La «Nouvelle Algérie»: Tebboune, hanté par le Royaume, en dépit d’une rupture totale

Par Taieb Dekkar (*)

La  «Nouvelle Algérie», promise par le président Abdelmajid Tebboune,  qui est natif de Mecheria, dans la wilaya de Naama, une région frontalière du Royaume du Maroc, est une Algérie qui a coupé tous liens avec le Maroc voisin, avec lequel elle partage pourtant une frontière terrestre, longue de quelque 1600 kilomètres,  fermée depuis maintenant 27 ans (1994). Au mois d’Aout 2021, la «Nouvelle Algérie» avait décidé la rupture totale des relations diplomatiques avec le Royaume et la fermeture du ciel algérien aux compagnies aériennes marocaines.

Pourquoi, la  «Nouvelle Algérie» -a-t-elle rompu ses relations diplomatiques avec le Royaume, relations qui ne tenaient en fait qu’à un fil, depuis déjà plusieurs années, mais qu’Abdelmajid Tebboune et consorts, dans le cadre de la «Nouvelle Algérie», ont décidé de rompre définitivement.  Ramtane Lamamra, le chef de la diplomatie algérienne, a invoqué, entre autres raisons, la guerre de 1963. Le Maroc est accusé, en 2021, soit 58 ans plus tard, d’avoir fait la guerre à l’Algérie, au lendemain de son indépendance, causant la mort de 800 algériens, bien que la mèche de ce conflit ait été allumée par notre voisin de l’Est..

Jamais, les relations entre les deux pays, rétablies en 1988, après une rupture de 14 ans, à l’initiative du Royaume du Maroc, au lendemain de la création sur le territoire algérien d’une entité dénommée RASD, au début de l’année  1976, n’avaient atteint un tel pic de dégradation. Une telle situation se produit dans  la «Nouvelle Algérie». Ce n’est pas dans le cadre de la  «Deuxième République» que le défunt Bouteflika entendait mettre en place à la fin de son quatrième mandat, au cas où ce mandat venait à être prorogé de quelques mois encore. La «Nouvelle Algérie» dirige quotidiennement son artillerie médiatique et diplomatique, en direction du Royaume.

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Cette aggravation de ton, cette méchanceté, ce manque de tact diplomatique et de courtoisie, ces excès oratoires insensés sont le fait de deux personnages-clés, parce que quel que fut le locataire du palais d’El Mouradia, la bienséance eut été, en toutes circonstances, de règle, sauf du temps de l’ancien dictateur. Le premier étant Abdelmajid Tebboune, qui a fait carrière au ministère de l’intérieur, avant d’intégrer le gouvernement comme  secrétaire d’état, puis ministre et enfin chef de gouvernement pour… trois mois. Copté par le général Gaid Salah, pour les présidentielles, il avait affiché les couleurs, concernant le Maroc, lors de sa campagne électorale, quand il avait exigé les excuses du Maroc à propos des contrôles d’identité des Algériens qui séjournaient dans le Royaume, lors de l’attentat contre l’hôtel Atlas Asni à Marrakech en 1994. Comme ancien membre du comité central du FLN, et ancien membre du sérail, Tebboune n’avait pas dit un mot à propos de l’expulsion arbitraire, inhumaine, injuste et atroce, de 45.000 familles marocaines, emmenées dans des camions manu militari, de nuit, à la frontière algéro-marocaine, alors que le Zaim algérien, le dictateur Boumediene,  faisait, dans un grand fracas médiatique,  la promotion du «Maghreb des peuples» qui lui tenait à cœur  !

Abdelmajid Tebboune ne déroge pas à une règle très connue au Maroc : les dirigeants algériens, originaires de l’Ouest, redoutant qu’on les taxe de pro-marocains, manifestent une hostilité outrancière à l’égard du Royaume, pour apporter la preuve de leur patriotisme, bien que nous soyons en mesure de produire des preuves de leurs  liens familiaux avec le Royaume.  Outrancier ! Il l’est surement, parce que même si les relations sont totalement rompues, le président Tebboune  ne s’endort jamais tranquillement, sans que le Maroc surgisse dans ses cauchemars. Les relations étant rompues, il n’arrête pourtant pas d’invoquer et d’évoquer le Maroc, de manière continue, et bien que, notre pays, ignore royalement ses discours, ingérences et provocations. Des fois, il s’en prend aux investisseurs étrangers qui choisissent, au lieu de l’Algérie, «des pays où sévit la misère» !  Comme si les pommes de terre, les lentilles, l’eau potable au robinet, le lait, la semoule, l’huile, les sardines manquaient sur les étals au Maroc !  La misère est bien de l’autre côté de la frontière, Monsieur le président. Les diplomates étrangers en poste à Rabat, y compris les consuls algériens, doivent constater l’abondance de ces produits, et autres, dans le Royaume, pendant toute l’année. Mais, se comparer, tout le temps au Royaume, nous gratifie. Le président algérien semble habité par la haine de notre pays, parce que, même si des journalistes algériens l’interrogent sur le nombre élevé des détenus d’opinion en Algérie, notamment des journalistes (251), le chef de l’Etat qu’il est supposé être, vire sur le Maroc, où il aurait recensé  seulement  5  journaux !!! (731 entreprises de presse dont 284 journaux sur le support papier et 447 électroniques, selon un rapport du CNP daté de 2017). S’il est évoqué tous les jours par ses adversaires, c’est surement en raison de ses performances politiques, diplomatiques, agricoles, économiques, sociales…, bien que notre pays n’accorde aucun intérêt à ses diatribes quotidiennes.

Il ne réagit même pas, comme dirait Nasser Bourita, tellement il ya de l’excès de l’autre côté de la frontière. L’autre n’est autre que Said Chengriha. La revue de l’armée, El Djeich, qu’un confrère marocain a surnommée  «la Pravda» de l’Algérie, à juste titre, a complètement changé de ton, voire de ligne éditoriale, depuis l’arrivée de ce couple constitué de Tebboune et de Chengriha au pouvoir. Quelles que soient les circonstances, la revue El Djeich, s’est depuis toujours gardée d’utiliser un langage belliqueux à l’égard du Royaume, jusqu’à l’arrivée de Said Chengriha. Elle s’adresse plutôt aux militaires, traite généralement de la  coopération internationale, dans le ressort qui la concerne. Cette nouvelle stratégie, qui s’accommode avec le tempérament du nouveau chef des armées qui tient le Royaume pour un ennemi, depuis qu’il était en fonction  à Tindouf et qu’il avait sous sa coupe le polisario, s’oppose à celle qui devait être celle d’une armée qui n’interfère pas dans le champ politique, qui reste du ressort du pouvoir civil.  Editoriaux diffamatoires et calomnieux, offense au Maroc, interférences sur la question du Sahara… El Djeich déborde de sujets extra-militaires, écrits de surcroit dans une langue complexe. La Pravda algérienne traduit en fait la position prééminente qui est celle de l’armée dans l’architecture du système politique algérien. La «Nouvelle Algérie» est certainement cette «Algérie de la junte militaire».

(*) Journaliste et écrivain

 

 

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