur la rocade périphérique de Bruxelles, menaçant à leur tour de bloquer la capitale européenne.
Pour calmer les tensions, le Premier ministre belge, Alexander De Croo, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE, a reçu mardi les syndicats agricoles, annonçant son intention de remettre sur la table la règle d’obligation de jachère, dénoncée avec force dans les manifestations d’agriculteurs à travers l’Europe. Cette règle, incluse dans la Politique Agricole Commune (PAC), impose à chaque exploitation un taux de 4% de jachères ou surfaces non-productives.
Le gouvernement fédéral a aussi promis d’œuvrer pour alléger la charge administrative des agriculteurs, de promouvoir la concertation entre les producteurs, les distributeurs et les entreprises impliquées dans la chaîne alimentaire.
Enfin, De Croo a affirmé vouloir ouvrir une réflexion plus générale sur la PAC, à l’occasion du conseil européen de l’agriculture et de la pêche qui se tiendra en février.
A noter que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a lancé récemment le Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture, un forum chargé de « façonner une vision commune de l’avenir du système agricole et alimentaire de l’UE ».
Ce forum consultatif, qui réunit les principales parties prenantes de l’ensemble de la chaîne agroalimentaire, doit aborder les défis et les opportunités du secteur, en vue “d’assurer un niveau de vie équitable pour les agriculteurs et les communautés rurales” et soutenir l’agriculture “dans les limites de notre planète et de ses écosystèmes”, a affirmé l’Exécutif européen.
En attendant des mesures concrètes, les agriculteurs maintiennent la pression à travers l’Europe, décidés à se faire entendre et à faire valoir que l’agriculteur est la base de la société.
Avec MAP