Des juristes dénoncent les dérives de la Cour de justice de l’UE à l’encontre de l’enjeu stratégique des relations avec le Maroc
Des juristes de renom ont dénoncé, jeudi, lors d’une rencontre au siège bruxellois du Parlement européen, les dérives de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui vont à l’encontre de l’enjeu stratégique des relations de l’UE avec le Maroc.
Réunis à l’initiative du député européen Gilles Pargneaux, président du groupe d’amitié Union européenne-Maroc, ces juristes émérites étaient invités à donner un éclairage sur deux affaires où tant la compétence que la neutralité de la CJUE est remise en cause : l’arrêt sur l’accord agricole UE-Maroc du 21 décembre 2016 et plus récemment la décision sur l’accord de pêche du 27 février dernier. Drs Charles Saint-Prot, Abdelhamid el Ouali et Jean Yves de Cara qui ont décortiqué minutieusement ces décisions, aussi bien sur le fond que sur la forme, constatent des défaillances juridiques flagrantes commises par la cour qui s’est prononcée sur l’applicabilité d’accords internationaux en violation du « droit européen » mais aussi du « droit international » en interférant dans le dossier du Sahara qui reste du ressort exclusif de l’ONU.
« Dans les deux cas, la Cour a suivi d’assez près les conclusions de l’Avocat général marquées par leur parti pris anti-marocain et leur manque d’impartialité, ce qui est regrettable dans des affaires qui revêtaient un aspect plus politique, voire même propagandiste, que juridique« , a déploré le professeur Charles Saint-Prot, Directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris. Dans ses conclusions, l’avocat général « n’a pas proposé à la Cour de dire le droit, ce qui est sa fonction et sa limite, mais l’a incitée à adopter une position militante », décrypte l’expert international.
M. Saint-Prot, qui dénonce une stratégie de propagande et de lobbying judiciaire du polisario et son mentor l’Algérie, a mis en garde qu’« une telle position ne peut qu’être de nature à embarrasser la diplomatie de l’UE en ce qu’elle est incompatible avec l’enjeu stratégique que représente l’avenir de ses relations avec le Maroc », au moment où le Conseil de l’UE et la Commission européenne souhaitent le maintien de l’accord agricole et de l’accord de pêche, et ce d’autant plus que les relations entre le Maroc et l’UE sont d’ »une grande importance stratégique puisque le Royaume est le seul Etat stable et crédible de la région ».
Et d’ajouter que l’UE et ses Etats membres « ne doivent pas hésiter à contester les arguties juridiques qui restent spécieuses et sont des éléments d’agitation stérile », alors qu’aujourd’hui une nouvelle administration onusienne cherche à permettre une solution politique à un conflit dépassé et, partant, ouvrir la voie à un développement apaisé qui profite à tous les peuples de la région. Dr Abdelhamid el Ouali, professeur de Droit international et de Relations internationales à la Faculté de Droit de Casablanca, s’est dit, de son côté, consterné de voir autant de dérives et de contrevérités dans les décisions d’une cour censée être la fierté de l’Europe et une référence en matière de droit.
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Il a dénoncé des décisions épousant les thèses séparatistes du Polisario, tout en pointant « un cadre juridique biaisé » qui fait abstraction de tout élément favorable au Maroc. Il constate, avec regret, une violation à la fois du droit européen que du droit international dans la mesure où la cour de justice de l’UE s’est autorisée à se prononcer sur un dossier régional d’autant plus que le polisario n’a jamais été reconnu comme un « Etat » et encore moins comme « représentant légitime de la population du Sahara ». « L’UE a l’obligation fondamentale de respecter ses engagements dans le cadre de ses précédents accords », a-t-il insisté.
La même consternation est partagée par Dr Jean-Yves de Cara, professeur agrégé de droit international à l’Université de Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité et président du conseil scientifique de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris. Tout en rappelant un principe de base des relations internationales qui stipule qu’« une fois un accord est ratifié celui-ci est parfait et doit être exécuté« , il a remis en cause la compétence de la cour qui s’est déclarée compétente pour apprécier la validité d’un accord a posteriori et d’en corriger la teneur.
« La cour s’érige en un juge international, ce qui n’est pas sa compétence », a-t-il affirmé. Pour le juriste français, la cour de justice européenne ne saurait substituer son appréciation à celle du Conseil européen sur les traités au risque de remettre en cause l’engagement de l’UE. « La seule intervention de la cour doit être avant la conclusion des traités. C’est donner un avis sur la compatibilité avec le droit international. C’est là sa limite« , a-t-il ajouté.
Intervenant à cette occasion, l’eurodéputé Gilles Pargneaux s’est félicité de la pertinence de l’éclairage apporté par ces trois juristes pour une compréhension juridique plus claire des décisions de la CJUE. M. Pargneaux qui dit partager les principales conclusions de cette étude critique, a affirmé personnellement ne pas se reconnaître dans les décisions de la CJUE qui est censée « donner un avis mais pas remettre en cause la politique étrangère de l’UE ».
« C’est nous qui devons décider du chemin à prendre » à ce niveau, a insisté l’eurodéputé qui compte diffuser cette analyse en amont des négociations UE-Maroc alors que la Commission européenne venait d’introduire, mercredi, un mandat de renouvellement de l’accord de pêche avec le Maroc, qui inclut le Sahara.
Rappelant que le dossier du Sahara relève de la compétence exclusive de l’ONU, M. Pargneaux estime qu’en se prononçant sur cette question, la CJUE « alimente un conflit au lieu d’être un facilitateur, un outil pour aider à sa résolution ». Et de conclure que l’UE est appelée à préserver la qualité de ses relations, empreintes d’excellence, avec le Maroc, un partenaire stratégique avec lequel elle développe une coopération plus large, couvrant la migration, la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme, la promotion de la stabilité du voisinage, ou encore les relations avec l’Afrique où le Royaume joue un rôle de premier plan en particulier avec son retour à l’Union africaine.