Fadila El Gadi: « D’une capitale à l’autre »
L’Institut français de Rabat expose, du 10 mai au 1er juillet, les œuvres de la créatrice Fadila EL Gadi, présentant ainsi plus de quarante modèles des vêtements qu’elle a conçu, mais aussi ses accessoires son nouveau et premier parfum, la maquette de sa future école de broderie à Salé et les pièces inspirées du travail de plusieurs artistes marocains, Mohamed El Baz, Hassan Hajjaj et Chourouq Hriech.
Fadila El Gadi a fondé l’association « Conservatoire des arts de la broderie de Salé », destiné à accueillir des hommes et des femmes des quartiers populaires pour leur apprendre le métier de la broderie traditionnelle marocaine, art plurimillénaire en voie de disparition.
C’est dans la médina de la ville jumelle de Rabat, Salé, que le talent de Fadila El Gadi s’est éclot, et c’est à Rabat qu’elle s’est lancée dans la mode, contre vents et marées. Foin d’un parcours classique de stylisme pour la plus internationale des créatrices marocaines, c’est à Naples, l’ancienne capitale du royaume hispano-italien des Deux-Siciles que son talent éclate aux yeux de l’intelligentsia italienne, de là, elle séduit Rome et, par une curieuse trajectoire, voit ses créations devenir très recherchées, autant dans l’antique cité impériale de Marrakech qu’à Paris.
C’est dans la capitale marocaine que convergent aujourd’hui les inspirations de Fadila nées de ses voyages, l’ultime destination de la Route de la soie, en passant par Tokyo, de la Route du cachemire qui traverse New-Delhi, du cuir de Smara, du fil d’or d’Istanbul et du coton du Caire.
A New-York, Londres, Moscou et Washington, les femmes du monde s’habillent des modèles intemporels de Fadila, alliant le savoir-faire artisanal millénaire de broderie marocain et les matières les plus fines du monde entier, rassemblés par l’intuition et le tour de main de la créatrice. Le vêtement n’est certes pas l’ultime frontière de Fadila, son talent et sa créativité s’exercent aussi sur le travail du cuir, la bijouterie, le parfum et même la conception de ses boutiques.
Son père, un Sahraoui, sa mère, une Slaouie, dix frères et sœurs, issue d’une classe moyenne laborieuse, Fadila aurait pu suivre la voie de la réussite sociale par la production de masse, mais elle a choisi ce délicat parcours, entre art et artisanat, création et travail fait-main, difficile et précaire, consacrant sa vie à la mise en œuvre concrète de son inspiration née dans ses lectures, les musées, les galeries, les marchés, les ateliers d’artisans et de la fusion de ses passions, tout en gardant une personnalité humble et accessible, celle d’une femme indépendante qui ne doit sa réussite qu’à elle-même.
Guillaume Jobin