Inclusion des personnes handicapées : Qu’attendre de la Loi de finance 2025
Par Chaïmaa Hejam
Le Maroc compte près de 2,26 millions de personnes en situation de handicap, confrontées à de grandes difficultés d’accès à l’éducation, à l’emploi et aux soins santé. Malgré quelques avancées ainsi que la baisse du taux de prévalence du handicap de 5,1% à 4,8% entre 2014 et 2024 selon le dernier recensement du Haut Commissariat au Plan de décembre 2024, la loi de finances 2025 ne semble toujours pas suffire à répondre aux besoins spécifiques de cette population vulnérable et à garantir leur véritable inclusion.
Les statistiques concernant les personnes handicapées au Maroc révèlent une situation alarmante. Selon une enquête réalisée par le Secrétariat chargé de la Famille, de l’Enfance et des Personnes Handicapées, environ 74,9 % des personnes handicapées âgées de 15 ans ou plus déclarent ne pas pouvoir exercer une activité professionnelle. Ce chiffre témoigne de l’absence de politiques adaptées pour leur insertion sur le marché du travail. De plus, seulement 29,4 % des personnes handicapées sont capables de lire, écrire et compter, une situation bien en deçà de la moyenne nationale. Ces lacunes en matière d’éducation limitent leurs perspectives d’avenir et perpétuent un cycle d’exclusion.
Le coût de cette exclusion n’est pas seulement humain. Sur le plan économique, ne pas investir dans l’inclusion des personnes handicapées prive le Maroc de talents précieux et freine son développement. À titre de comparaison, le Danemark investit massivement dans des politiques inclusives, permettant à 80 % des personnes atteintes de trisomie 21 de suivre un cursus éducatif de qualité pendant au moins dix ans, tandis qu’au Maroc, seulement 32,4 % des enfants handicapés bénéficient d’une scolarisation, selon le Conseil économique, social et environnemental.
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« Nous ne demandons pas l’aumône. Nous voulons juste que nos enfants aient une chance de vivre dignement et de contribuer à la société, » témoigne Rachida, mère d’une jeune adulte atteinte de trisomie 21. « Si au moins 1 % du budget de l’éducation était alloué à des infrastructures inclusives et un fonds national pour la mobilité, ma fille pourrait suivre ses études sans obstacle. Avec des quotas d’emploi obligatoires, elle aurait une vraie chance de travailler. Nous voulons des actions concrètes, pas de la pitié ». Ce témoignage illustre le quotidien de milliers de familles marocaines. L’Association ANAIS, qui accompagne des jeunes adultes trisomiques, souligne que l’augmentation des prix des carburants a entraîné une hausse de l’absentéisme, compromettant leurs chances d’insertion professionnelle et sociale.
Bien que la loi de finances 2025 inclut certaines dispositions pour renforcer l’inclusion des personnes en situation de handicap, telles que la création de 500 postes budgétaires répartis entre les départements ministériels, dont 200 sont réservés à cette population, ces mesures restent largement insuffisantes face aux enjeux réels. Ces efforts, bien que louables, ne répondent pas à l’ampleur des défis, notamment en matière d’accès à l’éducation et à l’emploi.
Les allocations budgétaires actuelles ne permettent pas de mettre en place des solutions durables et concrètes pour améliorer l’accès à l’éducation ou à l’emploi des personnes handicapées, notamment celles atteintes de trisomie 21. Si des efforts ont été faits pour accroître la visibilité des problématiques liées au handicap, les mesures financières allouées ne couvrent pas les besoins urgents en matière de structures éducatives adaptées, d’accessibilité des services et de formation professionnelle pour cette population.
Le manque d’investissements dans des infrastructures spécialisées, telles que les écoles et les centres de rééducation, ainsi que dans les dispositifs d’accompagnement à l’emploi, demeure une lacune majeure. Le Maroc reste loin d’offrir un environnement aussi inclusif et soutenant que ceux des pays européens, où des politiques publiques ambitieuses ont été mises en place pour faciliter l’intégration des personnes handicapées.