France / Lynchage de deux personnes Noires : Le parquet exclut la piste raciste
Selon l’information rapportée par Mediapart, le parquet de Carcassonne jugera le deuxième adjoint au maire du village, un rugbyman célèbre dans la région et un agent de sécurité privée, au cours du procès qui est prévu le vendredi 2 juin 2023.
En dépit d’importants indices et témoignages décrivant un acte à caractère raciste, le tribunal a exclu cette piste, privilégiant celle de la « violence en réunion » suivie d’incapacité totale de travail (ITT) n’excédant pas 8 jours.
– Retour sur les faits
À l’été 2022, comme dans de nombreux villages de France, dans celui de Verzeille, près de Carcassonne (Aude) se tient une fête estivale.
Cependant, au troisième jour de cette fête, survient le tabassage de deux jeunes hommes Noirs, un d’origine guadeloupéenne et l’autre d’origine mahoraise, respectivement appelés Hans et Karim par notre confrère David Perrotin de Mediapart.
Dans un contexte de psychose des piqûres sauvages en France, les deux jeunes hommes sont accusés par un groupe de villageois d’être à l’origine des malaises de plusieurs d’entre eux. Il sera révélé plus tard que ceux-ci ont, tout simplement, été causés par l’abus d’alcool.
Mediapart rapporte qu’à la demande d’un vigile du « DJ set », les jeunes hommes montrent le contenu de leurs sacs et de leurs poches.
Alors intervient Nelson, chef de cuisine Noir, de 43 ans, expliquant au vigile que les deux garçons « ne pouvaient pas avoir piqué des gens puisque le malaise des deux personnes avait eu lieu avant qu’ils arrivent à la fête », selon le témoignage de Hans recueilli par Mediapart.
Les deux hommes s’éloignent ensuite pour prendre des cigarettes et uriner. Alors, ils entendent du bruit.
« C’est les Noirs, c’est les Noirs », hurle quelqu’un avant qu’une quinzaine d’hommes ne se ruent sur eux.
– La ratonnade est filmée
Les deux garçons tentent de s’échapper, mais la foule les rattrape et ils sont violemment tabassés après avoir été aspergés de gaz lacrymogène directement sur les yeux.
On peut apercevoir dans les images filmées par l’un des agresseurs que Hans reçoit au moins une vingtaine de coups de poings et de pieds à la tête, alors qu’il est à terre. Certains des agresseurs crient « tue-le, tue-le » et appellent à le relever pour le violer.
Parmi les personnes qui le tabassent, figurent des notables du village dont le second adjoint au maire, Ludovic Bérail, qui reconnaîtra les faits plus tard.
Selon Mediapart, les deux jeunes hommes ne doivent leur salut qu’à l’intervention de Nelson et de ses amis.
Nelson est, lui aussi, aspergé de gaz lacrymogène, mais l’homme parvient à faire comprendre au groupe que la violence doit s’arrêter. « Sans nous, ces deux jeunes seraient tout simplement morts », déclare-t-il à Mediapart.
– La piste raciste écartée
Hans renonce à se faire soigner aux urgences le soir-même, mais consulte un médecin au lendemain de son agression. Celui-ci constate ses blessures et lui donne six jours puis seize jours d’interruption temporaire du travail (ITT) et un mois complet d’arrêt de travail.
Pour sa part, Karim refuse de porter plainte. Dans l’état actuel, il est hospitalisé à cause d’un accident de voiture survenu peu de temps après l’agression. Le dépôt de plainte de Hans mène à l’ouverture d’une enquête judiciaire, mais la piste raciste est écartée en dépit d’importants indices et témoignages dans ce sens.
Hans s’interroge notamment sur le fait que seuls les personnes Noires de son groupe aient été tabassées.
« Si, pour eux, la bande avec laquelle je faisais la fête piquait des gens, pourquoi avoir oublié d’accuser et de frapper mes amis blancs ? », s’interroge le jeune homme alors que parquet et les enquêteurs ne retiennent pas ce facteur. D’ailleurs, ces derniers ne font pas analyser les téléphones des agresseurs bien que des témoins aient rapporté l’existence d’une conversation Whatsapp où des habitants se vantent « d’avoir fait courir des Noirs et des bougnoules ».
De plus, le cousin de Hans, Kevin, qui a réussi à récupérer la vidéo de l’agression grâce au fait que les villageois ignoraient qu’il faisait partie du même groupe que les victimes, n’a pas été convoqué ou auditionné par le parquet, alors qu’il a, lui-même, apporté la vidéo aux gendarmes.
Par ailleurs, plusieurs témoins rapportent que certains des agresseurs riaient de ce qu’ils appelaient une « ratonnade ».
L’association antiraciste « La Maison des Potes » s’est constituée partie civile pour aider les victimes à faire valoir le caractère raciste de cette violente agression.
Dans une publication sur Twitter, partageant la vidéo de l’agression, la députée Rachel Keke a indiqué que « ces deux hommes ont été soupçonnés parce que noirs, pourchassés parce que noirs, et frappés parce que noirs.
« La lutte contre l’idéologie d’extrême-droite est une lutte de tous les jours. Non à la violence, oui au vivre ensemble », a-t-elle souligné avant d’exprimer son soutien aux deux victimes.