Hommage aux troupes marocaines de la 1ère guerre mondiale organisé par l’Association Mémoire France-Maroc

Propos recueillis par Hassan Alaoui 

Elle a crée et dirige « l’Association Mémoire France-Maroc » qui est devenue une institution d’autant plus active qu’elle est incontournable dans cet exercice difficile de mémoire. Nouria Zendafou Rezeg organise des « randonnées » mémorielles pour éclairer et informer, transmettre aussi l’héritage des soldats marocains ayant pris part à la Première grande guerre mondiale de 1914-1918 où 1200 tirailleurs marocains périrent, notamment à la bataille de la Marne. Il convient de noter que cette brigade de tirailleurs du Maroc était dirigée par Charles Péguy, grand écrivain français tombé comme eux. Mme Zendafou Rezegrevient sur cette épopée glorieuse. Elle préside depuis ce vendredi une manifestation qui associe dans une même communion Français et Marocains.

 

Ces 2 et 3 septembre au Musée de la grande guerre de la ville de Meaux, l’Association « Mémoire France Maroc » que vous présidez rend hommage aux tirailleurs marocains de la 1ère guerre mondiale . Un mot sur l’importance de cet événement et sur votre itinéraire …


Ces
2 et le 3 septembre se tient le Week-end de reconstitution historique 14-18 au Musée de la Grande Guerre à Meaux qui est le plus grand Musée d’Europe dédié à la Première Guerre Mondiale.

Plus de 300 « reconstituteurs » de toutes nationalités seront installés sur le parc du musée. La programmation comprend des défilés, des reconstitutions, des présentations d’associations dont la nôtre, l’Association Mémoire France Maroc. Ainsi nous tiendrons un stand et nous serons accompagnés de reconstituteurs de tirailleurs marocains pour transmettre leur parcours et leur rôle héroïque et historique de cette troupe (qui est aussi la première troupe étrangère à intervenir en Europe), durant la première Bataille de la Marne du 5 septembre 1914.

Notre objectif est de présenter nos activités mémorielles, culturelles afin de transmettre avec pédagogie et valoriser l’engagement des troupes marocaines auprès de l’armée française et de ses alliés durant les grandes guerres mondiales.

Onze tirailleurs marocains dans la Grande Tombe de Villeroy

Cette exposition est le fruit d’un travail mémoriel qui remonte à 2010, date à laquelle j’ai été invitée par la Ville de Chauconin Neufmontiers à travailler sur un projet de parcours de randonnée mémoriel, « Sur les Pas de la Brigade marocaine » dans les champs où se sont déroulés les combats de nos valeureux soldats face à l’armée Allemande. En 2011, une fois ce chemin de randonnée réalisé et inauguré, j’ai constaté deux ans plus tard qu’il était très peu pratiqué et pas du tout connu par le grand public. Aussi, j’ai pris l’initiative d’organiser des randonnées pour le faire découvrir avec mes proches et des amis. Au fur et à mesure du temps qui s’écoulait, du fait que je médiatisais ces sorties dans les réseaux sociaux, certaines associations et des particuliers m’ont sollicitée pour leur faire visiter ces lieux de mémoire. Si bien que je me suis retrouvée à organiser des randonnées mémorielles sur le chemin et les combiner avec la visite de lieux de mémoires telles que la Grande Tombe de Villeroy où sont enterrés 11 tirailleurs marocains inconnus ou bien des musées locaux tels que le Musée 14-18 de Villeroy ou encore le Musée de la Grande Guerre de Meaux. L’objectif étant de combiner différents apports pédagogiques afin de mieux comprendre ce que nos hommes ont vécu.

Toujours dans le souci de rendre hommage à nos tirailleurs et de rappeler leurs faits d’armes, en 2017 nous avons fait réaliser une stèle qui fut inaugurée en septembre 2017 par l’Ambassadeur du Royaume du Maroc en France, Chakib Benmoussa et Jean François Copé, Ministre de l’Économie et Maire de Meaux. Ce fut l’occasion de rappeler le rôle important qu’a joué la Brigade Marocaine et son impact sur ce qu’on a appelé « Le Miracle de la Marne ».

Depuis, j’organise autant que je peux des randonnées qui sont à la fois des moments mémoriels, culturels, sociétaux et sportifs. J’insiste à chaque fois à ce que les familles y participent avec leurs enfants, car je trouve nécessaire de faire ce travail auprès de ces derniers quelles que soient leurs origines. En ces temps où l’on constate des actes racistes et discriminatoires, il est pertinent de rappeler au niveau de ma petite échelle que nos ainés français, marocains, sénégalais ou autres, ont combattu ensemble, côte à côte  pour lutter justement contre la haine de l’autre et préserver sa liberté et développer la fraternité.

Les tirailleurs marocains ont participé à toutes les grandes batailles de la Marne où périt Charles Péguy qui dirigeait une section bataille de l Ourcq , bataille d Artois. Bataille de Verdun … Quelle place accorde-t-on a ces faits d armes en France et au Maroc et quel est le sens de votre combat pour le rappel de ces faits qui ont coûté la vie à des milliers de tirailleurs marocains. ?

Le 5 septembre 1914 à 17h, lors de la Bataille de l’Ourcq, le régiment du 276ème régiment qui était dirigé par le Lieutenant Charles Péguy  s’engagea dans les champs afin de protéger la retraite des tirailleurs marocains. Le lieutenant qui était à la tête de sa troupe fut tué sur place. De ce jour, les livres d’histoire ne parlent essentiellement que de cette partie de la journée ainsi que de l’engagement des troupes anglaises sur d’autres lieux de bataille. Il est très rare de trouver des écrits sur ce qu’ont vécu ce jour-là nos tirailleurs marocains.

1200 tirailleurs marocains tués

En fait, un peu plus tôt à 14h30, les tirailleurs marocains avaient reçu l’ordre de traverser le champs, équipés à peine d’un fusil à baïonnette, pour affronter les Allemands qui étaient basés face à eux, bien camouflés dans les bois et qui par contre, eux, étaient équipés d’artilleries lourdes. Ainsi durant plus de 2 heures de tirs d’armes, sur nos 4300 tirailleurs Marocains, ce sont près de 1200 hommes qui seront tués sur place sans compter les blessés. Cela n’a pas freiné nos tirailleurs qui pour certains sont arrivés jusqu’au niveau des bois et ont combattu au corps à corps avec les soldats allemands.

Cette bataille a été décisive dans la mesure où les Allemands ne s’attendaient pas à une telle résistance, au point de décider un peu plus tard dans la nuit, de reculer face au troupes françaises qui ont pu avoir le temps de se mobiliser à leur tour pour venir contre attaquer. Durant les jours qui ont suivi, les tirailleurs marocains ont continué à combattre sans relâche et avec courage. Au bout de 4 jours sur les 4300 hommes venus fraichement du Maroc seuls 800 hommes ont survécu à cette première Bataille de la Marne.

Les tirailleurs marocains ont participé à toutes les grandes batailles de la Première guerre mondiale, les livres d’histoire et les livres scolaires consacrent très peu de lignes pour ne pas dire de pages sur l’engagement des troupes marocaines, voire des troupes coloniales en général.

Or, en France, dans notre société multiculturelle, il est important de montrer à nos nouvelles générations quelle fut la précieuse contribution de leurs ainés pour libérer la France afin de faciliter leur identification à la société où ils vivent. En réalisant mes randonnées, à l’issue des nombreuses questions qu’expriment les jeunes et les moins jeunes, je constate à chaque fois l’expression d’abord d’étonnement d’apprendre que le Maroc et la France « étaient déjà en 1914 » (pour reprendre la formulation que j’entends souvent de la part des jeunes participants surtout) , unis de sentiments de fierté, d’apaisement notamment lorsqu’ils apprennent que les soldats morts étaient enterrés dans la mesure du possible selon le rite de leur pratique cultuelle, que le contenu de leurs repas aussi étaient respecté en fonction de leur pratique religieuse déjà à cette époque et qu’il y avait une véritable prise en compte de leur spécificité au niveau des autorités militaires.  

Tous ces éléments, ces retours impactent leur compréhension sur ce qu’ils sont, d’où ils viennent et facilite aussi l’acceptation de leur double culture.    

A Oujda vous lancez une série d’initiatives. Quelles sont-elles et comment sont-elles reçues par les jeunes et par la population?

J’ai choisi Oujda et plus largement la région de l’Oriental pour lancer une série d’initiatives. Il est vrai que ces 4300 hommes venaient de toutes les régions du Maroc mais il est à souligner que la moitié de cette Brigade a quitté le Maroc à la mi-aout 1914 en prenant le train d’Oujda (première gare du Maroc) pour se diriger vers Oran avant de quitter l’Afrique en bateau et rejoindre la France.

C’est ainsi qu’en partenariat avec le Centre de Formation des apprentis d’Ocquerre (77) nous avons réalisé des stèles avec comme objectif de les installer dans les secteurs des gares d’Oujda et de Taourirt.

Le 4 novembre 2023, toujours dans la logique de travail et de transmission de mémoire, nous organisons avec l’Université Mohammed 1er à Oujda, un Colloque portant sur l’engagement des troupes marocaines durant les 2 Grandes guerres mondiales et sur la Résistance durant le Protectorat.

Le 6 novembre 2023, à Saïdia, dans le cadre de l’anniversaire de la Marche Verte, en plus de la Marche écologique, un projet de La Marche des Tirailleurs se dessine. Ce sera un événement où nous pourrons aborder le travail de mémoire à travers des actions culturelles, sportives et touristiques.

Il y a bien entendu toujours mon projet en cours d’écriture d’un ouvrage sur le parcours de ces tirailleurs marocains, de leurs faits d’armes, de la diffusion des noms de ceux qui ont été identifiés, ainsi que des noms de leurs villes, tribus et douars dont étaient issus ces héros.

Et enfin, un documentaire est en cours de réalisation par Didier Pazery sur les actions de mon Association Mémoire France Maroc menées ici en France ou bien lors de mes déplacements au Maroc pour aller à la rencontre des institutions et des acteurs associatifs à qui je souhaite passer le message sur la nécessité de travailler et de cultiver cette mémoire sur les deux rives auprès des jeunes générations. Ces projets sont très bien accueillis de part et d’autre notamment au niveau de l’Institut Royal de Recherche sur l’Histoire du Maroc et du CCME.

Nous espérons à ce titre qu’une chaine de télévision accueillera favorablement ce documentaire de 52 minutes aussi bien en France qu’au Maroc.

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