La fiscalité, l’épineuse question qui taraude Michel Barnier avant même de former son gouvernement

Dans la foulée de la formation de son gouvernement qui peine à voir le jour dans un contexte économique et politique particulier en France, le premier ministre français, Michel Barnier bute devant l’épineuse question des recettes qui le pousse à lorgner vers l’incontournable hausse des impôts.

Reconnaissant lui-même la difficulté de l’exercice, le nouveau locataire de Matignon a affirmé mercredi que la situation budgétaire du pays est « très grave ».

«La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave. J’ai demandé tous les éléments pour en apprécier l’exacte réalité », a-t-il expliqué à l’AFP.

Le Premier ministre français, qui appelle de ses vœux une «justice fiscale» n’écarte pas le recours à l’impôt pour renflouer les caisses, notamment celui sur les sociétés, mais ses potentiels soutiens politiques ont en fait un mantra qui conditionne leur soutien au nouveau gouvernement : «tout sauf toucher à l’impôt ».

Cette ligne rouge fiscale est défendue en premier lieu par l’ancienne majorité gouvernementale «Les Macronistes», emmenée par Gabriel Attal au point de mettre en balance sa participation au prochain l’exécutif en cas de hausse de la fiscalité.

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Il est « hors de question d’entrer dans un gouvernement qui augmente les impôts ou même de le soutenir », a réagi, mercredi, le ministre de l’Intérieur sortant Gérald Darmanin, membre du parti « Renaissance ».

Le sujet qui fâche semble également constituer une ligne rouge chez la propre famille politique du nouveau premier ministre «Les Républicains» (LR) qui ne veulent pas entendre parler d’augmentation d’impôts.

« Sur un certain nombre de domaines, on a besoin d’une politique de droite. Pour qu’il n’y ait pas de hausses d’impôts, qu’il y ait plus de sécurité, moins d’immigration », avait souligné le président du groupe LR à l’Assemblée, Laurent Wauquiez.

Quant au Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella, qui menace d’appuyer sur le bouton «censure» à tout moment, il fait de la non augmentation des impôts une doctrine immuable.

Cependant, la question qui laisse perplexe les plus téméraires des analystes économiques est comment présenter un budget en redressant le déficit public qui atteint 5,6 % du PIB cette année, tout en évitant une crise de la dette, mais sans toucher à l’impôt ?

Pour l’économiste Jean Pisani-Ferry, la France ne sortira pas de cette situation budgétaire en faisant seulement des économies sur les dépenses , plaidant pour «un effort fiscal» consenti à la fois par les entreprises et «les plus aisés » .

Le même avis est partagé par le président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici pour qui il est nécessaire d’ouvrir un débat sur la fiscalité de la richesse.

S’exprimant récemment sur les colonnes du « Parisien », cet ancien ministre socialiste de l’économie, a affirmé que la question de la hausse des impôts, pour les plus aisés, doit se poser.

Intervenant, mercredi, devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale, cet ancien commissaire européen a jugé «impératif de dire la vérité aux Français à travers le projet de loi de finances ».

Il a reconnu que la France traverse une situation des finances publiques « vraiment inquiétante », estimant que le budget pour 2025 «sera sans doute le plus délicat ou un des plus délicats de la Ve République ».

« Quels que soient (…) les options politiques des différentes forces présentes au Parlement, (…), la France doit impérativement réduire son déficit public et replacer la dette sur une trajectoire descendante », a averti M. Moscovici devant les députés.

A rappeler que la Commission européenne a lancé en juillet dernier une procédure contre la France pour déficit public excessif (5,5% pour 2023), dépassant la limite des 3% fixée par le Pacte de l’UE de stabilité et de croissance.

Bruxelles avait fixé au 20 septembre le délai d’envoi par la France de son plan de redressement budgétaire, lequel fait l’objet d’une négociation entre les deux parties pour un délai supplémentaire.

En attendant, la présentation du projet de budget à l’Assemblée nationale sera le premier gros test de Michel Barnier. Ça sera fait, si tout va bien, le 9 octobre au lieu du 1 er octobre, un fait rarissime dans l’histoire de la Vème République.

Mais de l’avis d’Emmanuel Dupuy, enseignant en géopolitique à l’Université Catholique de Lille, il s’agit d’un exercice délicat dans la mesure où la situation dont hérite M. Barnier du gouvernement précédent est extrêmement difficile car les lettres-plafonds qui fixent les crédits par ministère ont été élaborés par le ministre des Finances sortant et que le fait d’en présenter de nouvelles mènerait inévitablement à une augmentation des impôts.

Selon le professeur Dupuy, l’actuel blocage dans la présentation d’un nouveau budget est à attribuer à la majorité sortante dont certains membres veulent inscrire leur participation au prochain gouvernement «dans une logique de continuation et non pas une logique de cohabitation» comme le veut le nouveau premier ministre.

Face à cette situation, a expliqué le géopolitologue français à la MAP, il n’est pas improbable que M. Barnier soit confronté à l’impossibilité de présenter un budget et partant de former son gouvernement.

«C’est un scénario plausible. Michel Barnier peut littéralement jeter l’éponge s’il n’arrive pas d’ici la fin de la semaine à trouver un minimum de consensus sur non seulement le choix des hommes qui constitueront son gouvernement mais aussi les options dont il dispose pour sortir de la crise budgétaire», a affirmé M. Dupuy qui préside également l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE).

Va-t-il mener une politique d’austérité et de redressement qui permettrait de revenir à un équilibre des finances douloureux qui obligerait les Français à payer plus d’impôts, à travailler plus longtemps et à abandonner certaines réformes sociales ou maintenir les choses comme elles le sont ? s’est-il interrogé.

Avec MAP

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