La pandémie du coronavirus : Quel impact économique en France ?
Michael F. Langstaff
Administrateur de l’IMRI
Le confinement imposé en France, depuis le 15 mars dernier jusqu’au déconfinement partiel et différencié à partir du 11 mai, a entraîné un choc violent sur l’économie française, sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. L’impact est d’autant plus fort qu’il surgit à la suite de deux périodes successives de déstabilisation – gilets jaunes et grèves – ayant déjà fragilisé l’économie française.
Il est difficile, à ce stade, de fournir des chiffres et pourcentages précis de cet impact : la situation évolue de jour en jour et les évaluations varient selon les périodes de référence analysées par les principales sources d’information (Banque de France, Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques, Observatoire Français des Conjonctures Economiques, notamment). Toutefois, certains ordres de grandeur donnent une image – partielle et provisoire – de cet impact économique qui est global, puisqu’il porte à la fois sur l’offre et sur la demande ainsi que sur le budget de l’Etat.
Le Gouverneur de la Banque de France a récemment dévoilé quelques chiffres et pourcentages révélateurs de cette crise : 6 points de croissance en moins en deux mois, la prévision d’une perte supérieure sur l’ensemble de l’année dans la mesure où l’activité restera partielle pendant la reprise qui sera nécessairement progressive et une réduction d’un tiers de l’activité économique. Par la suite, le Ministre de l’économie a estimé cette perte à 8% du PIB (corroborant ainsi l’estimation du Fonds Monétaire International). Certains économistes s’attendent même à un taux encore supérieur de l’ordre de dix points. Chaque période de dix jours de confinement représente une perte d’au moins un point de PIB sur l’année et chaque mois le confinement coûte au minimum 70 milliards d’euros à la France.
En ce qui concerne la demande, le confinement a entraîné la fermeture de tous les commerces, à l’exception des magasins d’alimentation, des pharmacies et des banques. Le consommateur a donc réduit substantiellement ses dépenses, fautes d’opportunités, au strict nécessaire alimentaire et médical. On estime les « économies » ainsi réalisées à 55 milliards d’euros au minimum, correspondant donc à un manque à gagner pour l’ensemble du secteur commercial. A cela s’ajoute les dépenses réduites résultant du chômage total ou partiel induit par la crise sanitaire : plus de 11 millions de salariés sont en chômage partiel, soit un salarié sur 2. Ce chiffre s’ajoute aux 3,7 millions de chômeurs déjà existants avant la crise sanitaire. Mais la crise aura aussi donné naissance à de nouvelles habitudes de consommation en augmentant les circuits courts, les achats bio, l’e-commerce et les livraisons à domicile.
L’offre est également durement impactée. Les secteurs les plus fortement touchés sont l’industrie et les services. L’utilisation des capacités industrielles a connu un taux moyen historiquement bas de près de 50%, avec des différences très marquées selon les secteurs. Il a été relevé une utilisation de seulement 8% dans l’industrie automobile mais de 77% dans l’industrie pharmaceutique. L’INSEE a noté des chutes drastiques : – 80 % pour le raffinage, – 72 % pour les biens d’équipement et – 61 % pour les matériels de transport. La perte d’activité est particulièrement élevée dans le secteur de la construction, de nombreux chantiers étant arrêtés. Le secteur des services est lourdement impacté, notamment celui du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration et des activités de loisirs. En revanche, d’autres secteurs d’activités tirent leur épingle du jeu. Parmi ceux qui résistent le mieux, figurent l’agriculture (avec seulement – 10 %), l’agroalimentaire (- 5 %) et la finance. Le secteur bancaire et financier a été relativement peu touché, les règles prudentielles ayant été renforcées à la suite de la crise de 2008-2009.Certaines branches vont même bénéficier de la crise, notamment le secteur de l’informatique avec les nouveaux outils de communication et les professionnels du secteur de la cybernétique.
La crise du Covid-19 a des conséquences économiques et financières concrètes autant chez les petites entreprises que les grands groupes français. Le CAC 40 a perdu un quart de sa valeur depuis le début de la crise tandis que les TPE sont en grande difficulté. Même le déconfinement aura un impact financier négatif surtout pour bon nombre de PME et TPE, du fait des coûts induits par les adaptations aux contraintes sanitaires. Des dépôts de bilan, liquidations judiciaires et faillites se profilent à l’horizon.
L’incidence sur le budget de l’Etat est considérable : l’Etat s’est engagé à débloquer 110 milliards d’euros pour soutenir l’économie et ce montant sera sans doute plus élevé. Déjà Air France bénéficiera d’un appui de 7 milliards d’euros et Renault de 5 milliards. Un plan de soutien de 18 milliards d’euros a été décidé pour la relance du secteur du tourisme. Un fonds de solidarité pour les petites entreprises et les indépendants, a été mis en place, initialement évalué à 1,2 milliard d’euros pour le seul mois de mars, via le versement de jusqu’à 1 500 € aux entreprises concernées. Un plan de soutien de l’automobile a été annoncé. La France sera en récession cette année, a prévenu le gouvernement, ce qui va entraîner de moindres rentrées fiscales (d’impôt sur le revenu, de TVA, d’impôt sur les sociétés, etc), évaluées dans le budget rectifié adopté mi-mars à 10,7 milliards d’euros.
L’avenir de l’économie française, à court, moyen et long termes, est incertain, compte tenu notamment des paramètres non maîtrisés de la crise résultant de la COVID 19, en particulier sur le plan épidémiologique (risque de survenance d’une deuxième vague, incertitudes quant à la mise au point d’un traitement efficace ou encore la découverte d’un vaccin…) et sur le plan international (degré de reprise des flux commerciaux et des IDE, ouverture des frontières, relance économique des principaux partenaires commerciaux de la France). Toutefois, pour terminer sur une note optimiste, les prévisions en termes d’évolution des prix sont rassurantes : il ne semble pas que les annonces de la Banque Centrale Européenne doivent générer de fortes tensions inflationnistes. Par ailleurs, la France continue à emprunter à des taux très bas et sa dette publique (qui risque d’atteindre ou de dépasser 110% du PIB) apparaît toujours comme un investissement sûr pour ses créanciers.
L’avenir dépend aussi de l’efficacité du plan de relance préparé par l’Union européenne, qui a fait l’objet cette semaine d’une initiative franco-allemande, sous forme de propositions « constructives et ambitieuses », comportant quatre piliers : sanitaire, budgétaire, de transition écologique et numérique et de souveraineté économique. En particulier, la mobilisation de 500 milliards d’euros, dans le cadre d’un Fonds de relance (Recovery Fund), sous forme de dotations budgétaires destinées aux régions les plus touchées et aux secteurs les plus impactés par le corona virus, devrait avoir aussi un impact positif, direct et indirect, sur le redressement économique de la France. La situation actuelle illustre bien la fameuse citation du Cardinal de Richelieu, principal ministre du roi de France Louis XIII : « il ne faut pas tout craindre mais il faut tout préparer ».