Gouvernement Akhannouch : le jeu des alliances ou le grand vertige
On sait dès à présent que les conseils nationaux du PAM ( Parti Authenticité et Modernité) et du parti de l’Istiqlal ont soutenu, à l’unanimité, l’offre faite par M. Aziz Akhannouch pour la participation de leurs partis dans le prochain gouvernement que le chef de l’Exécutif désigné est en train de constituer.
Dès lors, l’ossature du gouvernement et la distribution des postes ministériels seront connues ces jours-ci. Mais les contours se dessinent ou presque, il y a quelque temps déjà, puisque le RNI (Rassemblement National des Indépendants) a commencé à baliser la voie depuis les élections professionnelles. En effet, le RNI s’était déjà lié avec le parti de l’Istiqlal en lui accordant la présidence de deux Chambres de commerce et de l’industrie et pas des moindres à savoir Casablanca-Settat et Tétouan-Tanger-Al-Hoceima. D’autant plus que l’USFP (Union socialiste des Forces populaires), lui aussi, était dans ses grâces en prenant le contrôle de la Chambre de commerce de Rabat-Salé-Kénitra. Sans oublier que les trois partis arrivés en tête, au niveau national, se sont mis d’accord pour former des coalitions en vue de diriger les différents Conseils élus. Le travail de préparation était donc entamé avec une longueur d’avance pour anticiper et créer des alliances en amont.
La politique ou les alliances incongrues
Il est évident que la politique fait d’étranges alliances, qui se renforcent ou se défont sur le terrain, chemins faisant et intérêts obligent. Tant et si bien que l’allié d’hier peut devenir l’opposant d’aujourd’hui. J’en veux pour preuve l’alliance du RNI et du PAM, en 2015, alors que le premier était dans la majorité gouvernementale et que le deuxième était dans l’opposition. Des accords ont été signés entre les deux pour se partager la présidence de certaines régions en toute âme et conscience. Sachant qu’entre Aziz Akhannouch et Abdellatif Ouahbi ce n’est pas vraiment la grande amitié. D’ailleurs, la rivalité électorale est affichée de part et d’autre.
Sur un autre volet, arrivé 4e avec 35 sièges, le Secrétaire général de l’USFP a émis l’espoir de voir son parti participer à la prochaine coalition, ce dimanche, estimant que son positionnement doit en faire une partie intégrante de l’autorité gouvernementale. Sauf que Aziz Akhannouch ne lui a fait, jusqu’à présent, aucune offre de participation au nouveau gouvernement.
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Le PI, l’un des principaux partis de l’opposition lors de la précédente législature, quant à lui, est arrivé troisième aux élections du 08 septembre avec 81 sièges, derrière le PAM (86) et le RNI (102) et aspire à la participation.
A première vue, la première configuration fort possible est celle des trois partis arrivés premiers qui formeront une coalition « VIP » puisqu’ils constituent une majorité confortable et comptabilisent 270 sièges sur 395. La présence de l’USFP n’étant « ni sûre ni acquise » dans la coalition gouvernementale, du moins jusqu’à date d’aujourd’hui.
Le chef de gouvernement qui négocie, à présent, avec ses alliés les portefeuilles ministériels a déjà jalonné le terrain, lors des négociations pour la présidence des régions stratégiques. Dans ce sens, il faut garder en tête que la régionalisation avancée étant l’une des priorités du pays, constitue des atouts de pouvoirs
Ainsi force est de souligner qu’être porté par une équipe sur laquelle on peut s’appuyer dans les Conseils régionaux et provinciaux c’est pouvoir ratisser large et étendre ses latitudes pour bien mener une vraie bataille territoriale. Il serait plus facile, dans ce cas de figure, de peser de tout son poids sur le gouvernement pour avoir des politiques publiques en sa faveur et assurer ainsi ses arrières.
Assurément, la phase de la répartition des compétences et des portefeuilles ministériels ne sera pas aisée et les négociations seront plutôt dures pour ceux qui voudront se tailler la part du lion.
D’entrée de jeu, la question qui se pose est la suivante : le chef de gouvernement devra-t-il sceller la coalition avec seulement deux autres partis ? Auquel cas, deux options se présentent : Soit il forme un gouvernement constitué du RNI, PAM et PI, donc des trois premiers de la liste ou bien, du RNI, PI et USFP. Or on ne peut pas imaginer, d’un côté, toutes les grandes et principales formations politiques dans la majorité et fragiliser de l’autre côté, l’opposition qui devrait être forte et constructive pour une démocratie en voie de se parfaire. D’autant plus que la concurrence sera coriace quant à la répartition des portefeuilles surtout que les profils émergeant au sein de ces partis qui se voient au gouvernail sont nombreux et la compétition est loin d’être simple. Aussi la rivalité sera-t-elle rude et tendue entre le RNI, le PAM et l’Istiqlal, tous ayant les dents longues, pour l’attribution des postes ministériels les plus importants, les plus stratégiques et les plus convoités notamment ceux concernant les secteurs économiques et sociaux surtout l’Économie et l’Agriculture.
Sinon, peut-on envisager que le chef de gouvernement désigné se résoudra, à la dernière minute, à prendre le pas et s’allier avec de petits partis qui prendront la balle au bond, se contentant de peu pourvu qu’ils soient dans la majorité ? Dans ce cas, avec une grande coalition, il va falloir beaucoup de négociations pour garantir la stabilité sur la longue durée en ce qui concerne le partage des responsabilités.
De toute façon, pour « une majorité cohérente, homogène et porteuse de programmes convergents », souhaitée par le chef de gouvernement désigné, celui-ci devra prendre la lune avec les dents et exceller dans le jeu des échecs et des consensus autrement ce sera le grand vertige avant qu’il ne trouve chaussure à son pied ou disons … l’oiseau rare.