La nature complexe du phénomène de surpopulation carcérale nécessite des solutions pratiques dans le cadre d’un plan intégré (M. Tamek)
La nature complexe du phénomène de la surpopulation des établissements pénitentiaires nécessite l’adoption de solutions pratiques dans le cadre d’un plan intégré englobant les volets législatif, judiciaire et administratif, a affirmé mardi le délégué général à l’Administration pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR), Mohamed Salah Tamek.
M. Tamek, qui présentait le budget sectoriel de la DGAPR au titre de l’exercice 2024 devant les membres de la commission de justice, de législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants, a indiqué que ce plan intégré doit reposer sur trois piliers, le premier étant la nécessité d’œuvrer à perfectionner l’arsenal juridique pénal de telle sorte qu’il puisse accompagner le développement de la société marocaine et l’évolution du crime selon les changements socio-économiques. Le deuxième pilier consiste à doter l’ensemble des acteurs concernés par la mise en œuvre de la politique pénale des ressources et des moyens nécessaires au perfectionnement de leurs interventions, outre la poursuite du développement de la capacité d’accueil des établissements pénitentiaires et leur modernisation, a relevé M. Tamek.
Le troisième pilier a trait à la prévention de la criminalité au sens large du terme et la mise en place de mécanismes pour la prise en charge des détenus libérés afin de prévenir la récidive, a-t-il ajouté, mettant l’accent sur les rôles qui incombent aux départements gouvernementaux concernés sur les plans de l’éducation, de la formation et de l’insertion professionnelle ainsi qu’en ce qui concerne la prise en charge des troubles addictifs et l’encouragement des initiatives de la société civile en matière de réinsertion.
M. Tamek a salué, dans ce sens, la dynamique législative ayant marqué l’année en cours dans le domaine de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, qui a donné lieu à l’adoption par la première Chambre du Parlement du projet de loi relatif aux peines alternatives, notant toutefois que l’effet de ces peines dans la diminution du nombre de détenus reste relatif.
Le responsable a souligné que le projet de loi n°10-23 relatif à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, qui a fait l’objet d’un débat à la Chambre des représentants, renforcera les dispositions visant à protéger les droits des détenus et à préserver leur dignité, estimant que ce texte de loi fixe un nouveau cap pour la DGAPR en matière d’humanisation des conditions de détention.
S’agissant du phénomène de récidive, le délégué général a relevé que la DGAPR a réalisé en 2023 une étude scientifique pour déterminer les facteurs influençant ce phénomène, qui a dévoilé des résultats intéressants.
Cette étude, a-t-il expliqué, aspire à créer un cadre de référence pour réorienter les politiques publiques en matière de réhabilitation et de réinsertion, et à offrir aux chercheurs académiques dans les domaines des sciences sociales, de la criminalité et de la politique pénale des données précises sur le phénomène de la récidive.
Le responsable a noté, dans ce cadre, que le taux de récidive chez les détenus libérés a atteint 24,6%, ajoutant que sur ce total, 49,4% récidivent durant la première année, ce qui signifie que la probabilité de récidive est haute durant la première année suivant la remise en liberté. Le taux de récidive est de 7,8% chez les femmes et de 25,3 chez les hommes, a souligné M. Tamek, précisant que l’étude a montré que la catégorie d’âge située entre 18 et 30 ans est la plus concernée par le phénomène avec 28,7%.
Soulignant l’importance du rôle des antécédents judiciaires dans le phénomène de récidive, le délégué général a relevé, en citant l’étude, une corrélation significative entre la fréquence des récidives et le nombre d’antécédents enregistrés, avec un taux de 63,3% chez les détenus ayant trois antécédents et plus, contre seulement 16,1% chez ceux sans antécédents.
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Les antécédents judiciaires constituent uniquement l’un des multiples facteurs analysés qui influencent le taux de récidive, a-t-il ajouté.
Selon cette étude, le Maroc se positionne favorablement en matière de récidive par rapport à des pays développés, a mis en avant M. Tamek, précisant que sur une période de suivi biennale, le Royaume affiche un taux de récidive de seulement 18,4% contre 43% au Canada, 45% en Australie, 25% en République de Corée et 30% en Espagne.
Concernant le bilan annuel de la DGAPR, le délégué général a noté quatre objectifs stratégiques essentiels, à savoir l’humanisation des conditions de détention, le renforcement des programmes de réhabilitation pour la résinsertion, l’intensification des mesures de sécurité au sein des établissements pénitentiaires et le renforcement des capacités institutionnelles de l’administration.
Après avoir qualifié de « positif » le bilan des activités menées, il a souligné que cela constitue pour la DGAPR une source de motivation pour atteindre des objectifs plus ambitieux et relever les défis liés à l’intégration des principes des droits de l’homme dans la gestion quotidienne des établissements pénitentiaires.
La DGAPR a poursuivi la mise en œuvre de son programme pour la modernisation de ses infrastructures carcérales et l’augmentation de leur capacité d’accueil, a indiqué M. Tamek, faisant état de l’inauguration d’un ensemble d’établissements pénitentiaires et l’optimisation des équipements et prestations offertes, y compris médicales.
De même, a-t-il ajouté, la DGAPR a consolidé l’approche basée sur les droits de l’Homme à travers la mise en place de programmes de formation dédiés au personnel pénitentiaire, portant sur les droits fondamentaux, la prévention de la torture et le traitement des prisonniers.
M. Tamek a également évoqué une série d’activités organisées pour renforcer le rôle réformateur et éducatif des établissements pénitentiaires, mentionnant la mise en œuvre des programmes « Moussaraha » et « Moussalaha », l’organisation de la session de printemps de « l’Université dans les prisons » au sein de la prison locale de Salé, la Rencontre estivale des détenus mineurs et la quatrième Rencontre nationale en faveur des détenues, en plus de nombreuses activités liées à l’alphabétisation, la formation professionnelle, agricole et artisanale et l’emploi.
Par ailleurs, les mesures de sécurité proactive ont été renforcées par l’équipement des établissements pénitentiaires en appareils de surveillance et d’inspection électronique pour maintenir la sécurité et la discipline, ainsi que par la valorisation des ressources humaines à travers l’organisation de campagnes de recrutement avec 1251 nouveaux employés en 2023, en plus de l’élaboration d’un projet de loi portant création d’une fondation des œuvres sociales dédiée au personnel de la DGAPR, a affirmé le Délégué général.
Lors de cette réunion, plusieurs députés ont souligné la nécessité d’adopter une approche intégrée et globale pour faire face au problème de la surpopulation carcérale, estimant que la solution ne réside pas uniquement dans « l’élargissement de la capacité d’accueil des établissements », mais également dans « la refonte de la politique pénale à travers la réforme du Code pénal et de la procédure pénale ».
Ces députés ont exprimé, par la même occasion, leur reconnaissance pour l’engagement remarquable du personnel de la DGAPR pour préserver la sécurité publique et fournir des services essentiels pour la réhabilitation des détenus, appelant à l’adoption de mesures incitatives qui honorent leurs efforts.
Avec MAP