Femmes : Comment le Maroc recule
Dossier du mois
Imane Benzarouel, Manager dans une entreprise publique
A quand une réelle avancée des droits de la femme ?
Aborder le sujet de « la situation de la femme et de la violence qu’elle subit », j’étais loin de m’imaginer le faire alors que je suis entourée de success stories de femmes de tout bord, qui réussissent dans leur domaine d’activité, des femmes qui s’assument et qui s’imposent dans le monde de l’entreprise. J’étais loin de m’imaginer abordant cette thématique même si l’approche genre ou la réduction du gap entre les deux genres figurent parmi les axes sur lesquels je travaille dans le cadre de mon activité professionnelle, pour une meilleure inclusion sociale de la femme et l’amélioration en continu de sa situation économique. Et pourtant, il a fallu que le triste incident de l’agression de la jeune fille dans le bus, au coeur de Casablanca, survienne pour éveiller des discussions et des débats que je voulais croire révolus. Les avis ont, en effet, fusé entre indignation, compassion, rage, condamnation … chacune des parties se considérant la réelle victime d’une société en mal de valeurs et de lois d’une part et d’un système d’enseignement et d’encadrement des jeunes aussi défaillants l’un que l’autre.
J’ose avouer que suivre les débats à l’issue de ce malheureux incident m’a fait oublier la tragédie elle-même et ses suites, notamment la prise en charge de la victime et l’incarcération des agresseurs. Ces débats m’ont ré-ouvert les yeux sur une réalité bien installée, malgré les apparences d’émancipation et de développement que j’aperçois au quotidien dans mon proche entourage. Nous sommes en mal, d’abord, d’éducation ou plutôt de modélisation et de loi bien évidemment. Je n’ai jamais été partisane d’une politique encourageant la victimisation des filles et de la femme de manière générale, partant du principe que la femme est l’égale de l’homme dans l’absolu. Ils constituent un socle commun, favoriser l’un ou l’autre rend la société bancale et tiraillée.
Ce principe d’égalité doit prévaloir partout, sans aucune démagogie, à la maison, dans le couple, dans l’éducation des enfants, dans les messages audio-visuels, à l’école, dans les lieux publics … Une maman qui dit à son garçon : « Arrête de pleurnicher comme une gamine »; un papa qui tabasse sa femme devant leurs enfants et bafoue sa dignité; une maman qui fait profil bas et n’ose pas l’affrontement de peur du jugement de la société; une société qui condamne systématiquement la femme et la rend responsable de tous les maux; une société pour qui la vertu, le respect, la dignité, la pudeur … ne concernent que la femme et son corps, l’homme étant d’emblée libre d’agir sans contraintes ni retenue, etc… Les exemples sont, malheureusement, multiples et variés, allant des plus anodins aux plus profonds et témoignant d’un fossé dans nos valeurs et notre modélisation favorable à la recrudescence de la violence de manière générale et à l’égard de la femme en particulier.
La loi, hélas, n’aidant pas, nombreuses sont les lacunes et les silences dans nos textes qui ne favorisent, nullement, le renforcement du statut de la femme et son indépendance et limitent l’impact de toutes ces actions de sensibilisation menées par la société civile, dans ce cadre. Il faut l’admettre, le Maroc accuse un retard en la matière, et je vise là la Tunisie qui poursuit frontalement et courageusement ses démarches pour une réelle avancée des droits de la Femme. J’admets, à ce niveau, que nous sommes contraints par le strict respect du texte religieux et c’est là où toute l’ingéniosité du législateur et des politiques devrait s’étaler, armée d’une ferme volonté pour un réel et radical changement.
Maintenant qu’est ce qu’il y a lieu de faire ?
La réponse à cette question dépend de la femme elle-même. Elle peut opter pour l’attente d’un jour où tous les amendements seront votés, où tous les droits seront acquis. Comme elle peut faire le choix d’oser, le choix de bousculer les choses en elle et autour d’elle, le choix de devenir indépendante financièrement et de s’imposer, autrement.