La lutte contre la fraude fiscale nécessite le recours aux nouvelles technologies
Tribune
Par Julien Briot-Hadar
( Expert indépendant en compliance)
Comme chacun le sait, le phénomène de fraude sociale n’est pas nouveau. A l’époque de la Grèce Antique, certaines pratiques d’enrichissement par astuces fiscales ont été recensées. De même, sous le tribunat des Gracques à Rome au IIIème siècle av. J.-C, un phénomène de fausses déclarations foncières qui avaient été établies par les riches propriétaires romains – entre autres les Sénateurs – fut dénoncé.
Dans la lutte contre la fraude fiscale, le Royaume du Maroc se montre aujourd’hui exemplaire mais des défis restent à relever. La part des ressources fiscales dans le PIB du Maroc représente moins de 25% alors que dans de nombreux pays développés, ce taux dépasse facilement 40% du PIB.
La lutte contre la fraude fiscale doit devenir l’un des objectifs principaux du Chef de Gouvernement, M. Aziz Akhannouch. Il n’est un secret de polichinelle pour personne que si le gouvernement marocain parvenait à éradiquer la fraude fiscale, il pourrait cicatriser toutes les tares économiques et sociales de leurs Etats
Les fonctions de la fiscalité :
La fiscalité est le sésame d’équité économique ou sociale. La fiscalité est un jeu à somme positive où ceux qui gagnent davantage de ressources contribuent plus que les autres à l’effort collectif, ce qui apaise la communauté et crée de l’empathie entre ses membres et forge un sentiment d’appartenance qui est indispensable à sa prospérité.
La fiscalité est le déterminant le plus important de la souveraineté nationale. L’indépendance d’un pays est constituée prioritairement par sa capacité à s’affranchir de l’aide des autres. Les attributs de souveraineté ne pensent que peu face à la dépendance économique et financière. Comme le dit un proverbe, « la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit ». L’indépendance économique des pays émergents est liée à leur aptitude à générer des ressources internes leur permettant de faire face à leurs besoins fondamentaux, ce qui ne peut être possible sans une fiscalité appropriée. Cela est aussi bien valable pour un pays que pour un continent comme l’Afrique. Il en résulte une fragilité importante et un besoin de ressources extérieures pour financer nos priorités. Enfin, la fiscalité est la clé de la justice internationale.
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De nombreuses multinationales s’affranchissent de leurs obligations fiscales via des montages fiscaux particulièrement complexes et la présence de certaines de leurs filiales dans des paradis fiscaux. Il faut garder à l’esprit que l’économie du Maroc est une économie de libre-échange et le pays bénéficie d’une importante implantation d’entreprises étrangères, filiales des grandes multinationales. Connaissant cette faille, le Maroc est entré, en janvier 2021, dans le club des pays qui ont adopté officiellement la convention multilatérale sur la lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices. Le Dahir portant exécution de la loi 75-19 portant ratification de cette convention a été publié au Bulletin Officiel du 18 janvier 2021.
Une obligation de coopération entre les entités et de formation
La bataille contre la fraude fiscale est un travail de bénédictin nécessitant un desideratum politique et une gestion de pointe en synergie entre les différentes entités étatiques. Une fois cet objectif atteint, il convient d’engager des activités d’identification et de sanction de toutes les fraudes fiscales. Dans la lutte contre la fraude fiscale, il semble plus qu’impératif pour les hommes politiques marocains d’investir dans la formation professionnelle de l’administration fiscale.
Le poids de l’économie informelle, souvent oublié par certains, mais à ne pas négliger
Les estimations du poids de l’emploi informel dans l’emploi total varient de 36% (selon la dernière enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP) de 2013 sur le secteur informel) à 79% (selon les estimations (2019) de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le poids du secteur informel dans l’économie marocaine est non négligeable et engendre un niveau élevé de pression fiscale sur les entreprises opérant dans le secteur formel.
Pour éviter une hausse du poids du secteur informel, les solutions sont de former les populations des zones rurales à l’entrepreneuriat, rassurer le secteur informel sur la bonne gouvernance du Royaume du Maroc et enfin améliorer le climat des affaires.
L’utilisation des nouvelles technologies en vue de lutter contre la fraude fiscale
Dès lors, pour éradiquer la fraude fiscale, utiliser les nouvelles technologies semblerait être la solution la plus prometteuse. La première étape serait d’utiliser la blockchain. La blockchain est, un registre numérique inaltérable, bâti sur la base d’un consensus, entre les participants, de toutes les étapes ou séquences d’une opération. Pour garantir la fiabilité et l’intégrité des données, la blockchain fait appel à des « mineurs », choisis parmi ses intervenants qui, suivant des règles prédéfinies valident les informations avant de les inscrire (pour toujours) sur la blockchain. Les blocs d’informations, horodatés et ajoutés à la chaîne, ne peuvent plus être modifiés. Toute opération financière passant par un centre financier extraterritorial est dès lors traçable.
Puis, la deuxième étape consisterait à utiliser le machine learning[1], ce qui permettrait à l’administration fiscale de pouvoir détecter toute opération atypique et très rapidement. Cette proposition nécessite bien évidemment les efforts de toutes les administrations et une adaptation des cadres normatifs à cette nouvelle pratique.
(1)- le Machine Learning peut être défini comme étant une technologie d’intelligence artificielle permettant aux machines d’apprendre sans avoir été au préalablement programmées spécifiquement à cet effet