Gouvernement : Ce qui se profile derrière la nouvelle architecture
Trente neuf ministres ! Voici donc le chiffre des membres du nouveau gouvernement nommés hier mercredi par Sa Majesté le Roi ! Voici surtout la fin d’un long suspense qui tenait jusque là le pays en haleine pendant 6 mois !
L’une des premières remarques que l’on est tenté de faire est que jamais le Maroc – dans son histoire contemporaine- n’a connu et vécu une si longue période de crise politique et institutionnelle ! Un aussi grand vide avant d’avoir son gouvernement ! Il aura fallu en fin de compte l’intervention ultime du Roi, pour que les choses s’activent et s’inscrivent dans une norme raisonnable !
Pour nous, il s’agira d’une leçon à retenir pour l’avenir tout aussi importante que le nouveau redéploiement gouvernemental qui va s’opérer des aujourd’hui !
La deuxième remarque est qu’il s’agit ici d’une large coalition représentative des 6 formations qui avaient été officiellement présentées il y a une dizaines de jours !
Elle tient compte en effet du poids de chacune des forces et s’inscrit dans un souci d’équilibre et de continuité quasi organique de l’ancienne majorité ! Si quelque 20 noms quittent la scène, 19 restent encore.
C’est une reconduction, certes, avec néanmoins deux acteurs nouveaux : l’Union constitutionnelle et l’USFP, qui font leur entrée par la grande alors qu’elles avaient constitué la pomme de discorde et donné lieu à un bras de fer avec Benkirane ! Pour autant on relève que le secrétaire général de l’UC, Mohamed Sajid est devenu ministre du tourisme, du transport aérien, de l’Artisanat et de l’économie sociale., mais que Driss Lachgar, pourtant lui aussi leader de parti n’accède pas à un poste ministériel !
Sur ce point, les membres du PJD récalcitrants auront gagné, eux qui se sont fermement opposés à l’entrée de Lachgar, lequel contre mauvaise fortune a fait bon cœur ! Deux autres leaders de partis, en l’occurrence Aziz Akhannouch et Mohamed Nabil Benabdallah, le Premier du RNI et le deuxième du PPS, conservent pratiquement les mêmes départements et se voient même flanquer des secrétaires d’Etat, autre innovation de ce grand Ministère !
A priori, il s’agit d’un gouvernement équilibré, arraché in extremis, un gouvernement de compromis aussi car il a tenu compte des revendications et surtout d’une juste répartition de compétences ! L’on comprend par ailleurs qu’avant de la constituer, Saad Eddine El Othmani ait été et continue d’être malmené au sein de son parti, qu’il ait aussi fait l’objet de fortes contestations au point que ses détracteurs – des Apparatchiks invétérés – , alliés frustrés de Bankirane, en viennent à exiger une cession extraordinaire du Conseil national immédiate pour dénoncer ce qu’ils appellent « les reniements du chef de gouvernement »
Dans ce nouveau gouvernement, et contrairement à ce que l’on annonce ici et là, la femme tient une juste place, car nous voyons en arriver 9 sur 39 postes, ce qui n’est pas la moindre avancée car elles représentent presque le tiers du total de la liste! Quand bien même il n’y aurait qu’une seule femme gardée en tant que ministre , je veux dire Bassima Hakkaoui, et que toutes les autres ne sont que secrétaires d’Etat, leur représentativité donne la mesure d’une timide approche du genre !
Là aussi le souci de compétence prime sur le souci d’appartenance – notamment idéologique. Beaucoup d’entre elles accèdent à la responsabilité politique et gouvernementale sous le signe de la compétence !
Le nouveau gouvernement, on l’aura vite remarqué , compte quelques profils remarquables de technocrates et l’on peut dire en effet que c’est la tendance, le ministre de l’Intérieur et son ministre délégué sont deux ingénieurs pour ne pas déroger à la tradition instaurée depuis Mohammed Hassad qui passe, pédagogie oblige, à l’Education nationale, serpent de mer comme on dit ou tout simplement gros morceau sur lequel se sont heurtés bien des gens avant lui !
Que le département de la Justice, autre lourde institution, passe au RNI et échappe au PJD, signifie le souci de l’extraire du joug idéologique et disons l’islamiste ! Son nouveau titulaire, Mohamed Aujjar, est un homme de compétences formé dans le sérail national et international puisqu’il représentait jusqu’ici le Royaume du Maroc aux Nations unies à Genève, et qu’il avait été auparavant ministre des droits de l’Homme ! C’est un homme sage d’expérience. Il conduira donc la réforme de la Justice, grand chantier lancé en juin 2012 par le Roi, resté inachevé.
Son prédécesseur, Mustapha Ramid , accusé sur les réseaux sociaux d’avoir succombé à la Charia plus qu’au droit reprend, quant à lui, un grand titre : ministre d’Etat aux droits de l’Homme.
Vingt ministres, 6 ministres délégués et 13 secrétaires d’Etat, la configuration obéit au principe d’une géométrie variable de pôles de compétences. Chacun y trouvera son compte, l’articulation étant celle de trois paramètres : l’équilibre, partisan bien entendu, la compétence technocratique, et la place renforcée de la femme. On peut se hasarder à rajouter une dimension régionale, amazigh, car aussi bien le Rif, que le Sud et le Centre du Royaume sont bel et bien représentés.