Gouvernement Akhannouch : Grand retour des technocrates
D’entrée de jeu, le point le plus saillant de cette nouvelle formation qui marque l’alternance politique est la technocratie, incarnée par de nouveaux profils aux commandes pour de nouveaux départements qui portent le changement et le renouveau, notamment : PME, Transition énergétique, Préscolaire, Protection sociale, Compétences, Innovation … etc.
C’est dire que c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour le Maroc, impulsée par Sa Majesté le Roi, sachant que les changements politiques ou tout simplement les changements soudains et les crises de tous genres nécessitent, incontestablement, des compétences spécifiques, un savoir-faire et surtout de l’expertise pour gérer de façon rapide et efficacement les crises de mutation.
De facto, managers, universitaires, hauts diplômés, femmes et jeunes sont donc le nouveau visage d’un Maroc déterminé à aller de l’avant, précédés en cela par les leaders des trois partis politiques de la majorité gouvernementale. La cohérence sera ainsi garantie puisque rien ne viendra gêner la bonne marche du gouvernement constitué des trois formations. Chose capitale puisque dès lors, ce nouveau gouvernement se devra de s’atteler, dans la grande urgence, à tous les défis qui l’attendent et aux grands chantiers qui doivent être conduits, sans faute, pour un avenir meilleur pour le pays. Sur un autre registre, l’histoire du Maroc retiendra que le gouvernement d’Akhannouch a confié, et ce pour la première fois, le ministère de l’Économie et des Finances à une femme, Nadia Fettah Alaoui. Le secteur du tourisme n’est pas en reste, avec la nomination de Fatim Zahra Ammor. La Santé quant à elle, secteur névralgique du pays, est désormais entre les mains de Nabila Rmili. Un autre point honorable est que le ministère de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la Famille est confié à une grande Dame, Awatif Hayar, Présidente d’Université. Ce qui nous change d’une certaine médiocrité qui avait caractérisé, des années durant, ce département de grande importance. Les femmes sont, ainsi, présentes en force au sein du gouvernement de Aziz Akhannouch. Elles sont en effet sept sur un total de 24, soit un pourcentage de 29 %.
Dès à présent, le plus important est de répondre à la volonté populaire, de construire une atmosphère de confiance et de se concentrer sur le consensus autour du programme gouvernemental, basé sur les engagements pris dans les programmes électoraux et sur la base des orientations contenues dans le NMD. La nouvelle équipe gouvernementale est appelée à faire face et à relever les défis dont la liste s’allonge, brandissant en tête le projet de loi de finances 2022, déjà préparé par l’équipe de Saad Eddine El Othmani.
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Le Nouveau Modèle de Développement bien porté
Si le NMD représente la pièce maîtresse et le fil conducteur de l’action gouvernementale du gouvernement Akhannouch, la Commission Benmoussa est fortement présente dans la nouvelle équipe. Faut-il rappeler que nous tous attendions que Chakib Benmoussa fasse partie de l’équipage pour veiller à la bonne mise en place du Nouveau Modèle de Développement ? Mais qu’il soit aux commandes du ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports est la preuve que tout passe par l’école pour que tout réussisse. L’enjeu est de taille. D’ailleurs, la nomination de Abdellatif Miraoui en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en est une autre preuve.
Dans la même lignée, Laila Benali est aux commandes du ministère de la Transition énergétique et du développement durable, ainsi que Ghita Mezzour, qui est désormais ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme administrative. Experts, chacun et chacune dans son domaine, ces membres de la CSMD assurent la continuité du travail fait mais aussi la mise en œuvre des recommandations de la Commission pour honorer le pacte et l’engagement nationaux envers le Roi et tous les Marocains. Pour cela, le nouvel Exécutif est tenu de définir les urgences et les priorités de son programme tout en œuvrant pour la bonne marche des grands chantiers en cours et la poursuite des grandes réformes comme la généralisation de la protection sociale, la réforme fiscale et la mise à niveau du système sanitaire.
Gouvernement de changement, de défis et d’espoir
A dire vrai, ce gouvernement, regorgeant de compétences, a tous les atouts pour réussir sa mission et tous les indicateurs laissent présager des résultats positifs pour les citoyens et pour le Maroc. Tout augure, en effet, une nouvelle étape qui sera -nous l’espérons- porteuse de cohérence, de complémentarité, de responsabilité et d’engagement d’une équipe caractérisée par une jeunesse dynamique, appuyée par des anciens qui apporteront sagesse et maturité. La frustration qu’on avait à la composition des gouvernements précédents n’a pas lieu d’être, aujourd’hui, puisqu’il faut bien l’avouer, les missions sont réparties en fonction des profils des ministres qui seront aux commandes durant les cinq années à venir. Ceci dit, ils se doivent d’honorer les promesses électorales des partis de la coalition gouvernementale à vocation plutôt techno-libérale qui se rejoignent d’ailleurs dans les mêmes priorités économiques et sociales.
« Votre responsabilité, au gouvernement comme au Parlement, en tant que majorité et au sein de l’opposition, est d’œuvrer de concert avec toutes les institutions et les forces vives de la Nation pour le succès de cette étape. A cette fin, vous devez faire preuve d’esprit d’initiative et d’engagement responsable. » dira Sa Majesté le Roi dans son discours.
C’est dire qu’avec un gouvernement qui est conscient qu’il n’a pas droit à l’erreur, déterminé à être à la hauteur de l’ambition de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui cherche constamment à réunir les conditions d’une vie digne aux citoyens et à faire du Maroc un pays pionnier sur les plans régional et international, on peut s’accorder le privilège d’espérer le meilleur. D’emblée, avec des orientations royales clairvoyantes, des citoyens coopératifs et un gouvernement compétent et motivé, on ne peut qu’espérer un avenir meilleur.
Rappelons que le slogan de la campagne électorale du RNI était « Tu mérites mieux ». Lors de la conférence de presse après l’annonce de la coalition, Monsieur Aziz Akhannouch avait souligné que le gouvernement se mobilisera « autour d’un seul projet, celui de permettre aux Marocains de vivre dignement ». Pour cela, des chantiers stratégiques doivent être menés à bien.
De grands dossiers urgents sont sur la table du nouveau gouvernement et concernent notamment la généralisation de la couverture sociale pour plus d’équité d’ailleurs, c’est le chantier phare de ce mandat. En plus de la réforme des systèmes éducatif et sanitaire, sans oublier la modernisation de l’Administration ainsi que la relance post-pandémie pour favoriser la création de l’emploi. Tels sont les principaux défis à relever par l’Exécutif durant les cinq prochaines années.
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Mais … il y aura toujours des « mais »
L’éloge de la prudence s’impose, du coup. Le cumul des fonctions est le bémol de cette formation. En effet, si le défi majeur –entre autres- consiste à opérer une véritable mise à niveau du système de santé, et ce conformément aux meilleurs standards internationaux, comment peut-on concevoir qu’une ministre de ce secteur névralgique associé à la protection sociale, qui a aussi la charge de la mairie d’une métropole comme Casablanca puisse être au four et au moulin alors que chacune de ces missions, à elle seule, nécessite un engagement monstre et des efforts surhumains ?
Même chose pour Fatima Zahra Mansouri qui hérite d’un ministère de haute importance à savoir le ministère de l’Habitat et de la politique de la ville préalablement élue maire de Marrakech. Aziz Akhannouch, lui, bien qu’il ait annoncé son désengagement de sa holding familiale, maintient, tout de même, son poste de maire d’Agadir et bien sûr celui de chef de gouvernement. On le voit bien, l’incompatibilité est flagrante et la faisabilité de la chose ou du moins, l’efficacité suscite bien des questionnements.
Si troquer une casquette contre l’autre donne à chaque port un aspect différent et un changement de « look », il serait peut-être temps de ne pas donner l’impression qu’on jongle avec le sort des citoyens. Il est clair que la tâche ne sera pas aisée et les Marocains, pris dans une grande incompréhension, pointent déjà du doigt le cumul des fonctions qui crée désormais des appréhensions et des suspicions. De ce fait et comme la loi ne l’interdit pas, plusieurs ministres se retrouvent avec deux casquettes voire plus et doivent manier pour composer. Sauf que paradoxalement, publiée dans le bulletin officiel, en juillet dernier, « la loi organique 27.11, relative à la Chambre des représentants, interdit désormais le cumul de mandats de député et de président d’une région ou d’une commune. » Par contre, rien n’est mentionné concernant le statut de maire.
Or les citoyens ont besoin de voir des ministres qui ne se dispersent pas dans la gestion des départements et des dossiers mais des gouvernants engagés et concentrés, loin de tout égarement.
Être maire d’une grande ville et ministre n’est-il pas incompatible quand on sait que pour gérer une grande ville, il faut être sur place et faire du terrain ? A moins que le distanciel à partir des bureaux de Rabat ne soit une invention post-Covid même pour la gestion des villes.