France: l’ex-ministre Cahuzac condamné à de la prison
La justice française a condamné jeudi l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac à trois ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment dans le cadre du scandale le plus retentissant du mandat présidentiel de François Hollande.
L’ancien héraut de la lutte contre l’évasion fiscale, qui a notamment détenu un compte secret en Suisse, s’est également vu infliger une peine de cinq ans d’inéligibilité et son ex-épouse Patricia a été condamnée à deux ans de prison, conformément aux réquisitions lors du procès en septembre.
A l’énoncé de la peine, l’ex-ministre, 64 ans, est resté immobile, comme écrasé par la sévérité du jugement. Son avocat, Jean Veil, a annoncé peu après qu’il faisait appel, jugeant que la prison n’est pas une « sanction véritablement adaptée ».
Le tribunal a sanctionné une « faute pénale d’une exceptionnelle gravité » d’un homme qui « incarnait la politique fiscale de la France » et s’est « enraciné dans la fraude », a expliqué le juge, Peimane Ghaleh-Marzban.
Relevant « l’automaticité et la fluidité avec lesquelles les choses se mettent en place » quand Jérôme Cahuzac demande plus de discrétion et un transfert de ses avoirs de Suisse vers Singapour, le tribunal a sanctionné la banque genevoise Reyl, son patron François Reyl et un ex-avocat chargé du montage financier, Philippe Houman.
L’établissement a été condamné à l’amende maximale pour blanchiment, 1,875 million d’euros, mais a échappé à une interdiction d’exercer toute activité bancaire en France, requise par le parquet. François Reyl et Philippe Houman ont été condamnés à un an de prison avec sursis et 375.000 euros d’amende.
Quand, en décembre 2012, le site d’informations Médiapart révèle que le ministre du Budget détient un compte en Suisse, celui qui se présente comme le chevalier blanc de la lutte contre la fraude fiscale nie farouchement.
Pendant quatre mois, il dément « les yeux dans les yeux » auprès de députés, de ministres et même du président français. Mais l’étau judiciaire se resserre. Il finira par démissionner le 19 mars 2013 et avouer le 2 avril.
Ce scandale est le pire accroc à la « République exemplaire » promise par François Hollande pendant sa campagne pour se démarquer de son concurrent, l’ex-président Nicolas Sarkozy, dont le nom est cité dans plusieurs affaires judiciaires.
Depuis, la France a renforcé ses outils contre la fraude et la corruption, avec la création d’une Haute autorité pour la transparence de la vie publique, d’un statut pour les lanceurs d’alerte et d’une agence anticorruption.
Jérôme Cahuzac a renoncé à toute vie publique. Ses proches le disent « brisé », mais dans ses rares confidences le déni n’est jamais loin. Devenir ministre, estimait-il en 2014, a été « l’erreur de ma vie ».
Ses justifications au procès – l’argent caché était selon lui destiné à financer le courant politique d’un ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard, aujourd’hui décédé – ont été balayées par l’accusation qui a épinglé un homme pour lequel « la vérité est un mirage ».
Le procès a mis à nu les secrets bancaires du couple Cahuzac, divorcé depuis la révélation de l’affaire. Dans les années 90, le couple avait cherché à placer les bénéfices d’une florissante clinique d’implants capillaires qu’ils géraient, lui comme chirurgien, elle comme dermatologue.
« On était conscient de l’illégalité » de ces pratiques, a dit à la barre l’ex-épouse, Patricia Ménard, une « femme trahie » qui révélera elle-même aux juges l’existence d’un compte sur l’île de Man.
Les Cahuzac ont reconnu « une fuite en avant » dans l’opacité offshore, mais nié avoir construit « un système organisé ».
Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d’euros. L’argent s’est retrouvé à hauteur de 600.000 euros sur le compte secret suisse de Jérôme Cahuzac (transféré en 2009 de la banque genevoise Reyl vers la Julius Baer à Singapour), de 2,7 millions d’euros sur le compte de l’île de Man géré par Patricia Cahuzac, et pour près de 240.000 euros de chèques versés sur des comptes de la mère de l’ex-chirurgien.
Ce jugement pourrait servir de jurisprudence dans d’autres affaires de fraude fiscale retentissantes comme celle impliquant les héritiers du marchand d’art Guy Wildenstein, qui seront fixés en janvier, ou celle mettant en cause la petite-fille de la couturière Nina Ricci dont le procès en appel est en cours.