Financement de la protection sociale universelle: La taxe sur la fortune immobilière agitée
Le Maroc, à l’instar de nombreux pays, se trouve confronté à un défi majeur : financer un système de protection sociale universel, un objectif visant à garantir un filet de sécurité à tous ses citoyens. Pour y parvenir, le Royaume envisage une réforme fiscale d’envergure, s’inspirant notamment du modèle français en introduisant un impôt sur la fortune immobilière.
La question du financement de la protection sociale reste un enjeu de taille pour le gouvernement qui, depuis sa mise en place cherche un financement adéquat pour cette stratégie attendue par les Marocains, notamment les classes sociales.
Cependant, l’idée de l’impôt sur la fortune immobilière (IFM) est de plus en plus agitée. Cette idée, explorée dans un rapport intitulé « Taxes foncières : opportunités manquées pour financer la protection sociale universelle au Liban, au Maroc et en Jordanie ? », a été publiée par l’Initiative arabe pour la réforme et rédigée par l’expert Abdelhak Kamal.
Ce rapport éclaire les défis budgétaires auxquels le Maroc est confronté, tout en proposant des solutions viables pour financer durablement l’expansion de la sécurité sociale. Les réformes envisagées visent à instaurer une couverture sociale universelle, un objectif qui comprend l’élargissement de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) à 22 millions de bénéficiaires, l’augmentation des allocations familiales pour environ 7 millions d’enfants d’âge scolaire et l’intégration de 5 millions de travailleurs indépendants et informels dans les régimes de retraite d’ici 2025.
Pourtant ces initiatives donnent l’espoir d’un avenir plus juste et équitable pour le Maroc. Le pays, confronté à des inégalités croissantes et à une pauvreté omniprésente, se débat avec des taux de pauvreté en hausse, passant de 17,1 % en 2019 à 19,87 % en 2020, selon les données de la Banque mondiale.
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Le coût total de cette ambition sociale, qui se veut solidaire et ne reposerait pas sur les contributions individuelles, est estimé à 50 milliards de dirhams par an. Ce chiffre astronomique soulève des questions cruciales sur les méthodes de financement actuelles, qui s’appuient fortement sur les budgets de l’État (54 %) et sur les impôts affectés (24 %). Bien que les recettes fiscales aient connu une croissance significative, passant de 19,4 % du PIB en 2015 à 21,1 % en 2022, la structure actuelle du système fiscal, telle une maison dont les fondations sont fragiles, pourrait nuire à sa durabilité et à son équité à long terme.
Pour répondre à cette problématique, Abdelhak Kamal propose une solution audacieuse : une réforme fiscale d’envergure qui s’appuierait sur une taxation plus élevée du capital, notamment par l’introduction d’un impôt sur la fortune immobilière, inspiré par le modèle français. Ce dernier vise à diversifier les sources de revenus de l’État et à alléger la charge fiscale qui pèse principalement sur la classe moyenne.
Le rapport souligne que la structure fiscale actuelle, telle une balance déséquilibrée, pourrait favoriser les revenus du capital, l’assiette fiscale étant relativement étroite, les citoyens de la classe moyenne étant souvent ceux qui contribuent le plus. Un IFM progressif, touchant environ 5 % des propriétés les plus chères, avec des taux variant de 0,5 % à 1,5 %, pourrait générer près de 8,37 milliards de dirhams annuellement. Ce montant, comme un trésor caché, représenterait 26 % du budget 2021 dédié à la solidarité dans le cadre de la réforme et entre 14 % et 17 % du total des besoins annuels en financement.
Cette taxe ciblerait spécifiquement les biens immobiliers d’une valeur supérieure à 10 millions de dirhams, impactant environ 36 000 propriétés parmi les 8 millions recensées au Maroc. Le rapport fait valoir que la mise en œuvre d’une telle taxe serait susceptible de rééquilibrer l’assiette fiscale, de diminuer la dépendance vis-à-vis des revenus du travail et d’encourager des investissements productifs au sein de l’économie nationale, tel un jardin florissant nourri par des ressources bien gérées.
Cependant, l’auteur, admettant une dose de prudence, admet qu’avant de sauter le pas, il est impératif de mener des études plus approfondies. Celles-ci permettraient de peaufiner les estimations de recettes potentielles et de s’assurer que le cadre juridique et administratif requis est en place pour la mise en œuvre de cette réforme. En effet, le succès de cette initiative fiscale dépendra aussi d’une sensibilisation adéquate de la population, visant à démontrer les avantages que pourrait présenter cette taxe pour l’ensemble de la société.
Alors même que le Maroc s’apprête à relever le défi du financement de son programme de protection sociale universelle, l’impôt sur la fortune immobilière pourrait être un outil prometteur, susceptible de promouvoir à la fois l’équité sociale et la croissance économique.