La « Boîte de Pandore » et l’arc-en-ciel du terrorisme
C’est une vision cataclysmique qui s’offre chaque jour à nos yeux. Elle a pour nom le terrorisme. Elle devient notre sombre page quotidienne, de cette histoire humaine que nous ne savons plus écrire ,sinon dans le sang et la violence. Il ne se passe pas de jour sans qu’une nouvelle, comme une étoile filante, une nouvelle sanglante ne vienne nous rappeler notre nouvelle vie. Toutes ces quatre dernières semaines, l’actualité nous a fait le sinistre « plaisir » de découvrir les morts par dizaines, chaque jour, de Boko Haram, avec, parfois, un insoutenable « modus operandi » que l’humanité n’a dû jamais connaître, avec des enfants et des bébés bourrés d’explosifs, sacrifiés en pleines agglomérations, implosés, explosés, déchiquetés, laissant simplement des images d’horreur où la fumée côtoient la chair encore innocente…
En Irak, le scénario n’a pas changé depuis Mossab Zarkaoui qui fit exploser, en juillet 2003, le siège des Nations unies à Baghdad, provoquant la mort de dizaines de personnes, ouvrant un cycle inédit du terrorisme, d’autant plus inouï qu’il ouvrira la voie à ce qui deviendra simplement la guerre des islamistes, confinée jusque-là en Irak, répandue ensuite en Syrie, et comme l’Hydre de Lerne déversant ses effets en Libye, au Yemen, en Egypte, en Tunisie, en Arabie saoudite et « mutatis mutandis » en Algérie, tout près de nous…
C’est en somme un arc-en-ciel qui est aujourd’hui mis sous la coupe du terrorisme. Des frontières iraniennes du Golfe arabo-persique à l’océan atlantique, constituant pour ainsi dire un demi cercle géostratégique par la Méditerranée, il recouvre dans son flanc sud la fameuse bande désertique dont le colonel Kadhafi comptait faire le cheval de Troie de ses conquêtes, lancées du sud de l’Egypte jusqu’au Sahara marocain, englobant le nord soudanais, le Tchad , le Niger, le sud tunisien, le sud algérien, le nord du Mali, la Mauritanie…
Il est aujourd’hui paradoxal de constater que cet espace territorial constitue le terreau où prospère la mouvance terroriste, celle-ci changeant simplement d’appellation ou d’allégeance. Placée, des années durant, dans l’orbite déclarée d’al-Qaïda, elle est aujourd’hui plus proche que jamais du groupe de l’Etat islamique, depuis la mort d’Oussama Ben Laden et l’isolement plus qu’évident de Zawahiri. Si le dénominateur commun de tous ces mouvements était le combat contre « les mécréants et les apostats » occidentaux, chrétiens et juifs naturellement, il subit depuis quelques temps un recentrage plus que tactique. Et l’arrivée sur la scène du groupe Daech (Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq wa-Šhām) n’a pas seulement renversé la donne et la loi de la guerre sainte, elle impose un autre mode de terrorisme, accule des Etats à la défensive, conquiert le nord-ouest de l’Irak et le nord-est de la Syrie, abandonnés en juin 2014 face à l’avancée de ses troupes. Depuis la conquête le 30 de ce mois-là de Mossoul, grande ville du nord de l’Irak, la mainmise sur les richesses enfouies dans ses banques, l’exploitation de ses puits de pétrole, les trafics en tous genres via la Turquie qui ferme les yeux, le groupe de l’Etat islamique s’est lancé, revanche oblige, dans une répression ahurissante contre les chiites irakiens, les kurdes, les minorités yazédites, juives, chrétiennes….répandant l’horreur et le sang.
Nous faisons ici à nos lecteurs l’économie d’une explication qui exigerait plus que le cadre de cet article pour relater le processus de conquête du groupe islamique, l’irrépressible montée en puissance, les uns spontanés, les autres organisés, des groupes qui lui font allégeance. Ils s’activent au Moyen Orient, en Afrique, au Maghreb et en Afrique et jusque dans cette Amérique de Barack Obama…Ce ne sont plus les symboles qui sont visés comme des hôtels et des musées en Tunisie notamment, mais des institutions comme l’armée en Egypte, en Algérie, en France et aux Etats-Unis…des mosquées même, au cœur du Koweit, des marchés à Baghdad…là où la vie humaine est concentrée et grouillante, lieux privilégiés pour les images vidéo qui seront ensuite colportées en boucle dans le monde…
La nouvelle configuration du terrorisme ne laisse pas de surprendre ! Les violences ne sont revendiquées qu’une fois perpétrées, « a posteriori », estampillées « Groupe de l’Etat islamique », quel que soit le pays et l’endroit où elles se produisent. C’est dire qu’elles s’inscrivent dans le fil noir d’une vision apocalyptique.
Il convient cependant de prendre la mesure de l’enjeu terroriste dont l’épicentre est condamné à se déplacer. En Irak même, voire en Syrie également où la capitale de Daech , Raqqa, est à moitié libérée, une certaine évolution est perceptible d’un recul de ce « Califat du sang » sur lequel se concentre une réflexion stratégique arabo-irano-occidentale avec la perspective d’une offensive d’envergure. Elle serait menée par les Etats-Unis, l’Arabie saoudite dont les troupes ont libéré la ville de Sanaa, soumise un moment à la branche d’al-Qaïda, l’Iran même qui ne lâchera jamais Bachar al-Assad, enclin surtout à défendre les communautés chiites d’Irak et puis le peuple irakien qui craint le pire…Abou Bakr al-Baghdadi s’inscrit d’emblée dans le sillage d’un Oussama Ben Laden qui a frappé en 2001 New York en créant le choc mondial, mais qui n’avait pas de territoire sauf les montagnes du Pakistan. Ben Laden n’avait pas une fixation anti-chiite, contrairement à al-Baghdadi qui met dans le même lot les populations chiites, les chrétiens arabes, les kurdes, les Yazédites et les juifs…et , dira-t-on, les pays du Maghreb qui incarnent à ses yeux une certaine modernité…
C’est finalement du tréfonds de l’Islam lui-même que viendra sans doute la solution au spectre rampant du jihadisme…Mais une fois anéantis, le groupe de l’Etat islamique et ses oripeaux, il faudra s’attendre à ce que la dissémination de ses partisans et de ses combattants – aujourd’hui 10.000 et de toutes les nationalités – ne se produise , ne lâche ces derniers et ne leur laisse libre cours dans l’arc-en-ciel décrit ci-haut… Autrement dit, dans le Sahel et le Maghreb…