Fatim-Zahra Ammor: « Notre objectif aujourd’hui est de capitaliser sur l’image du Maroc »
Réalisé par Souad Mekkaoui
Attirer 17,5 millions de touristes, atteindre 120 milliards de recettes en devises, créer 200.000 nouveaux emplois directs et indirects à horizon 2026, telles sont les ambitions de la feuille de route stratégique du secteur du tourisme 2023-2026. Pour atteindre ces objectifs, cette feuille de route compte transformer le secteur et repositionner le tourisme comme secteur clé dans l’économie nationale et ce avec une enveloppe de 6,1 milliards de dirhams sur 4 ans.
Un point fort aidant est que le Maroc a réussi à récupérer près de 84% de touristes au cours de l’année 2022 par rapport à 2019, soit 11 millions de voyageurs, à l’heure où le taux de recouvrement mondial ne dépasse pas les 65% sachant que le secteur a été mis à mal par deux années et demie de pandémie de la Covid-19.
C’est dans ce sens que la Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, Fatim-Zahra Ammor sillonne le Royaume, dans une tournée régionale, dans le cadre du déploiement de la nouvelle feuille de route et afin d’en exposer les grandes lignes en matière d’ambitions, d’offre de produits touristiques et de leviers transverses.
Par ailleurs, le tourisme étant la pièce maîtresse de l’économie nationale, comment mobiliser l’ensemble des parties prenantes et toutes les régions afin d’y adhérer ? Bien entendu, la destination Maroc a le vent en poupe et séduit de plus en plus de touristes, mais comment attirer plus d’investisseurs dans ce secteur ? Quels moyens seront mis en œuvre afin de faire franchir au tourisme un nouveau palier quantitatif et qualitatif ? Comment traduire ces ambitions dans la réalité ? Madame la Ministre a bien voulu répondre à ces questions et à bien d’autres pour nous éclairer davantage sur la stratégie nationale qui sera mise en place au cours des prochaines années.
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Maroc Diplomatique : Le 7 octobre 2021, vous avez été nommée Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Sociale et Solidaire. Après plus de deux années passées à la tête de ce département, quelle lecture faites-vous de l’écosystème du tourisme marocain par rapport aux objectifs déclinés lors de votre prise de fonction ?
Fatim-Zahra Ammor : Je pense que nous avons, sans doute, l’une des industries touristiques les plus prometteuses. C’est une réalité que la crise du Covid est venue confirmer. Lors de ma prise de fonction, le secteur subissait encore de plein fouet les impacts de la crise du Covid. Les enjeux étaient de taille, car il s’agissait non seulement de maintenir la machine en marche pour préserver les emplois, de préparer, en parallèle, la relance du secteur mais aussi de réinventer le tourisme.
Rétrospectivement, nous sommes fiers d’avoir atteint l’ensemble de ces objectifs en matière de renforcement de la résilience du secteur à travers le plan d’urgence de 2 Mrds de dhs que le gouvernement a mis sur la table, de la relance du secteur à travers les actions offensives de promotion et d’aérien, sans oublier le lancement de la feuille de route 2023-2026 du tourisme qui permettra de transformer le secteur qualitativement et quantitativement.
Dans l’un des axes stratégiques du plan de relance, il a été décliné comme objectif la stimulation de l’investissement et la transformation de l’outil de production. Quels sont les effets produits par ces mesures ? Comment ont-ils impacté la relance du secteur ?
L’arrêt de l’activité pendant deux années a fortement éprouvé la capacité hôtelière. Ainsi, l’un des deux principaux axes du plan d’urgence a été la mise à niveau de notre offre hôtelière pour, d’une part accélérer le redémarrage et d’autre part, créer un contexte favorable à l’investissement.
L’année 2022 a été riche en réalisations, car nous avons, d’une part, permis à plus de 800 établissements d’hébergement de mettre à niveau leur offre de produits et services. Par ailleurs, les investissements touristiques ont dépassé la moyenne prépandémique avec 8 Mrds de dirhams d’investissements, soit une progression de 15% par rapport à 2019.
Il est aussi important de rappeler que dans la feuille de route 2023-2026, l’investissement est un levier essentiel pour l’atteinte des 17,5 millions d’arrivées aux côtés de l’aérien et la promotion. Le travail qui sera réalisé dans ce sens portera sur deux volets importants à savoir la diversification de notre offre d’animation, la mise à niveau du parc hôtelier existant et aussi la création de plus de 40.000 nouveaux lits, soit 17% de la capacité actuelle.
Dans le cadre du développement de la coopération internationale, votre ministère a signé de nombreux Accords de coopération, de Mémorandums d’Entente et de Programmes d’application ayant trait aux différents volets de l’activité touristique, avec différents partenaires de la communauté internationale aussi bien bilatéraux que multilatéraux. Que revêt pour vous l’axe de la coopération internationale dans le secteur du tourisme ?
Dans le cadre du développement de la coopération internationale, notre Ministère est lié par de nombreux Accords de coopération, Mémorandums d’Entente et Programmes d’application relatifs aux différents volets de l’activité touristique, conclus avec différents partenaires de la communauté internationale aussi bien bilatéraux que multilatéraux.
À titre d’exemple, nous avons récemment signé un programme d’application avec le Portugal et précédemment un MoU avec l’Espagne dans le cadre des deux réunions de Haut Niveau entre nos deux gouvernements. Il s’agit de coopérations portant sur un large éventail d’actions autour de l’investissement et l’ingénierie touristique, la formation, la promotion, le marketing digital, la qualité, la durabilité, la compétitivité et l’innovation.
Aussi, notre Ministère œuvre-t-il, constamment, au développement d’un courant d’échanges entre l’ONMT, la SMIT et les professionnels du tourisme avec leurs homologues et partenaires internationaux. À ce titre, nous organisons, régulièrement, en coordination avec nos partenaires étrangers, des séminaires et webinaires permettant aux professionnels marocains du tourisme de se familiariser avec les marchés cibles et d’effectuer des rencontres B2B, avec leurs homologues étrangers.
À travers l’ONMT, notre pays participe aussi à tous les plus grands salons internationaux du tourisme. Ces salons garantissent une visibilité à notre destination et permettent à l’ONMT de nouer des partenariats stratégiques et aussi aux acteurs touristiques marocains présents de rencontrer des clients potentiels.
Quels sont les atouts du Maroc pour véritablement confirmer le tourisme comme soft power ?
Notre destination est un vrai joyau touristique. Les potentialités sont innombrables. Une situation géographique stratégique, une stabilité politique et institutionnelle grâce à la conduite éclairée de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, et une diversité géographique et climatique qui offre un choix varié de produits touristiques.
Le Maroc possède aussi un riche héritage culturel, une hospitalité inégalée et l’une des meilleures gastronomies au monde.
Notre objectif aujourd’hui est de capitaliser sur l’image du Maroc, promouvoir ses potentialités auprès d’une cible encore plus large, et mieux les valoriser afin de positionner notre destination parmi les plus grandes puissances touristiques mondiales.
L’ONMT a lancé plusieurs campagnes dont « Maroc, Terres de lumière » » et la plateforme « Light in Action ». Qu’est-ce que les programmes et politique de l’ONMT vont t-ils apporter comme valeur ajoutée à la stratégie du gouvernement ?
L’ensemble des actions menées par l’ONMT se font de concert avec notre Ministère et s’inscrivent, parfaitement, dans la vision du gouvernement pour le secteur.
L’ONMT a été un levier important de la relance du tourisme à travers le lancement de la campagne « Maroc, Terre de lumière » qui a permis de renforcer la notoriété de la destination et d’augmenter sa « considération » par les touristes de plus de 20 pays émetteurs.
D’autant plus que le redémarrage réussi a été possible grâce à la sécurisation, à travers l’ONMT, de la capacité aérienne, du renforcement de la distribution et de la commercialisation des destinations marocaines par les Tours-Opérateurs et agents de voyage du monde en plus de la stimulation de la demande en amont des grandes périodes de vacances internationales, notamment la saison estivale.
Fortement secoués pendant la crise du Covid-19, les métiers du Tourisme que sont l’hébergement touristique, les guides de tourisme, le transport touristique et les Agents de voyage n’ont de cesse de rappeler au gouvernement des mesures d’accompagnement pour la relance. Quel a été l’appui du gouvernement à ces acteurs ? Quelles sont les mesures pour l’organisation de ce secteur avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème ?
Dès son investiture, le gouvernement a priorisé le soutien aux professionnels comme première mesure pour le secteur. Nous avons rapidement mis sur la table le plan d’urgence de 2 Mrds de dirhams pour soutenir les professionnels pendant la crise et leur permettre de maintenir les emplois.
La moitié a permis de maintenir les emplois et alléger les contraintes financières sur les professionnels, à travers, entre autres, une indemnité forfaitaire, le report des charges, un moratoire relatif aux échéances bancaires et la prise en charge de la taxe professionnelle.
S’agissant de la deuxième partie de votre question, effectivement le tourisme a perdu certains talents et compétences qui se sont orientés vers d’autres secteurs moins touchés par la crise. Mais beaucoup sont déjà en train de revenir avec la reprise de l’activité.
Notre objectif, à travers la feuille de route, est de renforcer le capital humain, de retenir nos talents et d’améliorer la formation avec des partenaires privés. En tant qu’État, nous accordons une grande importance à la formation. Environ 16.000 jeunes ont été formés au sein du dispositif national de formation hôtelière et touristique à fin 2022.
Dans la feuille de route, nous allons renforcer nos investissements pour former des talents en adéquation avec les besoins du secteur, et nous comptons aussi sur le secteur privé pour mettre en œuvre toutes les conditions nécessaires au recrutement, à l’épanouissement, la formation et la fidélisation de ces talents qui, finalement, sont un maillon très important de la qualité de service et de l’expérience client.
Selon l’ONMT, dans sa stratégie horizon 2026, le Royaume prévoit 17,5 millions de touristes annuellement. Sur quels leviers le ministère peut s’appuyer pour accompagner l’Office à atteindre ces objectifs ?
Je vous remercie pour votre question qui me permettra de clarifier un point important. La feuille de route 2023-2026 du tourisme qui ambitionne d’atteindre 17,5 millions de touristes à horizon 2026 est une feuille de route gouvernementale qui a été mise en place par notre Ministère, en concertation avec l’ONMT, la SMIT, nos partenaires institutionnels ainsi que les professionnels du secteur privé.
L’aérien et la promotion représentent deux leviers essentiels de cette feuille de route, faisant donc de l’ONMT un maillon important dans sa mise en œuvre et sa réussite.
En plus des activités de l’ONMT, cette feuille de route repose sur une nouvelle ingénierie de l’offre touristique et plusieurs autres leviers comme la stimulation de l’investissement dans l’animation et les services, la structuration et consolidation de l’offre hôtelière, le renforcement du capital humain et le renforcement du rôle de l’Observatoire du tourisme.
En plus de l’ONMT, les parties prenantes de cette feuille de route sont nombreuses. Il s’agit notamment de la SMIT, les départements ministériels signataires de la convention, les professionnels du secteur privé et les acteurs locaux.