Filière laitière : Malgré ses performances, le défis du climat reste sérieux
Mouhamet NDIONGUE
La filière laitière au Maroc assure la sécurité alimentaire du pays en produisant 96% des besoins nationaux en lait et dérivés. Malgré ses performances, elle se heurte à des défis, notamment liés au climat, à la stagnation du marché et à la taille des exploitations. Aujourd’hui, le secteur laitier marocain constitue un succès incontesté du développement d’une filière nationale du lait.
Le Maroc est un pays de plus de 400 000 agriculteurs impliqués dans une certaine forme de production laitière, mais où seuls quelque 40 000 exploitations peuvent être considérées (semi) professionnel, selon les chiffres de la fédération de producteurs de lait. Aucun chiffre précis n’a pu être obtenu sur, mais c’est dans les zones irriguées et régions où les précipitations sont suffisantes pour que 65 à 70 % de tout le lait soit produit par un mélange de petits exploitants et certains très fermes professionnelles. La production totale de lait est estimée à 2 500 000 tonnes/an, avec environ 1,8 millions de vaches. L’industrie formelle de transformation du lait collecté ± 60-70% de la production laitière totale, tandis que le reste est soit la consommation domestique, soit le commerce informel. Le Maroc est à 94% autosuffisant, alors que les exportations varient d’environ 6 %, selon la source.
Selon Serec.ma, la filière laitière représente 5% des volumes de production du secteur agricole et 10,7% de ceux de l’agroalimentaire. Elle emploie environ 474.000 postes permanents tout le long de la chaîne de valeur, allant de la production à la transformation et réalise un chiffre d’affaires total de 14 milliards de DH dont 7 milliards profitent à l’amont agricole.
Aujourd’hui, le secteur laitier est dans un processus de modernisation et de développement, mais toujours dominé par de petits exploitants qui dépendent d’une combinaison d’agriculture mixte : cultures, produits laitiers et viande bovine. Dans les zones avec suffisamment de précipitations et / ou d’irrigation, la production de lait est plus courante et nous voyons émerger ici des fermes moyennes et grandes, avec plus de potentiel pour des rendements plus élevés. La filière contribue ainsi à la garantie de la sécurité alimentaire du pays puisque près de 96 % de la demande des citoyens en lait et produits laitiers se trouve parfaitement satisfaite. Le développement de la filière lait a permis de générer 48,7 millions de journées de travail, et ce tout au long de la chaîne de valeur, essentiellement à l’aval.
Réalisations et impacts
Avènement de la filière lait autour d’agrégateurs, centres de collecte assurant l’intégration avec l’industrie nationale de transformation des produits laitiers.
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Selon le ministère de l’Agriculture, en 2009, la productivité des races pures tournait autour de 3 500 litres/vache/an ; elle a atteint 4 200 litres/vache/an en 2019, enregistrant ainsi une évolution de 20%. Pour sa part, la productivité de la race croisée est passée de 1 250 litres/vache/an en 2009 à 2 300 litres/vache/an en 2019, totalisant ainsi une évolution de 84%. Les fermes et les élevages nationaux comptent quelque 1,81 million de têtes pour 2,55 milliards de litres de lait produits. L’autoconsommation du lait au Maroc représente entre 10 % et 15 % de la production globale de la filière. Dans ce contexte, la valeur ajoutée de la filière a nettement évolué pour passer de 1,66 milliard de DH en 2003 à 4,22 milliards de DH en 2019, soit une amélioration de 154 %. Pour leur part, les emplois de la filière ont augmenté de 25 % entre 2003 et 2019. L’amont de la filière laitière au Maroc compte environ 260 000 producteurs, tandis que la transformation industrielle du lait est assurée par 16 opérateurs différents.
La filière laitière a connu des avancées majeures avec la stratégie Plan Maroc Vert. Par exemple, la région de Doukkala, qui contribue à hauteur de 18% à la production nationale de lait, enregistre actuellement une production record de lait qui se table à 380 millions de litres par an, soit une hausse de 90% par rapport à 2008.
Contexte mondial prometteur
D‘ici 2050, la production et la demande de lait dans le monde devraient augmenter de 50 %. Dans les pays en développement, la croissance sera supérieure à 67%, tandis que dans les pays développés, elle sera de 26%.
Selon les analystes, il existe aujourd’hui 6 millions d’exploitations agricoles dans les pays en développement. De plus, au cours des 20 dernières années, la production mondiale de lait a augmenté de 62%, indique le site Agrimaroc. Dans les pays en développement, la croissance était de 114% et celle dans les pays développés de 22%.
Par ailleurs, « d’ici 2050, les producteurs de lait pourront bénéficier d’un marché en croissance grâce à plus de lait consommé (+ 50 %) et plus de lait collecté (+ 100 %) ».
Rabat-Salé-Kénitra prévoit 600 millions de litres d’ici 2030
La région de Rabat-Salé-Kénitra prévoit de dynamiser l’ensemble de ses filières agricoles et celle laitière n’est pas en reste.
En effet, la région envisage d’augmenter sa production laitière à 600 millions de litres à l’horizon 2030, indique la direction régionale de l’Agriculture (DRA).
Ce volume dépasse de loin les 522 millions de litres de lait qui étaient produits, selon les données mises en relief par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), au cours de l’année 2018.
Pour rappel, la région de Rabat-Salé-Kénitra est la première zone laitière du Royaume. Cette filière revêt une importance capitale, en raison de son impact sur le développement économique et social. De leur côté, les régions de Béni Mellal-Khénifra, Casablanca-Settat et Marrakech-Safi assurent 47% de la production nationale du lait.
Par ailleurs, la transformation du lait à l’échelle industrielle est assurée par le secteur coopératif et le secteur privé. Actuellement, le secteur compte environ 82 unités industrielles et 2700 centres de collecte. Le lait traité par les usines de transformation représente plus de 60 % de la production totale.
La plus grande partie du lait usiné (85 à 90%) est transformée en lait pasteurisé, le reste est utilisé pour la production des dérivés laitiers de courte et de longue durée de conservation (yaourt, raibi, lben, fromage frais, poudre de lait, lait UHT, lait stérilisé, beurre…).