France-Algérie : l’enlisement diplomatique
Les relations franco-algériennes, déjà fragiles, viennent de subir une nouvelle épreuve avec l’escalade d’un conflit diplomatique sur fond d’expulsion avortée d’un influenceur controversé. Alors que Paris menace de mesures de rétorsion sévères, Alger persiste dans une posture de défiance, alimentant un climat de tensions inédit entre les deux pays.
La crise débute avec l’expulsion de « Doualemn », un influenceur algérien de 59 ans, arrêté à Montpellier pour incitation à la violence sur les réseaux sociaux. Remis aux autorités algériennes, ce dernier se voit refuser l’entrée sur le territoire de son propre pays. Renvoyé en France le soir même, l’incident provoque un tollé au sein du gouvernement français, qualifié par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, de tentative délibérée d’« humilier la France ».
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, n’a pas tardé à réagir. Dans une interview à LCI, il a dénoncé une « escalade préoccupante » et annoncé des contre-mesures possibles, allant de restrictions sur les visas à la suspension d’aides au développement. « La France n’aura d’autre choix que de riposter si les Algériens maintiennent cette posture d’escalade », a-t-il affirmé.
L’affaire de « Doualemn » n’est que l’arbre qui cache la forêt. Ces derniers mois, la France a intensifié sa répression contre certains influenceurs d’origine algérienne accusés de promouvoir la violence. Parmi eux, Sofia Benlemmane, suivie par plus de 300 000 abonnés, a été arrêtée pour diffusion de messages haineux. Un autre influenceur, connu sous le pseudonyme « Imad Tintin », est accusé d’incitation explicite à des actes de violence sur le sol français.
En parallèle, l’arrestation en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, gravement malade, a enflammé davantage les relations. Ses propos affirmant qu’une partie de l’ouest algérien appartenait historiquement au Maroc lui valent des accusations de sédition. Le président Emmanuel Macron a dénoncé un acte « déshonorant », tandis que le Parlement algérien a riposté en condamnant une « ingérence flagrante ».
Un fossé diplomatique qui s’élargit
L’incident intervient dans un contexte de refroidissement progressif des relations bilatérales. En octobre dernier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait annulé une visite officielle en France, critiquant le « mépris » de Paris. Cette décision s’inscrit dans une série de différends, notamment sur la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Ce geste, perçu comme une provocation par Alger, a conduit au rappel de son ambassadeur.
Tebboune a également multiplié les déclarations hostiles à l’égard de la France, dénonçant l’héritage colonial et affirmant que « 90 % des Algériens étaient analphabètes au moment de l’indépendance ». Ces propos, combinés à des actions symboliques comme le retrait de l’ambassadeur, ont creusé un fossé diplomatique difficile à combler.
Face à ce contexte tendu, Paris envisage des mesures sans précédent. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a récemment suggéré de remettre en cause l’accord bilatéral de 1968 qui accorde des droits de résidence et d’emploi spécifiques aux Algériens en France. De plus, il a proposé de supprimer l’exemption de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques algériens, précisant que cette mesure n’affecterait pas les échanges économiques ou culturels entre les deux peuples.
En 2023, la France a délivré 646 462 titres de séjour à des ressortissants algériens, soit plus qu’à toute autre nationalité. Cette réalité souligne l’importance des liens humains et économiques entre les deux pays, désormais pris en otage par des tensions politiques.
Le refus algérien de recevoir l’influenceur expulsé a été qualifié d’« arbitraire et abusif » par la diplomatie algérienne, qui rejette en bloc les accusations françaises d’escalade. Cette situation illustre une impasse où chaque partie semble camper sur ses positions. La multiplication des incidents, qu’ils soient diplomatiques, sociaux ou culturels, aggrave un contexte déjà tendu.