La 11ème édition des Atlantic Dialogues invite à explorer de nouvelles voies de collaboration internationale
La 11ème édition des Atlantic Dialogues a pris fin le vendredi 16 décembre. En trois jours, les modérateurs, intervenants et participants, ont exploré à partir de la crise multidimensionnelle qui frappe de plein fouet le système international, les nouvelles voies de coopération possible entre le Nord et le Sud, avec un focus sur les perspectives atlantiques.
La troisième et dernière journée du vendredi 16 décembre a été caractérisée par la tenue de trois panels sur l’Etat social dans le grand atlantique, les mutations en Amérique latine, ainsi que deux AD Talks portant sur la coopération Nord-Sud et les relations du maroc avec son voisinage atlantique.
Combattre les inégalités : Le rôle de l’État social dans l’Atlantique élargi
Le panel d’ouverture de la dernière journée de la 11ème édition des dialogues atlantiques, modéré par Sarah Glover, vice-présidente de l’information et du dialogue civique de WHYY News USA, a abordé les défis liés aux inégalités et au rôle des États dans la fourniture des biens publics.
Serigne Gueye Diop, Ministre Conseiller du Président de la République du Sénégal a partagé son expérience en tant que maire de la ville de Sandiara et les projets menés par les autorités locales pour agir sur les inégalités d’accès à l’eau, à l’éducation et aux opportunités d’emploi Il a ainsi affirmé « Nous devons corriger les inégalités. Au Sénégal, nous avons un programme réussi, le « PUDC », pour faire en sorte que les populations vivant dans les zones reculées aient accès à l’eau, au transport, aux infrastructures et aux centres de santé ».
Maria Teresa Fernández de la Vega, présidente de la Fondation Women for Africa, Espagne, a axé son discours sur la nécessité de mettre fin aux inégalités de genre, en particulier dans les contextes africain et latino-américain. Elle a insisté sur les opportunités économiques et sociales perdues à cause de la discrimination envers les femmes, elle a déclaré : « Nous n’utilisons pas une partie de notre capital humain qui est présenté par les femmes, les femmes africaines et latino-américaines doivent s’unir ».
De son côté, Carlos Lopes, professeur à l’Université de Cape Town a expliqué les effets secondaires de la trajectoire de croissance des trois derniers siècles, qui a certes permis de créer davantage de richesses, mais qui s’est également faite au détriment du climat. Il est donc essentiel de réfléchir aux moyens d’atténuer ces effets secondaires. « Nous avons des difficultés systémiques qui ne nous permettent pas de corriger cette trajectoire : la façon dont nous traitons la propriété intellectuelle, la R&D, l’innovation… Elle n’est pas orientée vers la durabilité. Nous les traitons avec une logique qui permet l’accumulation de richesses ».
De son côté, João Vale de Almeida, Ambassadeur de l’Union européenne au Royaume-Uni, Portugal, a donné une vision positive du rôle des Etats sociaux en Europe, à travers les progrès en matière de protection sociale et de développement humain réalisés dans la plupart des pays européens, bien qu’il y ait encore des défis à surmonter. Il a ainsi affirmé » nous avons encore une immense dimension d’inégalité dans l’Union européenne : des inégalités basées sur le genre, les revenus, les régions, parce que nous ne sommes pas un territoire totalement homogène ».
AD Talk : Un monde fragmenté : Perspectives Nord-Sud
Le débat, qui a donné lieu à un échange de points de vue entre deux personnalités éminentes, M. André Azoulay, Conseiller de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Maroc, et M. Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires Etrangères de France, a été une discussion constructive, mais pleine d’émotion. M. Azoulay a affirmé son admiration et son appréciation de la façon dont le Maroc a géré les multiples crises que le monde et le Maroc ont rencontrées ces dernières années. Il a déclaré : « Le Maroc a eu la chance de faire les bons choix et de faire en sorte que ce pays, qui n’est pas forcément le mieux doté en termes de ressources et de matières premières, trouve une cohérence, une gouvernance, une stabilité et un leadership qui ont imposé un modèle de société qui fonctionne ». M. Azoulay a également insisté sur la réussite de l’expérience marocaine : « C’est en Afrique, c’est en terre d’Islam, c’est au Maroc, au Maghreb et en Afrique du Nord et ça marche ». Il a également mis en lumière la capacité du Maroc à réunir des personnes de différentes nationalités et religions dans des événements culturels et aussi à travers le sport, en référence à l’exploit de l’équipe nationale marocaine dans la Coupe du monde Qatar 2022.
De son côté, M. Hubert Védrine a souligné les nombreuses opportunités de coopération entre le Maroc et la France, malgré l’existence de divergences sur certaines questions, comme celle de la migration et des visas, qui seront bientôt résolues. D’où l’importance de repenser les nouvelles voies de coopération et de faire le point sur la relation de longue date entre les deux pays. Il a déclaré : « La mondialisation rebat les cartes pour tout le monde, pour le Maroc comme pour la France. Avant de dire cela, il faut rappeler que l’histoire de la France et du Maroc sur le long terme est exceptionnelle ».
AD Talk II – Maroc et Atlantique
Dans ce débat animé, Aziz Boucetta, fondateur de Panorapost, Maroc, a jeté les bases d’une discussion intéressante qui a évolué autour du rôle des États atlantiques africains. Mr. Fouad Yazourh Directeur Général des Relations Bilatérales et des Affaires Régionales, Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération Africaine et des Expatriés Marocains a introduit la réunion ministérielle des Etats Africains Atlantiques qui s’est tenue au Maroc en juin dernier, et qui a réuni 23 chefs d’Etats pour élaborer une vision stratégique commune, d’autant plus que les pays africains voisins du bassin atlantique font face à des défis communs, tels que le crime organisé et de terrorisme mais sont aussi des piliers économiques importants du continent. Ces pays contribuent à plus de la moitié du PIB africain.
En réponse à une question de l’audience sur une potentielle contribution européenne à l’initiative des États africains de l’Atlantique à ce stade, M. Yazourh a déclaré que la priorité devrait maintenant être accordée à la clarification de la vision africaine, a-t-il déclaré : « Le travail actuel est un travail afro-africain. Nous nous organisons pour aller vers le monde. Nous n’allons pas chercher à faire de la pédagogie avec l’Europe ou un autre continent avant de comprendre nos propres objectifs en tant qu’Africains ».
À la recherche d’une Amérique latine consolidée : Les anciens présidents latino-américains discutent des possibilités de changement
L’ancien Président de l’Equateur Jamil Mahuad est revenu sur la place qu’occupe la Chine en Amérique latine, affirmant qu’il s’agit aujourd’hui du premier partenaire des pays de l’Amérique du sud. Revenant sur la perspective, il a affirmé qu’aux yeux de Quito, Pékin est un partenaire économique et commercial plus important que Washington : « 36% des exportations de l’Equateur vont en Chine, et seulement 24% vont vers les Etats-Unis, C’est un changement non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif ». Or, et de par la nature de son régime politique et son identité, l’ancien président de l’Equateur a souligné que l’affirmation de la chine entretient beaucoup d’ambiguïté : « pour la première fois depuis 200 ans, nous risquons d’avoir comme première puissance mondiale un pays qui n’est pas occidentale, qui n’est pas chrétien et qui n’est pas démocratique ».
Dans le même ordre d’idée, l’ancien Président bolivien Jorge Tuto Quiroga a prolongé la réflexion sur le rôle de Pékin en Amérique latine, en revenant sur la dichotomie commerce / investissement pour mesurer l’ampleur de l’influence chinoise en Amérique du Sud qui d’après Mr. Tuto Quiroga, prend des proportions inquiétantes : « L’Amérique latine est toute chinoise. La chine achète de produits à bon prix, et deux pays non communistes travaillent pour établir un accord commercial avec la Chine. La Chine est aussi un préteur et il faut rembourser. Il faut donc penser à la restructuration de nos dettes. On a liquidé la dette multilatérale. Aujourd’hui, c’est la Chine notre préteur principal ».
Soulignant que l’Amérique n’a pas réussi à amorcer son chantier d’autonomie sanitaire : « nous avons un nombre élevé de mort par rapport à notre démographie du fait de l’arrivée tardive des vaccins, alors que le Brésil, l’Argentine et le Mexique ont les capacités de l’autonomie sanitaire », l’ancien Président bolivien a appelé les pays de l’Amérique latine à réinventer leur modèle d’intégration régionale, en s’appuyant sur l’exemple de la construction européenne, qui reste un bon exemple en dépit de son affaiblissement récurrent : « Le problème de l’Amérique latine est qu’il existe dans la région des mécanismes régionaux alors que l’Europe n’on a qu’un seul, avec des problèmes, mais qui fonctionne ».
Enfin, l’ancien Président argentin Federico Ramón Puerta a appelé à réinventer la démocratie en Amérique latine, en proie à un désintérêt croissant de ses citoyens à la chose politique : « la démocratie qui est le moins mauvais système n’a pas de substitut. Il faut que ça fonctionne ».
D’autre part, l’ancien Président argentin a relevé le rôle que peut houer le Maroc, de part sa position géographique comme carrefour entre le Nord et le sud, et entre l’Ouest et l’Est dans le dialogue atlantique : « Le Maroc dispose de toutes les connectivités aériennes et maritimes avec le sud atlantique pour établir les liens entre l’Afrique et l’Amérique latine. C’est une connectivité mentale, puis on passe vers le business pour former un espace commun ».
Le futur que nous voulons :
Le troisième panel ADEL a donné la parle a certains lauréats du programme ADEL de l’année 2022 pour discuter et faire valoir leurs positions sur les enjeux globaux. Cecilia Vidotto Labastie de l’Institut Montaigne, a insisté sur le besoin de renforcer la représentativité des jeunes dans les différents panels, en insistant que ces derniers disposent d’une expertise qui supposent d’être prise en considération : « J’aimerais que plus de jeunes soient représentés dans tous les autres panels pour, à chaque fois, avoir leur avis ». Dans la même veine, elle insista sur le besoin de prendre en compte les besoins des femmes et des partis vulnérables, clé de voûte de tout projet de développement inclusif : « Nous n’avons pas besoin de la jeunesse pour le simple plaisir de l’avoir. Nous avons besoin de plus d’inclusion dans la gouvernance à un niveau structurel. Nous avons besoin de plus de femmes, de plus de personnes et surtout de personnes plus diverses autour de la table ».
Nusrat Farooq, associée au Technology & Programs Associate, Global Internet Forum to Counterterrorism en Inde, a insisté sur le rôle de l’éducation comme levier de changement : « il faut s’appuyer sur l’éducation, surtout dans les pays du sud et de l’atlantique. Historiquement, nous avons été dépourvus d’éducation qui nous accorde de l’emploi. J’aimerai que les jeunes aient accès à une éducation de qualité qui leurs permettent d’obtenir l’emploi qu’ils méritent ».
Thomas Lavar, expert de la justice environnementale dans l’agence de l’environnement américaine, a affirmé quant à lui, vouloir faire prévaloir les voies disproportionnées dans le processus de prise de décision qui doivent être représentatifs : « Du point de vue de la gouvernance, nous devons nous assurer que les voix qui sont sous-représentées de manière disproportionnée participent au processus de décision politique ».
Pauline Batista, Assistante au programme des médias à l’ONU, est revenu sur le désintérêt des jeunes sur la politique, en insistant sur le besoin d’élaborer des politiques publiques convergeant avec les besoins des jeunes et assurant leur autonomisation : « Il y a une sorte de littératie émotionnelle, qui passe en quelque sorte à la politique. Quand il s’agit de la jeunesse, j’ai l’impression que nous devons vraiment passer le micro, nous concentrer sur des initiatives d’autonomisation qui garantissent que la jeunesse est au centre ».
Cette dernière a affirmé que les jeunes sont du fait de leur âge, complétement marginalisés : « Nous ne sommes pas de jeunes leaders émergents. Nous sommes des jeunes leaders mais nous sommes discriminés pour notre âge ».
Enfin, Amine Derj, fondateur de l’organisation Jodoor, en s’appuyant sur son expérience sur la résilience climatique en matière agricole, a appelé à se focaliser sur la résilience climatique pour remédier aux risques climatiques : « Pour l’instant, nous devrions nous concentrer sur la résilience climatique. Cela signifie que nous devons nous demander comment nous allons survivre, avec nos paramètres actuels, dans divers secteurs, à un climat qui va changer ».
L’allocution de clôture:
Monsieur Karim El-Aynaoui, Président Exexutif du Policy Center for the New South, a salué l’ensemble des intervenants, modérateurs, participants de l’espace atlantique pour la clarté de leur contribution et les efforts consentis : « Nous entendons, nous écoutons, nous donnons la parole aux chercheurs de toutes les régions de l’Atlantique ». Il a rappelé a difficile conjoncture internationale, qui suppose d’élaborer de nouvelles méthodes de travail de travail et de coopération, à l’exemple de ce que s’efforce de faire quotidiennement le Policy Center for the new South : « La conférence Atlantic Dialogues est une méthode de discussion, mais nous explorons diverses méthodes au Policy Center for the New South ».