Immigration : Le Maroc a joué la carte de la transparence …pourtant…

Nabila Alaoui (*)

Les migrations constituent aujourd’hui, partout dans le monde, un sujet de préoccupations majeures. C’est la cause de débats houleux  et de polémiques. Elles pèsent de plus en plus dans les agendas nationaux et internationaux, tant au niveau des pouvoirs publics que des sociétés civiles.

Ces vingt dernières années, du fait d’une importante migration maghrébine et subsaharienne, le partage des frontières entre  l’Union Européenne (UE)  et le Maroc a changé la donne. Sa stabilité politique et économique, ses liens historiques et humains ainsi que sa position géographique font du Royaume chérifien  un partenaire privilégié de l’UE. Un accord d’association UE-Maroc, mis en place depuis les années 2000, a concrétisé ce partenariat renforcé par l’octroi du « Statut avancé » en octobre 2008 au Maroc qui a ainsi pu bénéficier de soutiens financiers afin de mettre en œuvre des programmes de développement, soutenir des réformes et gérer les frontières communes.

Le Maroc,  pays d’émigration et de transit, est devenu, par la force des choses, un partenaire prioritaire de l’UE qui s’est concrétisé par l’adoption de la Politique Européenne de Voisinage  et la signature en 2013 d’une déclaration conjointe dite Partenariat pour la mobilité. En effet, face aux pressions extérieures toujours plus fortes des pays européens sur les pays du Sud à propos des questions migratoires,  le contrôle des frontières et des flux migratoires de l’Afrique vers l’Europe devient un enjeu crucial pour l’UE, le Maroc devenant de ce fait  une pièce maitresse d’un jeu d’échec mondial où la migration massive est perçue comme une agression par les européens.

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La forteresse Europe a ainsi « délégué » une de  ses prérogatives premières, à savoir le contrôle de ses propres frontières, donnant ainsi, par le biais de programmes d’appuis budgétaires, ce rôle au Maroc qui couvre la question des frontières terrestre, maritime et aérienne .

Toutefois, le Maroc ne peut être considéré comme un simple exécutant des politiques européennes en matière de migration. Il est un allié de poids du fait de son statut. Il est engagé activement dans la discussion des questions migratoires. Il a co-présidé avec l’Allemagne pour la période  2017- 2018 le Forum Mondial pour la Migration et le Développement et ce, dans le cadre de l ́élaboration du Pacte Mondial pour la Migration. Il est un acteur solide et incontournable de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA). Lors du 30ème Sommet de l ́Union Africaine en 2018 à Addis Abeba, le Maroc a présenté un « Agenda Africain pour la Migration », point d’orgue d’une réflexion pour une migration positive basée sur la sécurité, le respect des lois nationales et internationales dûment ratifiées et des droits humains.

Le Maroc est un allié stable au Maghreb et offre une porte vers les pays sahariens. L’UE a pris conscience du rôle et des intérêts stratégiques à collaborer avec le Royaume. Elle  a besoin du Maroc pour contenir l’arrivée de migrants sur les côtes espagnoles et donc européennes.

La crise actuelle entre le Maroc et l’Espagne, prenant pour prétexte un flux massif temporaire de migrants illégaux dans l’enclave de Sebta, n’est que la pierre d’achoppement de crises politiques régulières liées à des contentieux anciens et non résolus entre ces deux voisins où les différends prennent parfois la place de l’alliance au détriment des intérêts de l’Union européenne d’ailleurs. La crise migratoire s’est transformée, par la seule volonté de l’Espagne, en crise politique et diplomatique globale. Elle s’est élargie à l’Union européenne avec la menace d’une rupture que le Royaume du Maroc ne pourrait ni ne devrait à lui seule assumer. A terme, ce sera un possible déplacement vers la revendication par le Maroc de ses Presides, Sebta et Mellilia et autres petites îles marocaines.

(*) Docteur en droit public

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