Jérusalem: largement condamné à l’ONU, Washington ne cache pas sa colère
(AFP) – Les Etats-Unis ont essuyé jeudi à l’Assemblée générale de l’ONU une large condamnation de leur reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, après avoir multiplié les menaces financières contre les pays opposés à leur position.
Sur les 193 pays membres des Nations unies, 128 ont voté en faveur d’une résolution condamnant la décision annoncée le 6 décembre par Donald Trump sur Jérusalem, à rebours de la position américaine traditionnelle et du consensus de la communauté internationale.
Neuf pays (Etats-Unis, Israël, Guatemala, Honduras, Togo, Micronésie, Nauru, Palaos et îles Marshall) ont voté contre ce texte qui répond à une initiative des Palestiniens.
Et, signe que les menaces et pressions de Washington semblent avoir pesé, 35 Etats se sont abstenus et 21 n’ont pas pris part au scrutin. Avant le vote, plusieurs ambassadeurs interrogés par l’AFP tablaient pour une adoption plus large, avec un score oscillant entre 165 et 190 votes pour.
« Les Etats-Unis se souviendront de cette journée qui les a vus cloués au pilori devant l’Assemblée générale pour le seul fait d’exercer notre droit de pays souverain », a déclaré l’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley avant le vote. « Nous nous en souviendrons quand on nous demandera encore une fois de verser la plus importante contribution » financière à l’ONU, a-t-elle lancé, menaçant à nouveau de « mieux dépenser » l’argent des Américains à l’avenir.
Donald Trump avait pris les devants mercredi. « Ils prennent des centaines de millions de dollars et même des milliards de dollars et, ensuite, ils votent contre nous« , avait tempêté le président américain. « Laissez-les voter contre nous, nous économiserons beaucoup, cela nous est égal. »
Ce vote « est une insulte que nous n’oublierons pas« , avait lancé, l’oeil noir, Nikki Haley à ses quatorze partenaires du Conseil, dont ses alliés européens, qui avaient unanimement approuvé la condamnation de la décision américaine.
Par avance, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait rejeté l’issue du vote, qualifiant les Nations unies de « maison des mensonges« . Il s’est dit satisfait du résultat peu après le scrutin.
« Aucune résolution de l’Assemblée générale ne nous chassera de Jérusalem« , a déclaré l’ambassadeur d’Israël Danny Danon au pupitre de l’ONU.
En réponse à la menace de Nikki Haley de « noter les noms » de ceux qui ont voté la résolution, le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad al-Malki a estimé que « l’Histoire note les noms » de « ceux qui défendent ce qui est juste » et de « ceux qui mentent« .
Le texte affirme que toute décision sur le statut de Jérusalem « n’a pas de force légale, est nulle et non avenue et doit être révoquée« . Il souligne que la question de Jérusalem doit faire partie d’un accord de paix final entre Israéliens et Palestiniens.
La victoire symbolique de jeudi « réaffirme que la juste cause des Palestiniens bénéficie du soutien du droit international« , a réagi le porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas, qui espère ainsi maximiser son poids lors d’une éventuelle reprise du processus de paix.
A l’approche du scrutin, Washington a multiplié menaces et pressions. Tweet, email, lettre… tout a été utilisé pour tenter d’empêcher un nouveau revers, mais ces avertissements ont sidéré nombre de diplomates onusiens.
« Ce n’est pas comme ça que ça marche, on vote sur des principes« , confie à l’AFP un ambassadeur asiatique. « On ne peut pas voter A pendant des années et voter soudainement B« , renchérit un homologue d’Amérique latine.
Résultat de ces pressions ? De nombreux pays se sont finalement abstenus, dont le Canada, le Mexique, l’Argentine mais aussi, signe de la difficulté de l’Union européenne à définir une position commune, la Pologne, la Hongrie ou la République tchèque.
Alliée des Etats-Unis, la Turquie fait en revanche partie des opposants les plus virulents à la position américaine. Son président, Recep Tayyip Erdogan, avait exhorté jeudi depuis Ankara la communauté internationale à ne pas se « vendre » pour « une poignée de dollars » face aux menaces de Donald Trump de couper des aides financières.