La pandémie du coronavirus: Quel impact sur les relations internationales ?

Par Jawad KERDOUDI

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

La pandémie du Covid 19 qui est née en Décembre 2019 à Wuhan en Chine a bouleversé l’ordre mondial. Elle s’est traduite par une crise sanitaire grave, un choc brutal sur l’économie mondiale, et l’exacerbation des relations internationales notamment entre les Etats-Unis et la Chine.

La crise sanitaire s’est caractérisée par une propagation très rapide du virus Covid 19 qui a touché à la date du 24 Mai 2020 213 pays, avec 5,4 millions du cas de contamination et 344.000 décès. La gestion de la pandémie a été différente d’un pays à l’autre. En l’absence de vaccin, la réponse a consisté dans l’isolement du pays, le confinement de la population, les mesures de précautions tels que le dépistage, la distanciation, le lavage des mains et le port du masque.

Les pays asiatiques ont appliqué rapidement ces mesures et ont abouti à des bons résultats tels que la Chine, la Corée du Sud, le Japon, Singapour et Taiwan. En Europe à la différence de l’Allemagne des pays scandinaves et des pays de l’Est : l’Espagne, la France et l’Italie ont été durement touchés. En Amérique, ce sont les Etats-Unis et le Brésil qui ont payé le plus grand tribut à la pandémie du fait du retard dans l’application des mesures de sauvegarde. Quant à l’Afrique, elle n’a été contaminée qu’à partir du mois de Février 2020, avec relativement peu de cas (109.721) et peu de décès (3.277). Le cas du Maroc a été cité en exemple par la rapidité, l’efficacité et la coordination de sa réponse à la pandémie (198 décès). A la date de cette chronique, la pandémie est globalement à la baisse, mais personne ne sait quand elle prendra fin, ni s’il y aura une seconde vague.

Du fait de l’isolement de la quasi-totalité des pays de la planète et du confinement de la population, la pandémie du Covid 19 a causé un arrêt brutal de l’économie mondiale. C’est la plus grave crise économique mondiale depuis celle de 1929, car elle cumule à la fois une atteinte à la demande et à l’offre. Du fait du confinement, les travailleurs n’ont plus de revenu et les entreprises à l’arrêt ne génèrent plus de chiffre d’affaires.

Les perspectives de croissance de l’économie mondiale pour l’année 2020 sont alarmantes avec une récession valeur aujourd’hui de 3% du PIB, et un chute du commerce international de 11%. Ces chiffres peuvent évoluer en plus ou en moins selon la fin de la pandémie et la reprise de l’activité économique pendant le second semestre 2020. Pour sauvegarder le tissu économique et la consommation des ménages, chaque pays a pris des mesures énergiques de politique monétaire et budgétaire.

C’est ainsi que les banques centrales ont été mises à contribution pour fournir les liquidités nécessaires, et que le budget de l’Etat a été utilisé pour fournir des indemnités aux salariés en arrêt de travail, et des aides aux entreprise afin d’éviter leur faillite. Des plans de relance massifs sont en cours pour faire renaître l’activité et diminuer les dégâts du chômage. Cette pandémie du Covid 19 a montré également l’interdépendance économique entre pays du fait de la mondialisation. C’est ainsi que la Chine et l’Inde concentrent un part importante de la production mondiale de  médicaments et de masques. D’ores et déjà, plusieurs pays occidentaux ont prévu de délocaliser la production des biens stratégiques dès la fin de la pandémie, d’où un risque de regain du protectionnisme d’autant plus que l’OMC a été partiellement bloqué par Donald Trump. Il est dommage que le G20, qui avait joué un rôle vital dans la résolution de crise économique mondiale 2008-2009, n’a pas été mis à contribution pendant cette pandémie du Covid 19 du fait de la détérioration des relations internationales.

En effet depuis l’élection de Donald Trump en Janvier 2017 à la présidence des Etats-Unis, la politique étrangère américaine s’est orientée vers le concept « L’Amérique d’abord » à savoir la défense étriquée du nationalisme avec une défiance vis-à-vis du multilatéralisme et de l’aide au développement. C’est ainsi que les Etats-Unis ont quitté plusieurs Accords et Organisations internationales : Unesco, Accord de Paris sur le climat, Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, le TPP (Partenariat transpacifique), et l’Alena.

Mais Donald Trump s’est surtout acharné sur les relations avec la Chine considéré comme le principal rival pour occuper la première place au niveau mondial. Dès 2018, le Président américain a déclenché une guerre commerciale contre la Chine constituée de hausses de taxes douanières.  La pandémie du Covid 19 va lui donner une autre occasion de s’en prendre à la Chine, en l’accusant d’avoir retardé l’annonce de la pandémie du Covid 19 qui est née à Wuhan, et d’avoir minimisé sa gravité. Il a également déclaré que le virus aurait fuité depuis un laboratoire chinois, et exigé la constitution d’une commission indépendante pour rechercher la source du virus. Il a en même temps considéré que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dirigé par l’Ethiopie Tedros Adhanon a mal géré la crise du Covid 19, et qu’elle est en collusion avec la Chine. Il a en outre suspendu la contribution financière des Etats-Unis à l’OMS qui est de l’ordre de 500 millions de dollars par an, et qu’il allait réclamer des milliards des dollars à la Chine pour les dégâts causés par la pandémie du Covid 19.

Le Président chinois Xi Jinping a répliqué que la Chine n’a rien à se reprocher sur la gestion de la pandémie du Covid 19, et qu’elle a fait preuve de transparence et de responsabilité. Il a indiqué que son pays est prêt à une coopération internationale pour identifier la source et l’évaluation du Covid 19, mais sans ingérence politique et une fois la fin de l’épidémie. La confrontation Chine/Etats-Unis s’est poursuivie lors de la 73ème Assemblée mondiale de la Santé qui s’est tenue à Genève les 18 et 19 Mai 2020. Les Etats-Unis et certains pays occidentaux ont tenté de faire admettre Taiwan à l’Assemblée mondiale de la Santé, mais sans succès du fait de l’opposition ferme de la Chine qui considère que Taiwan fait partie du territoire national chinois. Une résolution présentée par l’Union européenne a été adoptée pour une évaluation indépendante dès que possible de la réponse internationale à la pandémie du Covid 19 concernant notamment l’origine du virus et le rôle de l’OMS dans cette crise. Cette 73ème Assemblée mondiale de la Santé s’est également penchée sur la recherche en matière de vaccins et de traitements de la pandémie du Covid 19. En effet, une véritable course au vaccin s’est déclenchée dès l’apparition du virus étant donné la demande mondiale pour ce produit. Des centaines de laboratoires privés et publics sont au travail pour être le premier à découvrir le virus. Deux tendances s’affrontent : la première argumente que la découverte du vaccin doit bénéficier d’abord aux Etats et aux laboratoires privés qui ont contribué à la découverte du vaccin, la seconde affirme selon le Secrétaire général de l’ONU que le vaccin doit être « un bien public mondial ». L’Union européenne qui soutient la proposition de António Guterres  a lancé le 4 Mai 2020 une conférence en ligne qui a engrangé 7,4 milliards d’euros pour la recherche du vaccin et des traitements. Elle a fait adopter également par la 73ème Assemblée mondiale de la Santé une résolution pour un accès pour tous à un vaccin « équitable et abordable ». Le différent Chine/Etats-Unis est monté d’un cran le 24 Mai 2020 lorsque le ministre des affaires étrangères chinois Wang Yi a déclaré que « La Chine et les Etats-Unis sont au bord d’une nouvelle guerre froide, et qu’un virus politique contre la Chine se propage aux Etats-Unis ». Le même jour, le Conseiller à la sécurité à la Maison Blanche a déclaré que la nouvelle législation chinoise sur la sécurité nationale pourrait donner lieu à des sanctions contre la Chine. Le 25 Mai 2020 la Chine a menacé les Etats-Unis de représailles si des sanctions sont prises par les Etats-Unis. Enfin les Etats-Unis ont menacé de remettre en cause les privilèges commerciaux à l’ex-colonie britannique HongKong.

L’Union européenne a abordé la pandémie du Covid 19 au départ sans coordination ni solidarité, ce qui a beaucoup déçu l’Espagne et l’Italie qui ont souffert les premiers de la pandémie. Mais elle s’est reprise le 18 Mai 2020 par la proposition de l’Allemagne et de la France de créer un Fonds de relance doté de 500 milliards d’euros au profit des secteurs et des régions de l’Union européenne les plus touchés par la pandémie. L’intérêt de cette proposition exceptionnelle est la mutualisation de la dette dans la mesure où c’est la Commission européenne qui va emprunter sur les marchés financiers au nom de l’Union européenne. Il n’y aura pas de remboursement des aides par les pays bénéficiaires étant donné que les projets retenus doivent cibler en priorité l’écologie et le numérique. Enfin le 27 Mai 2020, la Commission européenne a présenté un plan de relance ambitieux de 750 milliards de dollars dont 500 milliards de subventions aux pays les plus touchés par la crise.

L’autre proposition du Sommet Allemagne/France est la constitution de l’Europe de la santé qui n’existait pas auparavant. Ella a par objet la recherche d’un vaccin contre le Covid 19 au sein de l’Union européenne, la mise en commun de la production et le stock d’équipement médicaux, la coordination à la réponse européenne en matière de marchés publics ou encore de définir des normes européennes communes. Il reste à convaincre les 25 autres membres de l’Union européenne pour l’adoption définitive de ces propositions.

Au niveau de l’Afrique, les pays concernés par la pandémie du Covid 19 ont répondu individuellement par le renforcement des structures sanitaires en personnel qualifié et équipements adéquats, par les mesures d’isolement et de confinement, et par les mesures de précautions : tests, distanciation, port du masque. Le Centre par la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine a été chargé d’établir les statistiques des contaminations et des décès par pays. L’Union africaine a nommé 4 Envoyés spéciaux pour mobiliser la communauté internationale en vue de soutenir l’Afrique dans sa lutte contre la pandémie du Covid 19. Le 13 Avril 2020 le Roi Mohammed VI a lancé une initiative africaine pour  lutter contre le coronavirus d’une manière conjointe et coordonnée, afin de partager les expériences de gestion de l’épidémie sur le continent. Cette initiative a été louée par le Parlement de l’Union africaine et par l’Union européenne. Le 15 A1vril 2020, le Président Macron a déclaré « Seule une victoire totale incluant pleinement l’Afrique peut venir à bout de la pandémie du Covid 19. Il a lancé un Appel avec 17 Chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique et d’Europe pour une réponse multilatérale à la crise du Covid 19 en Afrique qui nécessite un montant globale de 100 milliards des dollars. L’aide à adopter à l’Afrique concerne quatre piliers : le soutien aux systèmes de santé, le soutien à la recherche africaine, le soutien humanitaire et le soutien économique.

En conclusion cette pandémie du Covid 19 est une catastrophe à la fois sur le plan sanitaire et sur le plan économique. Elle intervient dans une période de fortes perturbations des relations internationales du fait de la confrontation Chine/Etats-Unis. Il faut espérer que la sagesse l’emportera et que la guerre froide entre la Chine et les Etats-Unis ne se transforme pas au conflit armé. L’Union européenne qui est la troisième puissance mondiale doit tout faire pour calmer les esprits et rétablir la paix et la sécurité qui sont indispensables pour mettre fin à la crise sanitaire et pour relancer de l’économie mondiale.

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