Faire du «Made in Morocco» un marqueur de qualité, de compétitivité et de durabilité
Dans une interview exclusive accordée à Maroc diplomatique, Mme Laassel Sentissi, Directrice Exécutive de la Fédération Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique (FMIIP), nous livre sa vision des principaux enjeux et perspectives du secteur pharmaceutique dans le contexte de la reprise économique post-Covid-19. Elle nous fait part également des mesures de soutien prises par le gouvernement et les partenaires du secteur, ainsi que des ambitions du Maroc à l’échelle régionale et internationale.
Dans l’objectif de renforcer la politique nationale du médicament et la production locale Mme Laassel Sentissi souligne l’importance d’orienter et de focaliser les actions du secteur pour le renforcement de la politique nationale du médicament, qui devra encourager davantage et soutenir la fabrication locale. «Il faut mettre en place, de manière effective, la préférence nationale pour le médicament fabriqué localement, et limiter l’escalade des importations au profit de la production locale», affirme-t-elle. Elle ajoute que la production locale doit être un véritable catalyseur du développement du secteur, à travers la définition d’une vision cible du taux de valeur ajoutée locale, la mise en place des leviers d’action publique en vue de favoriser le médicament produit localement, et le développement d’une politique volontariste pour le médicament générique.
La directrice de la FMIIP met en avant le potentiel du « Made in Morocco » comme un marqueur de qualité, de compétitivité et de durabilité, qui constitue un levier substantiel d’approfondissement des partenariats internationaux, et de positionnement stratégique du Maroc à l’échelle régionale et internationale. Elle insiste sur la nécessité de positionner le Maroc comme un hub africain de l’industrie pharmaceutique, en misant sur la production nationale de médicaments de qualité, et en déployant une stratégie d’export ciblée. « Nous devons renforcer la présence marocaine sur les marchés clés, en particulier en Afrique, mais aussi en Europe, tout en valorisant l’expertise nationale, en développant des partenariats stratégiques, et en accroissant nos exportations », déclare-t-elle. Elle reconnaît toutefois que l’industrie pharmaceutique du Maroc doit faire face à une forte concurrence de la part des entreprises pharmaceutiques internationales, notamment en provenance d’Inde, de Chine et d’Europe.
Saluer l’exonération de la TVA sur le médicament et demander la déductibilité et le droit au remboursement
Mme Sentissi salue l’exonération de la TVA sur le médicament, qui est une excellente initiative prise par le gouvernement, dans le cadre du projet de loi de finances 2024. Elle estime que cette mesure va permettre de réduire le coût du médicament pour le citoyen, et de favoriser l’accès aux soins pour tous. Elle regrette toutefois que l’amendement présenté lors des discussions du PLF 2024 sur l’obtention de la déductibilité et le droit au remboursement de la TVA pour les entreprises du secteur n’ait pas été adopté. Elle appelle ainsi à la révision de cette décision, qui risque de pénaliser la compétitivité et la rentabilité des opérateurs du secteur, et de freiner les investissements et l’innovation.
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Quant au renforcement de la souveraineté sanitaire nationale et continentale, elle exprime sa volonté de répondre à l’appel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en participant activement à renforcer la souveraineté sanitaire nationale et continentale, ainsi que l’indépendance médicamenteuse et vaccinale. Elle rappelle que le Maroc a été le premier pays africain à lancer la campagne de vaccination contre le Covid-19, grâce à la vision clairvoyante et proactive de Sa Majesté le Roi. Elle souligne également le rôle de l’industrie pharmaceutique marocaine dans la lutte contre la pandémie, en assurant la disponibilité et l’accessibilité des médicaments essentiels, en contribuant à la fabrication de masques et de gel hydroalcoolique, et en participant aux efforts de recherche et développement pour trouver des solutions thérapeutiques et préventives.
Cependant, La directrice de la FMIIP se réjouit des opportunités offertes par le chantier de la couverture sanitaire universelle (CSU), qui va accroître les besoins en médicaments et améliorer l’accès notamment aux génériques. Elle indique que le secteur a réalisé des investissements massifs dans l’outil industriel, avec des technologies de pointe, l’industrie 4.0, le développement galénique et les essais cliniques, notamment pour des traitements anticancéreux. Elle mentionne aussi des opérations de fusion-acquisition, qui témoignent de la dynamique et de la consolidation du secteur. Elle conclut en affirmant que l’industrie pharmaceutique marocaine dispose de tous les atouts pour relever les défis et saisir les opportunités de la relance économique, et pour contribuer au développement du pays et au bien-être de sa population.
Un secteur diversifié et compétitif
Le secteur pharmaceutique marocain a pour ambition de diversifier sa production et de favoriser la production locale de médicaments essentiels, génériques et biosimilaires, ainsi que les vaccins. « Notre objectif est de répondre aux besoins de la population marocaine en matière de santé, mais aussi de contribuer à la sécurité sanitaire nationale et régionale, en assurant une disponibilité et une accessibilité des médicaments de qualité », explique-t-elle.
Pour atteindre cet objectif, le secteur pharmaceutique marocain mise sur le renforcement de sa compétitivité en termes de coût et de qualité. « Nous avons mis en place des normes de qualité internationales, telles que les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF), qui garantissent la conformité et la traçabilité de nos produits. Nous avons également investi dans la formation et le développement des compétences de nos ressources humaines, qui sont le capital le plus précieux de notre industrie », affirme Mme Laassel Sentissi.
Dans ce contexte, le secteur vise à se positionner en tant que centre d’excellence, d’innovations et de recherches et développement, à l’échelle nationale et régionale. « Nous avons lancé plusieurs initiatives visant à moderniser et à étendre la capacité de production du secteur, notamment à travers des opérations de fusion-acquisition, qui permettent de créer des synergies et de renforcer la taille critique de nos entreprises. Nous avons également renforcé la coopération internationale, en nouant des partenariats stratégiques avec des acteurs de renom, tels que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Agence Européenne du Médicament (EMA), ou encore des laboratoires pharmaceutiques internationaux », précise-t-elle. O.E
Encadré :
L’industrie pharmaceutique en chiffre
Le secteur pharmaceutique marocain se distingue par son dynamisme et son innovation. Il regroupe 54 établissements pharmaceutiques industriels (EPI) autorisés, qui emploient plus de 70 000 personnes, directement ou indirectement. Ces employés bénéficient d’une formation de qualité et d’une performance reconnue.
Le marché global du secteur a atteint plus de 21 milliards de dirhams en 2022, Ce chiffre reflète la diversité et la compétitivité des produits pharmaceutiques marocains, qui répondent aux besoins de la population et aux normes internationales.
Le secteur pharmaceutique marocain investit également plus de 1 milliard de dirhams par an dans l’outil industriel et les nouvelles technologies, afin de renforcer sa capacité de production et d’innovation. Il contribue ainsi au développement économique et social du pays, avec 2 milliards de dirhams de contribution fiscale, 5.2% de part dans le PIB du secteur industriel et 1.5% de part dans le PIB national.