France-Maroc : relance du dialogue après des années de tensions
Réconciliation. C’est le nouveau paradigme des relations entre Rabat et Paris. Afin de surmonter les crises passées et de dynamiser leur coopération, la France et le Maroc souhaitent renouer le dialogue. Plusieurs personnalités françaises de divers domaines sont attendues prochainement au Maroc. Ces visites s’inscrivent dans un contexte de réchauffement des relations bilatérales, après une période de tensions entre les deux pays. Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, son homologue de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ainsi que le président du Sénat français, Gérard Larcher, se rendront au Maroc à des dates différentes, afin de restaurer les liens diplomatiques, longtemps perturbés. Cette série de visites a pour but d’apaiser les rapports et de préparer la venue du président français, Emmanuel Macron.
Le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, effectuera une visite au Maroc du 24 au 26 avril, à la tête d’une importante délégation économique. Il participera au forum d’affaires France-Maroc, organisé conjointement par les organisations patronales des deux pays, la CGEM et le Medef. Cette visite s’inscrit dans le cadre d’une série de déplacements de hauts responsables français au Maroc, qui témoignent d’une volonté de réchauffer les relations bilatérales, mises à mal par plusieurs crises politiques et diplomatiques ces dernières années.
Selon la radio française RFI, le président du Sénat français, Gérard Larcher, se rendra également prochainement au Maroc en visite officielle. Une délégation d’officiels marocains devrait quant à elle se rendre en France en mai 2024. La visite de Gérard Larcher au Maroc vise à renforcer la coopération parlementaire entre les deux pays, et à favoriser les échanges entre les élus et les acteurs de la société civile. Ces échanges parlementaires sont perçus comme des signes de dégel dans les relations franco-marocaines, qui ont connu des périodes de tension et de méfiance réciproques.
Quant au ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, il sera lui aussi au Maroc ce 25 février. Le chef de la diplomatie française aura notamment pour objectif de préparer une visite d’Emmanuel Macron dans le Royaume, qui a été maintes fois repoussée en raison de la crise politique et sanitaire que traverse la France.
La visite de Stéphane Séjourné au Maroc vise à préparer la visite d’Emmanuel Macron au Maroc, qui pourrait avoir lieu au cours du premier semestre 2024. Le ministre français des Affaires étrangères devrait s’entretenir avec son homologue marocain, Nasser Bourita, et avec le roi du Maroc, Mohammed VI.
Les sources de la discorde entre Paris et Rabat
Les relations entre la France et le Maroc, traditionnellement étroites et stratégiques, ont été émaillées de plusieurs incidents et malentendus ces dernières années, qui ont entamé la confiance mutuelle et le partenariat entre les deux pays.
L’un des premiers signes de refroidissement remonte à 2014, lorsque la justice française avait convoqué le patron du renseignement, Abdellatif Hammouchi, dans le cadre d’une enquête sur des accusations portées sur le patron de la DGSN. Le Maroc avait alors suspendu sa coopération judiciaire avec la France, avant de la rétablir en 2015, après des excuses officielles de Paris.
En 2017, le Maroc avait également mal vécu l’invitation du secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, à participer à une conférence à Paris, organisée par le Parti socialiste français. Le royaume avait alors dénoncé une « provocation » et une « ingérence » de la part de la France, qui est pourtant un allié du Maroc au Conseil de sécurité de l’ONU.
Sur un autre plan, le Maroc, en 2020, avait exprimé son « étonnement » et son « incompréhension » face à la position de la France sur le conflit libyen, qui soutenait le maréchal Khalifa Haftar, un adversaire du gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU et appuyé par le Maroc. Le royaume avait alors reproché à la France de faire le jeu des puissances régionales hostiles au Maroc, comme les Émirats arabes unis ou l’Égypte, qui arment et financent le camp de Haftar.
La migration n’avait pas été en reste dans la crise entre Rabat et Paris. En 2021, le Maroc avait été choqué par les propos du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui avait évoqué une « crise migratoire » provoquée par le royaume, après l’entrée massive de milliers de migrants, dont des mineurs, dans l’enclave espagnole de Sebta. Le Maroc avait alors accusé la France de faire preuve de « mépris » et de « dénigrement » à son égard, et de ne pas reconnaître son rôle de partenaire clé dans la gestion des flux migratoires vers l’Europe.
En septembre 2023, le Maroc avait atteint le point de rupture en refusant l’aide humanitaire proposée par la France après le séisme qui avait frappé Al Haouz, faisant près de 3 000 morts et 6 000 blessés. Le Maroc avait alors invoqué sa « souveraineté » et sa « dignité » pour justifier son refus, tout en acceptant l’aide d’autres pays, comme la Chine, la Turquie ou les États-Unis. Le geste du Maroc avait été interprété comme une marque de défiance et de ressentiment par la France, qui n’avait pas manifesté suffisamment de solidarité et de compassion à son égard.
Les perspectives d’un rapprochement entre Paris et Rabat
Malgré ces différends, la France et le Maroc ont maintenu des liens économiques, culturels et humains forts, qui constituent autant de leviers pour renouer le dialogue et restaurer la confiance. La France est le premier partenaire commercial du Maroc, et le premier investisseur étranger dans le pays. Plus de 1,5 million de Marocains résident en France, et plus de 100 000 Français vivent au Maroc. Les deux pays partagent également une langue, une histoire et des valeurs communes.
La visite de Bruno Le Maire au Maroc vise à renforcer la coopération économique entre les deux pays, notamment dans les domaines de l’énergie, du numérique, de l’industrie, de l’agriculture et du tourisme. Le ministre français devrait signer plusieurs accords et contrats avec son homologue Nadia Fettah Alaoui et rencontrer des représentants du secteur privé des deux pays.
Ces visites successives de hauts responsables français au Maroc témoignent d’une volonté de relancer le dialogue et de rétablir un climat de confiance entre les deux pays, après des années de tensions et de malentendus. Elles pourraient également ouvrir la voie à une visite officielle du président français Emmanuel Macron au Maroc, qui serait l’occasion de donner un nouvel élan au partenariat stratégique entre les deux pays, et de renforcer leur coopération sur les enjeux régionaux et internationaux.