La démocratie par la femme
Par Hassan Alaoui
L’histoire de savoir si la femme a conquis ou non son droit de voter est désormais dépassée depuis belle lurette. Nous n’en sommes plus là. Au Maroc comme ailleurs, la question semble saugrenue.
En revanche, ce droit de vote, gagné à juste titre, ne garantit pas pour autant à la femme ses autres pleins droits face à l’ostracisme dont elle est l’objet face à l’homme, face à des tentatives malhonnêtes de la marginaliser…L’histoire de l’impardonnable gifle en pleine séance parlementaire d’un député tunisien contre une femme nous en dit combien la violence est là, omniprésente dans la tête des hommes, combien le mépris de la femme demeure le ressort – tacite ou lâché – contre Femme nature…
Dans quelques semaines, en principe, plus d’une dizaine de millions de citoyennes et citoyens se rendront aux urnes pour élire leurs députés. Une nouvelle configuration sortira de ce vote sur lequel, nolens volens, pèse une lourde incertitude. Au Maroc, si l’on en croit les statistiques « officielles », le nombre de femmes dépasse les 50% du nombre total de la population. De ce fait, elles sont majoritaires et leur représentativité au sein des institutions devraient par conséquent les porter aux nues, leur accorder une certaine primauté et, in fine, leur assurer le succès politique et social méritoire. Du temps d’un certain Driss Basri, pour ne pas le nommer, ci-devant puissant ministre de l’Intérieur et ministre d’État, « faiseur de roi » comme on dit, la femme était confinée dans le triste rôle d’appoint, de subsidiaire actrice d’une expérience prétendument démocratique où l’homme bombant le torse, était doué de toutes les qualités, battait le haut du pavé et nous prenait à l’amphigouri.
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La femme était louée ou célébrée pour sa soumission discrète, d’autant plus qu’elle en acceptait à la fois le sort et l’hypocrite consensus social. Élevée, douée même pour en partager le sort que l’autorité de l’homme lui conférait du bout des lèvres, elle participait donc à sa propre défaite. Le système, politique notamment, ne l’élevait que pour mieux l’abaisser et la confiner, tout juste pour lui réduire l’espace dérisoire de parole. Notre société patriarcale soumise à rude épreuve dans une logique impitoyable et inscrite dans le cours de l’histoire, toute décision d’émanciper la femme ne pouvait provenir ou être l’œuvre que du pouvoir venant d’en haut.
L’ancien système , avec son cortège d’injustice et de malveillance, étant balayé avec l’arrivée de Mohammed VI sur le Trône, une révolution copernicienne est venue s’y substituer. D’abord la Moudawana ou la réforme du Code de la famille, suivie du droit de la femme marocaine à accorder sa propre nationalité à ses enfants quand ceux-ci sont issus d’un mariage mixte. Peut-être ne mesure-t-on pas assez le poids de ces réformes qui hissent le Royaume du Maroc parmi les pays pionniers en la matière. Mais elles dénotent une avancée conséquente et surtout une volonté royale de libérer la femme du diabolique archaïsme qui caractérise notre société. Après les premières élections législatives de 2011, Mohammed VI a même créé un Fonds de l’État pour soutenir la participation politique de la femme marocaine dans le processus démocratique et lui assurer sa place et sa crédibilité. Ce qui a suivi, ce sont évidemment des luttes et un combat pour la parité, le quota et la représentativité.
Nous sommes évidemment bien loin de la conquête définitive du droit fondamental de la femme marocaine à sa dignité entière et pleine. On ne refait pas le monde en « sept jours », entendu par là que la mentalité de l’homme reste dominée par un certain machisme à géométrie variable. Mais à constante volonté de maintenir la femme dans les limites d’un acteur politique maîtrisable, qu’il faut empêcher de lui faire de l’ombre. Combien de fois n’a-t-on pas entendu ce délire que la politique est « affaire sérieuse » pour la « laisser » ou ne pas « la laisser aux mains des femmes » ! Les prochaines échéances nous donneront une idée sur le partage des candidatures au sein des partis avec les femmes….