La Chine à la conquête de nouveaux marchés au Brésil
La Chine a considérablement augmenté et diversifié ces dernières années ses investissements au Brésil, dont elle est le premier partenaire commercial, et les échanges entre les deux pays tendent à s’intensifier face aux tensions avec les Etats-Unis.
Avant 2010, les investissements chinois au Brésil étaient destinés à assurer l’approvisionnement en aliments et en énergie de l’empire du Milieu. Mais ces dernières années, ils ont convergé vers d’autres secteurs, notamment les télécommunications, l’industrie automobile, l’énergie renouvelable et même les services financiers.
En pleine guerre commerciale avec les Etats-Unis, la Chine a tout intérêt à se rapprocher du Brésil et des autres pays du groupe Brics (Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), dont le sommet débute mercredi à Johannesbourg.
Au total, les entreprises chinoises ont investi 53,968 milliards de dollars sur une centaine de projets au Brésil de 2003 à juin 2018, selon les chiffres du ministère brésilien de la Planification. Rien que sur l’année 2017, 10,878 milliards de dollars ont été investis.
Une manne bienvenue dans un pays qui a besoin de dynamiser une économie encore fragilisée par deux ans d’une récession historique en 2015 et 2016 et plombée par une dette abyssale.
« La Chine peut jouer un rôle très important pour aider l’économie brésilienne à sortir de sa stagnation », affirme Luiz Augusto de Castro Neves, président du Conseil d’Entreprises Chine-Brésil (CEBC).
Un des exemples les plus emblématiques de la diversification des investissements chinois: l’annonce en janvier du rachat de l’application de taxis 99 par Didi Chuxing, géant asiatique du VTC, pour 297 millions de dollars.
La Chine a aussi fait son entrée dans le secteur bancaire brésilien, « pour investir encore plus massivement en assurant son propre financement », explique Lia Valls, de l’Institut Brésilien de la Fondation Getulio Vargas (FGV-IBRE).
En mars, China Communications Construction Company (CCCC) a débuté le chantier du port de Sao Luis (nord-est), financé à 70% par la banque chinoise ICBC.
Sinodépendance ?
Malgré la crise, le Brésil est parvenu à maintenir une balance commerciale satisfaisante notamment grâce à des excédents records vis-à-vis de la Chine (+20.166 milliards de dollars en 2017).
Les exportations brésiliennes vers la Chine représentaient 2% du total en 2000, 15% en 2010, 22% en 2017 et 26% lors du premier trimestre 2018, d’après les chiffres du ministère du Développement et du Commerce extérieur (MDIC) du Brésil. Mais Luiz Augusto de Castro Neves considère que le secteur agro-alimentaire est de plus en plus « facteur de valeur ajoutée« . « De nos jours, la production de soja utilise de plus en plus de haute technologie et stimule d’autres activités« , souligne-t-il.
La présence chinoise au Brésil suscite d’autres craintes, en ce qui concerne le respect du droit du travail et des normes environnementales. Castro Neves balaie une nouvelle fois l’argument du revers de la main: « ce n’est pas un problème chinois mais un problème brésilien« . « Depuis quand disposons nous de normes claires, simples, attractives et respectées de tous?« , s’interroge-t-il.
Une stratégie globale
Le président du CEBC regrette l’absence d’une stratégie brésilienne pour mettre à profit cet afflux massif de capital au service du développement.
« Les pays latino-américains, le Brésil y compris, ont un attitude passive envers la Chine. Les Chinois savent exactement ce qu’ils veulent de nous. Mais savons-nous ce que nous attendons d’eux, mis à part de leur vendre toujours davantage? » La Chine mise de plus en plus dans le développement d’infrastructures, avec les « Nouvelles routes de la soie » et des technologies de pointe, le plan de développement « Made in China 2025″.
Pour l’Amérique Latine, le président Xi Jinping a lancé un modèle de coopération basé sur trois piliers (commerce, investissements et financements) et six secteurs prioritaires (infrastructure, informatique, culture, industrie, énergie et innovation scientifique). La Chine souhaite intensifier la coordination des politiques macroéconomiques des Brics en réponse aux « défis posés par le changement de politiques de certains pays développés« , a déclaré récemment le ministre adjoint des Affaires étrangères Zhang Jun, faisant référence sans la nommer à l’administration américaine.
Le président chinois Xi Jinping reçoit son homologue brésilien Michel Temer, le 4 septembre 2017 à Xiamen, en Chine.
Avec AFP