La géopolitique à l’algérienne: de l’apprenti sorcier au pompier de service

Hassan Hami  (Géopoliticien)

Le pyromane ne peut pas être pompier. Quand le feu achève de tout embraser, le pyromane ne peut même pas être pompier de service. Le mirage! Les réverbérations d’une lueur lointaine! Un puits de fortune, dont l’eau ne peut être consommée. Le bon vieux temps, une planche de salut providentielle, voilà ce qui lui reste pour se faire une raison. Seulement, la planche est à base de bois et le bois est à la merci du feu envahissant, intraitable et cynique.

Avec tout le respect que l’on doit au chef de l’Etat algérien, Abdelmajid Tebboune, son comportement diplomatique traduit parfaitement les scènes décrites plus haut. Il est le pompier de service pour tenter de triompher du feu de tout bois qui encercle la diplomatie algérienne en perte de vitesse. Il est dépêché au Portugal, comme il l’avait fait dans d’autres circonstances quand les vrais décideurs algériens se sont aperçus que la pâte ne lève pas et que le narratif triomphateur des années 1970, 1980 ne convainc plus personne.

Pompier de service, hélas! dans un pays qui n’arrive pas, depuis belle lurette, à s’offrir des avions de lutte contre des feux de forêt qui ravagent les plaines, jadis fertiles, de la Kabylie et d’autres régions agricoles abandonnées à leur sort. Effet de serre diplomatique et changement climatique politique intranational, il s’agit là d’une équation difficile à résoudre tant l’absence de visibilité est aggravée par l’absence de vision, une myopie géopolitique que l’on abordera dans ce texte.

Le président algérien doit résoudre trois autres équations auxquelles il n’a pas de solutions idoines pour le moment. Premièrement, il est hanté par la question de sa réélection. Celle-ci dépendra du bon vouloir de l’institution militaire. Une institution habituée aux coups de théâtre et à l’ambivalence qui constituent à la fois sa force et sa faiblesse

Le bruit court que certains centres de décision au sein de l’institution militaire ne verraient pas d’un bon œil la reconduite du président Tebboune pour un deuxième mandat; mais, il ne s’agit que d’un bruit, sous forme de boutade. D’autres centres seraient à l’aise dans une réélection qui leur permettrait de souffler un peu, tant les luttes inter-organisations risquent de faire exploser l’entente de façade.

Gageons, sans que l’on s’avise d’intervenir dans les affaires intérieures de l’Algérie, qu’il n’est pas dans l’intérêt de la sous-région maghrébine de voir un pays aussi important tomber dans l’anarchie institutionnelle ou de reproduire les conditions post-2013 ou n’en déplaise aux détracteurs de l’Algérie, allumer l’étincelle d’une autre guerre civile rappelant la décennie noire 1990.

Deuxièmement, le président Tebboune doit faire face à la grogne des Algériens. Même si les décideurs réels s’en lavent les mains, la situation économique n’augure rien de bon. Le prétexte de l’existence de réseaux de spéculateurs ciblant les denrées les plus vitales nécessaires au panier de la ménagère algérienne est très léger pour ne pas dire ridicule.

La crise économique en Algérie est structurelle. Si les pays voisins ont entrepris des réformes draconiennes et impopulaires, ils ont gagné au change, même si cela avait été dans la douleur. Ces pays continuent de lutter pour améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. Il serait injuste pour autant de prétendre que les décideurs algériens restent les bras croisés. Ils font de leur mieux, mais c’est l’approche et l’entêtement, selon une pensée unique dépassée, qui freinent leur élan.

Un pyromane ne peut pas être pompier

C’est cette pensée unique qui nous mène vers la troisième équation que le Président Tebboune n’arrive pas à résoudre: l’érosion d’une diplomatie habituée aux slogans et aux pétrodollars. D’aucuns, y compris des observateurs algériens indépendants, sont d’avis que l’Algérie des années 2000 manque de vision géopolitique.

L’argument selon lequel les décideurs algériens sont restés figés dans une perception datant de la guerre froide est peut-être pertinent, mais il est incomplet à moins qu’on lui ajoute une autre dimension, celle de la cacophonie du discours martelé par une classe politique fragmentée, habituée au confort des pétrodollars comme solution à tous les problèmes. Une opinion souvent véhiculée dans les coulisses selon laquelle l’Algérie est gouvernée à la manière d’un syndicat, pour ne pas dire autre chose.

Or le dilemme fondamental auquel l’Algérie est confrontée est de savoir comment se défaire de deux obsessions: Le Maroc et la rente mémorielle. Ces deux obsessions ont été à l’origine du basculement des décideurs algériens vers l’incohérence et la perte de la boussole qui avait marqué leur réussite durant les années 1970.

Quand le président algérien dit que l’Algérie a été à l’origine de la démocratie en Europe, y compris en Espagne et au Portugal, il le pense vraiment. Il le pense d’autant plus sincèrement que pour lui, comme pour l’ensemble de la classe politique postindépendance, la démocratie se fait par la lutte armée de libération nationale. Quant à la manière de construire ou reconstruire l’Etat, plaise que Dieu vienne à la rescousse.

Cette classe ne croit pas aux vertus des urnes. Elle est habituée aux arrangements, aux coups de théâtre dans les coulisses, et aux stratagèmes dans les maquis. Tant et si bien que les décideurs algériens ont pris goût à faire volte-face, importe peu les conséquences sur la stabilité interne et régionale.

Des promesses dans la nuit qui sont reniées le lendemain à la première heure. En témoignent le non-respect des engagements pris à l’occasion de la réunion de Tanger de 1958 entre les partis issus des mouvements de libération nationale du Maroc, de Tunisie et d’Algérie (y compris sur la question des frontières, qui demeure la principale cause de l’animosité de l’Algérie à l’égard de ses voisins) et des rencontres franco-marocaines au sommet d’Ifrane (1969), de Nouadhibou et Tlemcen (1970), de Rabat (1972), d’Agadir (1973) et de Rabat (1974). Certaines rencontres se déroulent en présence de l’ancien président mauritanien Mokhtar Ould Daddah, une partie importante dans le traitement de la question des frontières.

Le vent en poupe, pétrodollars expliquant, les décideurs algériens tenaient toute l’Afrique du Nord en otage. Et à chaque fois qu’il y a eu des moments de lucidité teintés d’un peu de réalisme, et que le Maroc et l’Algérie allaient trouver un terrain d’entente, une fois encore, coup de théâtre, les lampadaires éclatent avant même que les acteurs entrent en scène.

Il y a toujours eu une lecture erronée de la part des décideurs algériens. Il en fut ainsi de la rencontre entre le roi Hassan II et le président Houari Boumediene programmée à Genève en 1978. Elle avait été convenue dans la foulée de rencontres secrètes, tout au long de l’année 1977, entre des délégations des deux pays, pour sortir de l’impasse créée par l’intransigeance algérienne. Ce sommet n’a pu avoir lieu en raison de la maladie et du décès du président algérien dans des conditions non élucidées à ce jour, participant ainsi à la multiplication des supputations les plus invraisemblables.

Il s’en est suivi une période de tension accentuée par la renonciation de la Mauritanie à Terris algharbiya et la conclusion en 1979 d’un accord en ce sens entre Mohammed Khouna Ould Haidallah et le Polisario sous le patronage de l’Algérie. Le Maroc, exerçant son droit légitime que lui confère l’esprit de l’Accord de Madrid de 1975, récupère ce territoire appelé, depuis lors, Oued Eddahab.

L’Algérie y répond par forcer la Mauritanie, le Niger, le Mali, et la Tunisie à conclure des accords définitifs sur les frontières en 1983. La même année a enregistré la conclusion du Traité de Fraternité et de Concorde entre l’Algérie, la Tunisie, et la Mauritanie.

Le Maroc et la Libye s’empressent, à leur tour, de conclure l’accord sur la création de l’Union arabo-africaine en 1984. Ils l’ont fait justement parce qu’ils ont refusé le fait accompli de l’interprétation de la notion sur l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.

La même lecture erronée a été faite quand le roi Hassan II reçoit une délégation du Polisario en  janvier 1989, afin de permettre à l’Algérie de sauver la face et au Maghreb de ne pas se faire larguer par les processus d’intégration dans les régions limitrophe.

Ce processus a été précédé par la normalisation des relations entre les deux pays en 1988, préludant à la création de l’Union du Maghreb arabe, très vite renvoyées aux calendes grecques. Le président Chadli est poussé vers la sortie.

De même, la chance de faire secouer les eaux marécageuses est avortée, à la suite de l’assassinat du président Mohammed Boudiaf, qui avait eu une idée précise sur la manière de résoudre toutes les questions en suspens entre le Maroc et l’Algérie, y compris le Sahara. Des rendez-vous ratés. Même l’arrivée au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika, pourtant fin connaisseur des labyrinthes des relations tumultueuses entre les deux pays, n’y a rien pu faire. Une doctrine militaire axée sur l’animosité à l’égard du Maroc. Elle est exprimée dans toute sa superbe par les décideurs algériens actuels.

Il y a décidément une hantise grave à l’égard du Maroc. Des interlocuteurs du président Houari Boumediene, y compris le président mauritanien Mokhtar Oul Daddah, ont relaté l’ire de ce dernier quand le roi Hassan II a réussi à déjouer le complot ourdi par le chef d’État algérien visant à briser l’élan des négociations tripartites (Espagne, Maroc et Mauritanie) sur le Sahara ayant débouché sur l’accord de Madrid de 1975.

L’argument avancé par le chef de l’État algérien était qu’il n’avait pas confiance en le roi Hassan II. Sa colère était d’autant plus justifiée qu’il tablait sur la situation intérieure au Maroc (deux tentatives de coups d’État en 1971 et 1972, et incursion d’opposants sponsorisés par l’Algérie et arrêtées à Khenifra en 1973) et en Espagne (agonie du Général Franco et transition politique en dents de scie).

Il croyait également pouvoir tout gagner au change, grâce à l’arme des hydrocarbures (impact de l’embargo pétrolier, à la suite de la guerre arabo-israélienne de 1973) et la montée en puissance du mouvement des pays non-alignés au sein duquel l’Algérie jouait un rôle de premier plan.

Mieux, l’idée du partage du Sahara avancée en 1979 par la France, à travers son plan dit ‘Sahara demain’ (SAD), était suffisamment alléchante pour que les décideurs algériens se cramponnent à leur schéma originel de diviser le Maroc.

Les planificateurs algériens de l’époque étaient imbibés de l’idéologie révolutionnaire tiers-mondiste et croyaient fermes que les mouvements d’opposition chez leurs voisins maghrébins allaient sacrifier l’instabilité de leurs pays pour être en phase avec cette idéologie. Ils se sont trompés, car la sagesse a fini par convaincre ces mouvements que l’Algérie était animée par un dessein hégémonique qui n’avait rien avoir avec ‘’le gouvernement du peuple par le peuple.’’ Dès lors, l’idée que la question du Sahara marocain fût un prétexte du Palais pour empêcher le peuple de s’émanciper fit long feu. –

L’ironie du sort du président Boumediene –et de ceux qui ont cru à son alchimie révolutionnaire– a fait que sa gourmandise géopolitique ne correspondait pas aux moyens qu’il avait cru avoir. Devant la souplesse (disons intelligente du roi Hassan II, pour gagner du temps), il a changé d’ambition et d’objectifs.

Au départ, l’ambition était de sécuriser un corridor sur l’Atlantique et imposer le fait accompli des frontières du Sahara oriental. Mais ensuite, il s’est fait miroiter l’idée d’opérer carrément un changement de régime au Maroc. Il avait des arguments en béton: l’amateurisme révolutionnaire de Mouammar Kadhafi (arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État facilité par des intérêts pétroliers occidentaux, en 1969), l’érosion de l’ascendant de Jamal Abdenasser après la défaire arabe de 1967, et les querelles de famille au sein du Parti Baath entre la branche-mère syrienne et la branche irakienne minée par les ambitions d’un leader en phase de conquérir le pouvoir, Saddam Hussein.

Boumediene endossait, sans qu’il en soit conscient, le brassard de la division classique entre Mashrek et Maghreb. Il voulait être l’étoile rayonnante du Maghreb, à l’image du Maroc impérial, un siècle auparavant.

A l’époque, et pendant de longues années, le Maroc adoptait une politique réactionnelle. Si l’Algérie avait trouvée dans le bloc de l’Est un soutien inconditionnel (narrative et actions héritées de la tricontinentale Afrique-Amérique-Asie des années 1960), le Maroc s’est trouvé, sinon trahi par des alliés traditionnels, du moins ralenti dans son élan de ne pas perdre du terrain.

La France (plan SAD), mais aussi les Etats-Unis, où le président Jimmy Carter, sous la pression de membres influents du Sénat (et de ses convictions religieuses), a décrété en 1979 que les armes vendues au Maroc ne soient pas utilisées dans la guerre du Sahara. La décision du président américain était prise au moment où l’Algérie tentait une médiation auprès de la république islamique d’Iran pour libérer les diplomates et des civiles américains détenus comme otages à l’Ambassade américaine à Téhéran (1979–1981).

Il en découle que les relations entre le Maroc et l’Algérie ont connu une série de mains tendues de la part des souverains marocains sans que les décideurs algériens en comprennent le sens et la philosophie. Le sens, tout d’abord: c’est permettre de laisser la porte ouverte aux négociations, résoudre ce qui est possible, et reporter, à plus tard, le reste. Mais habitués à une perception collectiviste, unique et inamovible, ces décideurs y ont vu un signal de faiblesse voire de résignation.

La philosophie ensuite, c’est la tradition et le recul historique qui en sont la quintessence. En effet, une grande partie de l’Afrique du Nord actuelle était gouvernée par les dynasties almoravide, almohade, mérinide, saadienne, et alaouite. La médiation et la gestion des litiges par l’arbitrage étaient des pratiques courantes non seulement vis-à-vis des représentants du pouvoir central mais aussi vis-à-vis des confréries religieuses.

Cela a été d’autant plus évident que même sous la régence ottomane d’Alger, les sultans marocains sont intervenus pour calmer la dissidence contre les Turcs. Les rois marocains ont perpétué cette pratique par souci d’apaisement et de réalisme politique. Ils n’ont eu de cesse, depuis l’indépendance, de travailler à ce que les deux pays vivent en harmonie et créer les conditions idoines pour résoudre tous les problèmes en suspens. ‘Le Maroc ne menacera jamais la sécurité de ses voisins’ est une ligne de conduite qui s’est vérifiée à plusieurs reprises.

Enjeux de souveraineté et talon d’Achille

Les enjeux de souveraineté ont toujours attisé les passions dans les relations entre le Maroc et l’Algérie pays. Vient en tête de liste la question des frontières. Les indépendances truffées d’embuches par le fait de la ruse des anciennes puissances coloniales continuent d’en payer les pots cassés. C’est ce qui explique la deuxième série d’équation que l’Algérie peine à résoudre, à savoir la rente mémorielle. Une arme à double tranchant, cependant.

Si rente mémorielle il faut s’en accommoder, il faut cependant qu’elle soit élargie aux colonies et protectorats français, y compris le Maroc et la Tunisie. Il est à craindre que les archives de la colonisation ne révèlent que la guerre des sables de 1963 a été déclenchée par la banche du FLN, dont certains éléments étaient nés (et formés) au Maroc.

Les archives peuvent révéler aussi que c’est la France qui aurait empêché le Maroc de remporter la bataille, de peur de le voir décider d’en découdre avec la Mauritanie qu’elle ne reconnaissait pas encore. C’est tout le secret derrière le plan SAD confectionné, seize ans plus tard, au sujet du Sahara marocain.

Les archives pourraient aussi révéler que ceux qui ont hérité de la révolution ne seraient pas ceux qui avaient combattu l’armée française. N’entrons pas dans les spéculations, toujours est-il que le verre à moitié plein ou à moitié vide peut ne pas faire l’affaire de tout le monde.

Les enjeux de souveraineté, c’est également la hantise de voir la question du Sahara oriental resurgir de manière sérieuse, bien que le Maroc n’en fasse pas état publiquement. Tout au plus, si la question était posée, il soulèverait le non-respect de l’accord frontalier de 1972 par l’Algérie. Le non-respect, en matière du droit international, signifie dénonciation par la partie contractante la plus lésée.

Les enjeux de souveraineté, c’est enfin, abandonner la ville de Tindouf à un mouvement sécessionniste, qui y fait la loi au nez et à la barbe des représentants du pouvoir central algérien.

A côté des pyromanes, il y a des souffleurs d’arsenic. La culture de la violence est symptomatique d’une perception qui voit l’autre comme un ennemi. Sur la base de témoignages avérés, des historiens algériens se sont largement attardés sur l’agressivité de certains décideurs depuis l’indépendance du pays. Ils oublient que l’Algérie, bien qu’elle n’existât pas en tant qu’État avant 1962, est présentement un grand pays qui devrait être fier de son existence et renaître, conséquemment, au réalisme politique et au pragmatisme diplomatique.

Sinon, le scénario des années 1990, où la guerre civile avait failli détruire le sentiment national algérien, risque de se répéter. Preuve en est le recours de nouveau par certains cercles du pouvoir au langage d’incrimination de ‘’terroristes potentiels, ennemis de la nation, et pantins au service d’adversaires de l’Algérie patriotique. »

La politique de la terre brûlée a fait long feu. Elle ne peut être mise en œuvre de nos jours. Elle a prouvé son échec dans la gestion de la menace terroriste intranationale (en partie entretenue par des segments du pouvoir) et de l’insécurité dans la bande sahélo-saharienne. Et encore moins dans la séduction ou enrôlement de l’opposition dans les pays voisins.

L’Algérie peine à confectionner une stratégie de sortie pour permettre au pays d’être l’une des locomotives, et non pas la seule locomotive de l’intégration régionale. Vœu pieux, serait-on tenté de dire, car l’Algérie, hélas! accuse des déficits qui demanderaient des décennies à combler.

La politique de la terre brûlée a été savamment orchestrée en réaction à la nomination d’une représentante de l’Union du Maghreb arabe (UMA) auprès de l’Union africaine (UA) en avril 2023. L’Algérie a violemment protesté, prétextant qu’elle n’aurait pas été consultée au préalable. Le réquisitoire prononcé conte le Secrétaire général (SG) de cette organisation a été motivé par la nationalité marocaine de la représentante de l’UMA.

Un réquisitoire auquel le SG de cette dernière a répondu par révéler, entre autres, que l’Algérie avait cessé de verser sa cotisation depuis 2016, qu’elle a rapatrié tous ses représentants en 2022, et que le mandat du SG a été reconduit avec l’assentiment implicite des pays membres. En réalité, les décideurs algériens croyaient, à tort, que le rapprochement entre les présidents algérien et tunisien allait forcer le SG de l’UMA, de nationalité tunisienne, à faire le jeu de l’Algérie. Echec total.

Tout aussi futile sera la politique de la diplomatie des pétrodollars. Le montant d’un milliard de dollars américains dédié à la coopération africaine (en somme à faire fléchir ou séduire certains gouvernements africains soutenant l’approche marocaine pour la résolution du conflit artificiel autour du Sahara) sera, comme par le passé, un effort vain et de l’eau versée dans le sable.

Car, la géopolitique a changé et le Maroc a franchi des étapes importantes dans sa politique africaine. Les planificateurs militaires algériens ne l’avaient pas vu venir. Ils ont toujours cru que l’argent pouvait tout acheter. Or, des dirigeants africains font désormais le pari de compter sur eux-mêmes et travailler pour l’intérêt de leur pays et non pas pour leur intérêt personnel ou celui de leurs familles ou proches.

Est-ce que le président Tebboune réussira-t-il là où son prédécesseur avait échoué depuis 2001-et surtout depuis 2007, quand la question des provinces du Sud a pris une nouvelle trajectoire, celle de la solution politique mutuellement acceptable par toutes les parties?

Le Plan d’Autonomie Marocain est la seule et unique option. Le temps travaille en faveur du Maroc avec la série d’appuis au plan, consolidée par la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, le soutien inconditionnel de l’ensemble des pays arabes, et une majorité confortable au sein de l’Union africaine sans parler de l’élan enclenché chez des pays membres de l’Union européenne, dont l’Espagne, ancienne puissance coloniale.

Or, la somme d’un milliard est consentie pour empêcher que la présence anachronique de ‘’la rasd’’ soit sérieusement posée. Il n’est plus surprenant, depuis la reconnaissance américaine et le soutien de plus de douze pays européens au Plan d’autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine, de voir les décideurs algériens faire le tour du monde pour défendre une entité qui élit domicile sur une parcelle du territoire algérien.

Les émissaires de cette entité ne sont plus accueillis que dans des pays qui souffrent, eux aussi, d’une myopie géopolitique dans leurs espaces géostratégiques respectifs. Qui contrôle qui, si l’on se réfère au paradigme ‘Patron-Client’ dans les zones-problèmes, est une bonne question à laquelle les planificateurs algériens doivent réfléchir au lieu de semer le vent dans une cause que le Maroc a déjà gagnée. Il l’a gagnée parce qu’elle est juste et qu’elle constitue un rempart contre toutes les tentatives de déstabilisation et de morcellement de pays souverains, y compris l’Algérie.

Sans mémoire historique, l’identité nationale est une illusion

L’Algérie passe pour être maitresse dans le maniement de sa propre taqîa. Cette taqîa, sinon ruse de mauvais goût, se vérifie aussi chez certains opposants à la direction du Polisario, qui, sans renier le rêve de voir le Maroc séparé de ses provinces du sud, excellent dans des déclarations genre ‘Le Maroc doit convaincre les Sahraouis de sa thèse avant de convaincre les Nations-Unis ou des pays tiers.’

Ceux-là aussi appartiennent à un autre temps et ne réalisent pas que l’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Les Sahraouis sont chez eux dans les quatre coins du Maroc et la majorité d’entre eux participe activement à son développement, dans le cadre de la régionalisation avancée qui est progressivement mise en œuvre.

En somme, l’Algérie fait de la diplomatie réactionnelle. Celle-ci se vérifie dans l’énervement et l’agitation de son oligarchie au pouvoir depuis 1962. Un pacte conclu avec la France pour ses expérimentations nucléaires dans le Sahara oriental appartenant au Maroc. Une mosquée à Alger pour faire oublier la Mosquée Hassan II. Une agence de coopération internationale en direction de l’Afrique pour concurrencer l’Agence marocaine de Coopération internationale (AMCI), en oubliant que le Maroc avait inauguré cette coopération dès le début des années 1980 (Amamco et Guimco). Une injonction faite aux banques algériennes de faire cause avec des intérêts français pour concurrencer les banques marocaines en Afrique de l’Ouest, alors que le système bancaire algérien est des plus défaillants, pour ne pas utiliser un autre qualificatif. Tout cela traduit un constat: l’obsession marocaine.

Or, contrairement à cette fixation schizophrénique, le Maroc, malgré les obstacles et les contrecoups émanant de certains partenaires européens, opère avec doigté et retenue. Il s’investit dans une approche tripartite Nord-Nord-Sud (Espagne, Portugal, Maroc) pour renforcer les relations Sud-Sud (Maroc et nombreux pays subsahariens).

La jonction avec la réalisation de la sécurité énergétique (gazoduc Nigéria-Maroc, long de 5600 km passant par onze pays) seraient des partenariats Nord-Nord-Sud-Sud, auxquels s’ajoutera un câble sous-marin long de 3.800km de long entre le Maroc et le Royaume Uni passant par le Portugal, l’Espagne et la France pour fournir 3,6 GW d’énergie propre a plus de 7 millions de foyers britanniques, grâce à des installations solaires et éoliennes de 10,5GM dans la région de Guelmim-Oued Noun, soutenue par 20 GWh/5 GW de stockage de batteries. Certes, ces deux projets nécessitent la mobilisation de 25 milliards de dollars pour le gazoduc et de 21,9 milliards pour le câble sous-marin, mais ils en valent la peine.

Cette série de partenariats intéresse un pays comme les Etats-Unis, qui font du Maroc la plate-tournante par excellence de leur ancrage en Afrique et en Méditerranée, en vue de contrecarrer l’influence de leurs concurrents classiques.

C’est cela que les planificateurs politiques avérés appellent vision géopolitique cohérente, tournée vers l’avenir et destinée au bien-être des générations futures.

L’Algérie s’entête à ne pas accepter le fait que la géopolitique de l’énergie a changé. La Russie, son allié sur le papier, l’a compris; c’est pourquoi elle se bat sur ses frontières ouest avec l’Europe, dans son espace vital dans le Caucase du Sud et en Asie centrale, en Méditerranée et au Moyen Orient, où les nouvelles découvertes en gaz naturel risquent de diminuer son rôle sur l’échiquier énergétique mondial.

La Russie a d’autres alternatives; l’Algérie n’en a que peu sinon aucune. Alors, le pétrole et le gaz, qui constituaient, jusqu’à une date récente, ses atouts tangibles renouvelables, ne le sont plus. Ils se vaporiseront plus tôt que ne le prévoyent les experts en géopolitique de l’énergie, comme s’est évaporé son rêve de faire du ‘non-Etat-nation’ un Etat-Uni maghrébin sous son emprise hégémonique.

Géopolitique mise à part, il est curieux de constater que les décideurs algériens, institutions militaires ces derniers temps, cherchent à prendre revanche pour le compte des Ottomans qui n’ont pas réussi à s’emparer du Maroc et de la France, qui n’a pas pu gommer le pouvoir de la monarchie, malgré un protectorat de 44 ans qui n’a fait que consolider la personnalité marocaine dans toutes ses dimensions. Ils ont été des apprentis sorciers de 1962 à 2003, et ils sont des pompiers de service depuis 2007.

En définitive, sans mémoire historique, la géographie n’est que des frontières que l’on peut tracer et modifier, sans affecter véritablement l’âme des peuples qui se nourrissent dans leur identité culturelle. Cela s’appelle l’État-nation, le ressourcement mémoriel, et la force tranquille. Ces déterminants-là, personne ne peut les arracher au Maroc et le pousser à en douter.

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