Inclusion financière au Maroc : un progrès lent et une disparité qui persiste
Les efforts fournis au Maroc pour renforcer l’inclusion financière ont certes permis d’améliorer la capacité financière des citoyens ; néanmoins, le pays a toujours du chemin à parcourir afin d’atteindre les objectifs fixés, d’autant plus qu’entre hommes et femmes et zones urbaines et rurales un grand écart persiste.
Depuis 2007, les autorités marocaines ont pris l’initiative de coordonner et de mobiliser les acteurs de l’écosystème financier pour faire face aux obstacles à l’inclusion financière et offrir aux différents segments de la population une large gamme de produits et services financiers adaptés à leurs besoins. Les efforts fournis à ce jour ont permis non pas seulement d’améliorer la capacité financière des Marocains, mais aussi d’améliorer le classement du Royaume à l’échelle mondiale.
En effet, le Maroc a enregistré une amélioration de 16 points de pourcentage depuis 2017, ressort-il de l’enquête Findex de la Banque Mondiale. Nonobstant, et malgré cette évolution, le Royaume demeure au-dessous de la moyenne dans la région du Moyen-Orient et du Nord d’Afrique. En moyenne, 48% des adultes avaient, en 2021, un compte dans une institution financière ou via un fournisseur de services d’argent mobile, contre 71 % des adultes dans les économies en développement. Au Maroc, ce taux est situé à 44% seulement en 2021 43 % en 2017.
De plus, 12 % des adultes de la région MENA, soit un tiers des épargnants, déposent leurs épargnes dans un compte bancaire, alors que 22 % des adultes dans la région n’utilisent un compte bancaire que pour stocker de l’argent et gérer leurs dépenses. Au Maroc, 14% des adultes stockent de l’argent pour la gestion de leurs finances à travers leur compte, contre 8 % qui épargnent sur un compte.
Ecart entre les sexes, frein de l’inclusion financière
En matière d’inclusion financière aussi, l’écart entre les sexes persiste au Maroc. Selon le rapport Findex, le pays a enregistré un progrès moins important que d’autres pays de la région. En Égypte par exemple, l’écart entre les sexes a diminué à 6 points de pourcentage en 2021 contre 12 points de pourcentage en 2017. Le Maroc, quant à lui, est passé durant la même période de 25 points de pourcentage à 23 points de pourcentage. Au niveau de la région MENA, où 54 % des hommes contre 42 % des femmes disposent d’un compte bancaire, l’écart entre les sexes est estimé à 13 points de pourcentage, soit le double de la moyenne des pays en développement.
Cette disparité entre les hommes et les femmes est aussi retrouvée au niveau des ressources financières. Selon l’enquête Findex, si 56% des adultes estiment qu’ils pourraient trouver sûrement de l’argent supplémentaire en cas d’urgence, les femmes sont 9 points de pourcentage moins susceptibles que les hommes de pouvoir obtenir des ressources additionnelles en cas d’urgence. Au Maroc, cet écart est de 15 points de pourcentage.
Par ailleurs, dans la région MENA, les femmes sont 13 % moins susceptibles que les hommes d’utiliser les paiements numériques, et sont cinq points de pourcentage moins susceptibles que les hommes à utiliser les paiements numériques. Ainsi, l’écart entre les sexes dans la région a diminué de 17 points de pourcentage en 2017, selon l’enquête de la Banque Mondiale.
Quid de la digitalisation ?
« La numérisation des paiements pourrait stimuler l’inclusion financière » au Moyen-Orient et au Nord d’Afrique, note le rapport de la Banque Mondiale, soulignant que la pandémie de Covid-19 a stimulé l’inclusion financière, entraînant une forte augmentation des paiements numériques dans le cadre de l’expansion mondiale des services financiers formels à travers le monde. Selon les données de Findex, les deux tiers des adultes dans le monde effectuent ou reçoivent désormais un paiement numérique, la part dans les économies en développement étant passée de 35 % en 2014 à 57 % en 2021.
Cependant, les pays du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique accusent un retard par rapport à d’autres pays en développement. Seuls 6% des adultes dans la région utilisent leur compte pour effectuer des paiements en magasin ou en ligne via une carte bancaire, téléphone ou Internet, 12 % des adultes effectuent des payements des services publics dans la région en utilisant leur compte. Ce retard au niveau des payements bancaires et en ligne pourrait s’expliquer par le grand nombre des personnes ne disposant pas de compte bancaire dans la région.
Environ 10 millions d’adultes non bancarisés dans la région reçoivent des paiements agricoles en espèces et environ 20 millions reçoivent des salaires du secteur privé en espèces, indique le rapport évoquant « une opportunité d’élargir l’accès financier en numérisant les paiements en espèces ». Par ailleurs, seulement 22 % des adultes dans la région ont reçu de l’argent de la part du gouvernement sur un compte bancaire. En outre, plus de 5 millions des adultes non bancarisés ne reçoivent que des paiements en espèces du gouvernement.
Développée par la Banque Mondiale, l’enquête Findex a été conduite en 2011, 2013 et 2017 dans 144 pays afin de dresser l’état des lieux de l’inclusion financière et mettre à la disposition des décideurs politiques des indicateurs comparables sur la pénétration des produits financiers par segment de la population (hommes – femmes, jeunes – adultes, urbains – ruraux). Au Maroc, la première enquête Findex a été conduite en 2017 et a montré que 29% des adultes dispose d’un compte formel.
Il convient de souligner à cet égard que, dans leur note de synthèse sur la stratégie nationale d’inclusion financière publiée en septembre 2018, Bank Al-Maghrib et le ministère de l’Economie et des Finances avaient indiqué que « ce chiffre bas est en partie justifiée par la structure de l’échantillon retenu qui ne reflète pas la répartition de la population marocaine en termes de revenus et surreprésente les segments les plus modestes. Le chiffre redressé serait de l’ordre de 34% ».
Quoi qu’il en soit, au Maroc, comme peut-on le lire dans le mot du Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, au préambule du rapport sur la Stratégie nationale d’inclusion financière au titre de 2020, « la stratégie nationale d’inclusion financière s’est confirmée comme une composante de la réponse à la crise de la Covid-19 et s’érige aujourd’hui parmi les leviers de la politique de la relance en contribuant à renforcer la résilience économique des segments les plus vulnérables de la population et des entreprises ».