La discrimination raciale par Amnesty devoilée par ses propres employés
Surprenant pour une ONG censée promouvoir la défense des droits de l’homme, et pourtant, selon un article paru sur le média britannique The Guardian, plusieurs cas de racisme et de discrimination ont été signalés au sein d’Amnesty International. On parle alors d’un environnement « toxique », de « privilège des Blancs », de cas d’intimidation généralisée, ou encore d’une image donnée à l’extérieur qui n’est pas en adéquation avec l’ambiance interne. L’ONG n’en est pas à sa première affaire. Des employés racontent.
« Il existe une culture de classe moyenne blanche hégémonique qui semble être protégée et reproduite. Le privilège des Blancs était omniprésent » raconte Odukoya, qui confie avoir été confronté à un environnement « hostile aux Noirs ». « Travailler pour le bureau britannique d’Amnesty a détruit ma confiance en moi. Je pensais ne pas être suffisamment qualifié pour faire mon travail, et qu’aucune organisation ne m’embaucherai et encore moins me promouvrait. Je souffrais de dépression et d’anxiété persistantes » a confié quant à lui Aldred, âgé de 31 ans.
Des révélations choc, qui témoignent d’un environnement toxique et malsain dans lequel tentent tant bien que mal, d’évoluer certains employés d’Amnesty. C’est ce qui ressort également d’un rapport d’évaluation interne du Secrétariat international de l’ONG menée par le cabinet Howlett Brown. Dans cette note, il est expliqué qu’Amnesty International développe une culture de « privilège des Blancs » avec des incidents de racisme manifeste. D’ailleurs, plusieurs cadres supérieurs auraient été surpris à utiliser des termes à connotation péjorative et raciste et à employer des comportements de micro-agression.
Par ailleurs, certains employés du bureau britannique ont confié à The Guardian avoir expérimenté des actes similaires à ceux rapportés au Secrétariat international. Ils disent alors s’être sentis « déshumanisés » en fonction de leur ethnicité et de leur race. L’une d’entre eux, a confié que ses collègues du bureau britannique demandaient à pouvoir toucher ses cheveux et faisaient des références négatives sur son accent en l’appelant « la fille noire ». Mais ce n’est pas tout, la victime a ajouté avoir été manipulée pour travailler au-dessus de son niveau de rémunération sans la rémunération correcte.
Des témoignages ont ainsi été recueillis auprès de huit actuels et anciens employés d’Amnesty International, qui ont décrit leurs propres expériences de discrimination raciale et ont publié une déclaration appelant les hauts responsables à se retirer. Une des lanceuses d’alerte, Katherine Oduka, a déclaré « Nous avons rejoint Amnesty dans l’espoir de faire campagne contre les violations des droits humains, mais nous avons plutôt été abandonnés en réalisant que l’organisation avait en fait contribué à les perpétuer. » rapporte le média britannique.
Ainsi, selon l’évaluation interne du Secrétariat plusieurs exemples d’actes racistes ont été relevés :
« -Des responsables utilisant des mots à connotation péjorative et raciste comme « Nègre » ; « Paki » avec des collègues qu’ils qualifiaient de susceptibles s’ils s’en plaignaient ;
-Des préjugés systémiques, y compris sur la capacité du personnel noir à être interrogé sans justification, et le personnel appartenant à une minorité ethnique se sentant impuissant et mis à l’écart des projets ;
-Un manque de sensibilisation ou de sensibilité aux pratiques religieuses entraînant des commentaires et des comportements problématiques ;
-Des comportements agressifs et méprisants, notamment par e-mail souvent dirigés vers le personnel des bureaux du Sud. »
En Juin 2020, le conseil international d’Amnesty a envoyé un e-mail à son équipe suite au mouvement Black Lives Matter. Dans ce même mail repris par le rapport du cabinet Howlett, il est écrit que le racisme était inscrit dans le « modèle très organisationnel » de l’organe des droits de l’homme, qui avait été façonné par la « dynamique coloniale et les frontières » qui était encore récente au moment de sa fondation en 1961. « Malgré quelques changements notables et durement menés ces dernières années, le contrôle et l’influence sur nos ressources, la prise de décision… sont restés majoritairement entre les mains de personnes de la majorité blanche. ».
Suite à ces signalements, les représentants des deux branches de l’organisation basée au Royaume-Uni se sont excusés et se sont engagés à apporter des changements. Kate Allen, la directrice du bureau britannique, s’est excusée, affirmant qu’il s’agissait de préoccupations graves et bien qu’elle ne puisse pas discuter de cas individuels, les allégations de discrimination seraient prises au sérieux et feraient l’objet d’une enquête. « Nous savons que le racisme institutionnel existe au Royaume-Uni et, comme toute autre organisation, nous ne sommes pas à l’abri de ce problème très réel », a-t-elle déclaré.
Des incidents qui se répètent
L’ONG n’en est pourtant pas à son premier scandale. En 2018, le suicide de Gaëtan Mootoo, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest de l’ONG a suscité de vifs questionnements sur la légitimité de l’organisation. Dans un article paru dans le Monde, l’auteur cite un collègue du défunt qui évoque une détérioration des conditions de recherche : « C’est devenu une culture du chiffre. Sur les dons, le nombre de membres, on vend Amnesty International en permanence. Pour Gaëtan Mootoo, c’était le pire qui pouvait arriver… D’une manière générale, la stratégie d’Amnesty faisait une plus grande place à la communication extérieure et au “faire savoir” ». « Le brillant sexagénaire qui a consacré une partie de sa vie à Amnesty International et à l’Afrique de l’Ouest s’est peu à peu retrouvé moqué par des jeunes « managers » ambitieux pour qui la défense des droits de l’homme est un business comme un autre et l’Afrique un marché sûr, générateur de crises. » poursuit l’article.
L’organisation a également été éclaboussée de plusieurs scandales financiers remettant en doute son efficacité et sa transparence. « L’ancienne directrice, Irene Khan, s’est vue octroyer une indemnité de départ de plus de 600 000€, étrange venant de cette femme qui avait activement lutté contre la pauvreté dans le monde », révèle un rapport du réseau d’experts en Intelligence Economique, qui cite la presse britannique.
« Amnesty international se prévaut de l’acte Transparency International, ce dernier est un indice de perception de la corruption. Mais il n’y a aucun détail des dons. Un don peut être un don d’Etat ou de particulier. Où sont ces détails ? Pourquoi ne sont-ils pas déclarés officiellement ? Peut-on se considérer comme transparent dans ces moments là ? Toutes ces questions laissent planer des doutes au-dessus de l’ONG. » poursuit le rapport rédigé sous la direction de Christian Harbulot.