Football : Quand une pause de deux minutes déclenche une tempête politique en France

La décision prise le samedi 15 mars lors de la rencontre entre Angers et Monaco en Ligue 1 d’interrompre brièvement le match pour permettre aux joueurs musulmans de rompre leur jeûne a suscité une véritable levée de boucliers dans le paysage politique français. Laurent Wauquiez, chef des députés Les Républicains et candidat à la présidence de son parti, s’est empressé de qualifier cette brève pause d’ « inacceptable », fustigeant une atteinte à la sacro-sainte laïcité.
Ce qui pourrait être considéré ailleurs comme un geste de tolérance et de respect des croyances individuelles s’est transformé en une affaire d’État en France. Dans d’autres championnats européens, comme la Premier League anglaise ou la Bundesliga allemande, cette pratique est déjà bien ancrée, et chaque année, les arbitres accordent une pause d’à peine deux minutes sans que cela ne suscite la moindre controverse. Ce qui choque n’est pas tant la réaction d’une partie de la classe politique française, coutumière des polémiques sur les questions religieuses, mais bien l’incapacité de la France à adopter une posture pragmatique et bienveillante sur ce type de sujet.
L’argument brandi par la Fédération française de football (FFF) repose sur l’article 1.1 de ses statuts, qui interdit toute manifestation à caractère religieux, politique ou syndical sur les terrains. Mais cette rigidité réglementaire interroge lorsqu’elle s’applique à des pauses de quelques secondes permettant à des sportifs professionnels d’assurer un équilibre entre performance et respect de leur foi. La Premier League et la Bundesliga, championnats réputés pour leur professionnalisme et leur souci du bien-être des joueurs, ont compris qu’une telle flexibilité ne remet nullement en cause la neutralité du sport.
L’indignation de Laurent Wauquiez et d’autres responsables politiques relève d’une vision étriquée de la laïcité, qui tend à en faire un instrument d’exclusion plutôt qu’un cadre garantissant le respect de tous. En France, les pauses lors des matchs pour d’autres motifs, comme l’hydratation en période de forte chaleur, ne font l’objet d’aucun débat. Pourquoi, dès lors, une brève interruption pour la rupture du jeûne provoque-t-elle une telle levée de boucliers ?
L’indignation suscitée par cette pause n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans un contexte plus large d’instrumentalisation politique de la question religieuse en France, où toute manifestation, même minime, de la présence de l’islam dans l’espace public devient une source de crispation. En appelant la ministre des Sports, Marie Barsacq, à faire respecter la laïcité, Laurent Wauquiez démontre surtout sa volonté d’en faire un sujet de campagne, quitte à exagérer une situation qui, ailleurs, ne poserait aucun problème.
Cette polémique prend d’autant plus d’ampleur que la ministre est déjà sous pression pour ses déclarations jugées trop ouvertes sur la question du port du voile dans le sport. En liant les deux sujets, certains responsables politiques cherchent à entretenir un climat de suspicion autour des pratiques musulmanes, y voyant systématiquement une forme de « menace ».
Finalement, que révèle cette affaire sinon une incapacité chronique à admettre que la diversité religieuse ne menace pas la République ? Là où d’autres nations ont compris que la souplesse et la tolérance ne sont pas des faiblesses, mais des signes de maturité, la France s’acharne à vouloir imposer une lecture rigoriste de sa laïcité, quitte à engendrer des tensions artificielles et contre-productives.