Horizon des législatives: La politique entre inertie et opportunisme électoral
A quelque cinq mois des élections législatives, prévues le 7 octobre prochain, l’échiquier politique national semble d’autant plus assoupi qu’il ne réalise pas la dimension nouvelle du prochain scrutin. Les partis politiques qui l’animent – et Dieu sait qu’ils pullulent comme dans une cruche – ne s’agitent pas pour autant. Ils sont aujourd’hui pas moins de 35 formations depuis que Ali El Yazghi, fils de « son père » a fait dissidence à l’USFP, provoquant l’ire de Driss Lachgar, lui raflant au passage quelques membres et démantibulant ainsi tout projet de reconstruction de la formation fondée autrefois par Mehdi Ben Barka, dirigée par Abderrahim Bouabid et El Youssoufi. Trente-cinq partis, c’est au bas mot une galaxie d’étoiles qui cohabitent dans un ciel plutôt obscur ! La cohabitation n’exclut pas la confrontation, certes, mais celle-ci reste marquée au sceau des petites phrases assassines, des vilénies ou des discours vilipendeurs. Ce n’est pas forcément un mauvais paradigme que d’avoir une scène politique avec 35 acteurs à destin inégal. Le système politique marocain a connu une évolution fulgurante en moins de vingt ans, il a poussé à sa propre fragmentation au nom du principe de diversité qui n’a pas été assimilé comme il eut convenu de l’être. Les ambitions libérées au nom de la démocratie, tous ou presque expriment leur désir – fantasmatique parfois – de s’approprier la politique dont ils étaient longtemps frustrés, de libérer la parole qui leur a été expropriée, enfin de signifier – et ce n’est pas le moindre trait – leur présence ! Le citoyen moyen, qui est au Maroc d’aujourd’hui ce que le reflet grossi est au miroir social, ignore sans doute souvent qu’il existe 35 formations disséminées et excentriques dans leurs tendances, leurs couleurs, leur ton, les programmes et les objectifs qu’elles s’assignent…Or, en dépit de ces variations, elles tendent toutes à une seule finalité : accéder au pouvoir, se hisser sur le podium des gagnants. Le Roi Hassan II exprimait son souhait de voir l’échiquier politique marocain occupé par trois à quatre grandes formations tout au plus, favorisant ainsi les conditions d’une alternance régulière – un tournewer – comme il en existe dans les pays démocratiques, qui ferait relayer à chaque élection des majorités différentes et tournantes. Son vœu n’a pas et, de toute évidence, ne sera jamais exaucé.
Un devoir d’inventaire
Autant que le gouvernement, l’opposition institutionnelle se cherche ! Il lui faut fédérer ses forces pour constituer un bloc à la cohérence et la solidité de marbre et être une force de proposition…Nous n’y sommes pas encore, mais plutôt dans un vase clos caractérisé par une certaine inertie ! A quoi ressemble de nos jours la politique au Maroc ? Sans doute l’interrogation paraîtrait-elle d’emblée saugrenue. Toutefois, elle taraude bien des esprits et, pour peu que l’on y regarde de plus près, elle nous interpelle. Il y a bientôt un an, presque jour pour jour, que le Maroc entrait de plain-pied dans une campagne électorale dont la caractéristique essentielle à l’époque est qu’elle allait changer son visage et, partant, finir par donner la victoire au PJD. Tous ceux et celles qui redoutaient ou souhaitaient « mezzo voce » son triomphe, et quelle que soit leur position, en ont eu, chacun à sa manière, pour leur grade. Voilà donc cinq ans que la coalition gouvernementale, à dominante islamique, a pris la relève à la tête du pays. Hétéroclite de par sa composition – car elle regroupe côte à côte les islamistes, la droite traditionnelle en mal de reconversion et une partie de la gauche – elle reste solidaire par principe. Or, de l’unité organique, elle n’a que l’apparence, tant il est vrai que le vent de la discordance la menace à tout moment. Et ce n’est pas un pur hasard si une rupture a conduit au changement de majorité en 2013 avec le départ du parti de l’Istiqlal et l’arrivée à sa place du RNI. Un désordre au sein de la majorité a supplanté une unité opaque sous Abbès El Fassi. A telle enseigne, et ce n’est pas nouveau, que le chef du gouvernement est enclin de rappeler réguliè- rement les uns et les autres à l’ordre et à réaffirmer à tout bout de champ la sacro sainte règle de la « discipline gouvernementale ». Après s’être accommodée des tirs croisés qui, tout au long de ces cinq ans passés, ont fait le miel d’une aguichante actualité concernant les lutte anti-corruption, les agréments, les carrières de sable, les primes de fin d’année, des divers procès en sorcellerie et de la vindicte populiste, la classe politique semble se prêter à présent à un réalisme de bon aloi. Parti sur le feu de l’action, le PJD a bien entendu revendiqué le « droit d’inventaire » des majorités gouvernementales qui l’ont précédé. Il en a même fait un mode d’emploi, jouant tour à tour l’imprécation et l’effet de manche. Il aura, en tout cas, réussi à alimenter les manchettes de certains organes de presse et les nombreux sites de journaux électroniques. Cela dit, rien non plus ne peut l’exonérer au « devoir d’inventaire » que l’opposition ou l’opinion pourraient lui réclamer aujourd’hui. Le Maroc , dont l’histoire trempe dans la durée des énergies, des éternels défis et d’une longue quête unitaire, ne change pas pour si peu. Tant s’en faut. Pourtant, excepté l’irréductible attachement à la Monarchie et le dogme de l’intégrité territoriale, l’unanimité n’a jamais constitué sa règle essentielle, mais plutôt l’exception ! On n’a cessé tout au long des longs mois qui ont pré- cédé les élections de septembre 2007, remportées par le parti de l’Istiqlal et celles de novembre 2012, par le PJD, de nous rebattre les oreilles sur le salutaire changement d’équipe, de gestion voire d’hommes, porteurs de renouveau et ré- formateurs ! Si tant est que l’on puisse faire preuve d’optimisme béat, non seulement le progrès a été très lent et n’est pas encore au rendez-vous, mais les engagements pris publiquement pendant la campagne électorale semblent être renvoyés aux calendes grecques. Demain sera meilleur…On rasera gratuit! Pour l’instant, contentons-nous des proses et monologues éblouissants. Il reste que le gouvernement ne porte pas seul la totale responsabilité de ce glissement vers l’autosatisfaction triomphaliste, pire que le contentement…Une certaine opposition – faite de grands partis comme le Pam, l’Istiqlal, l’Usfp, l’UC et une multitude d’autres petites formations – ne semble guère en état d’assumer son rôle. Là aussi, la béance.
Autant que le gouvernement, l’opposition institutionnelle se cherche ! Il lui faut fédérer ses forces pour constituer un bloc à la cohérence et la solidité de marbre et être une force de proposition… Nous n’y sommes pas encore, mais plutôt dans un vase clos caractérisé par une certaine inertie !
meuble les comportements et plombe les initiatives. Quant aux petites formations, y compris celles qui par chance se prévalent de justifier le fameux seuil des 6% au parlement et peut-être demain ce seuil fatidique des 10% réclamé à corps et à cris par les mastodontes, autant leur nombre et leur multitude faussent irrémédiablement le jeu des cohérences politiques, autant ils sont réduits à une peau de chagrin. Beaucoup d’entre eux croient jouer la « force du centre » capable de dé- terminer les alliances comme dans un puzzle ou un point de milieu et de gravité. Mais c’est un jeu à somme nulle. Ils sont le « centre ontologique », parce que devenus tout simplement petites sommes d’appoint. Parce que le PJD a arraché 27,8% des suffrages le 25 novembre 2011, ses supporters, outre crier victoire sur un ton de revanche, ont cru aussi par la même occasion et non sans une certaine arrogance, sonner un peu trop vite le glas de tout ce qui s’apparentait à l’ancien régime politique ! Or, le parti de la lampe doit à présent rendre compte de ses promesses faussées voire non tenues : la corruption est toujours rampante, le dialogue avec les syndicats est bloqué, la réforme des retraites est devenue un « serpent de mer », les réformes annoncées ne sont pas toutes réalisées, la justice est toujours injuste, l’autorité de l’Etat saccagée par des mouvements de contestation apparentés a « Nuit debout » devant le parlement… En septembre 2007, avec un taux d’abstention aggravé et choquant, le parti de l’Istiqlal avait obtenu 10,7% des voix, deux points en moins que le PJD…Il a pourtant été choisi pour former le gouvernement. L’un et l’autre des deux partis, chouchoutés à tour de rôle par les électeurs en cinq ans d’intervalle, ne se sont pas fait faute de claironner leur volonté de « recomposer le paysage politique et de partir à l’assaut de la corruption » ! L’Istiqlal a déchanté au bout de cinq ans, après avoir plongé et épuisé le pays dans l’immobilisme qu’incarnait un Premier ministre, ci-devant secrétaire général au mol consensus. Le PJD en est encore à l’amer désenchantement annoncé, avant de passer au cycle du purgatoire, sur fond d’une colère amplifiée par des revendications sociales exacerbées et des grèves qui inclinent le gouvernement à réagir, qui font aussi le lit de la politique des promesses et des belles intentions. Son arrivée au pouvoir en janvier 2012 n’a-telle pas laissé d’abord croire à une contre tendance ?
Cette configuration à trois forces nous donne l’avant-goût du plausible et presque certain du paysage politique qui se dessine après le 7 octobre, avec cette particularité du «déjà vu » ! Ce n’est pas faute de ne pas pouvoir modifier ce paysage, mais pour l’heure il n’existe aucune alternative, les formations de l’opposition sont anesthésiées pour envisager un front commun…
A quelques mois du scrutin législatif du 7 octobre, force nous est de constater que le paysage politique est quasiment le même que celui qui a précédé celui du 25 novembre 2011…Un jeu d’alliances préjuge d’ores et déjà à une veillée d’armes, elle pousse les formations à s’assurer leur place sur l’échiquier après les élections du 7 octobre et donc à manœuvrer dans une logique de regroupements et de coalitions. Le PPS a été le premier à ouvrir le bal, en annonçant une alliance avec son allié gouvernemental le PJD, suivi comme on pouvait l’imaginer du Mouvement populaire. Cette configuration à trois forces nous donne l’avant-goût du plausible et presque certain du paysage politique qui se dessine après le 7 octobre, avec cette particularité du « déjà vu » ! Ce n’est pas faute de ne pas pouvoir modifier ce paysage, mais pour l’heure il n’existe aucune alternative, les formations de l’opposition sont anesthésiées pour envisager un front commun….