La pénurie de main d’œuvre mine les perspectives économiques du Royaume-Uni
Les offres d’emploi au Royaume-Uni frôlent des niveaux record depuis plusieurs mois, mais l’absence de personnel qualifié pour les pourvoir porte un coup à la bonne marche des services de base du pays et ternit ses perspectives de croissance économique.
Ce problème, qui a pris des proportions alarmantes depuis le Brexit, affecte particulièrement des secteurs clés de l’économie britannique, les pénuries de personnel étant les plus visibles dans l’éducation et la santé.
Le manque d’attractivité des salaires du secteur public par rapport au privé rend « l’opération de séduction encore plus difficile« , selon une enquête menée auprès des employeurs, alors que le nombre de postes à pourvoir en avril était de 1,1 million.
Six patrons sur dix dans l’éducation ont déclaré avoir des postes vacants difficiles à combler, tandis que plus de quatre sur dix s’attendent à des « problèmes importants » pour pourvoir des postes au cours des six prochains mois, selon le rapport de CIPD, une association de professionnels de la gestion des ressources humaines.
Dans le secteur de la santé, 55% des employeurs avaient des postes vacants difficiles à pourvoir, contre 40% pour l’ensemble des employeurs du secteur privé, selon cette enquête publiée lundi et qui a été réalisée entre le 12 mars et le 12 avril.
Alors que l’inflation qui caracole au-delà des 10% ne manque pas de saper les salaires réels, les syndicats représentant les enseignants et les infirmières du secteur public s’apprêtent à lancer un nouveau mouvement de grève auprès de leurs membres. Même son de cloche chez les représentants d’enseignants qui cherchent à obtenir un mandat pour lancer des actions de grève coordonnées à partir de l’automne.
Des débrayages répétitifs qui empêchent déjà l’économie britannique d’atteindre son plein potentiel. L’office national des statistiques a pointé du doigt les grèves successives comme frein à la croissance.
En plus des hausses salariales, les syndicats réclament une amélioration des conditions de travail et dénoncent des tensions sur la main d’œuvre qui ne cessent de s’amplifier, avec notamment une augmentation systématique de la charge de travail pour pallier au manque de personnel.
Une donne qui semble être confirmée par les résultats de l’enquête, selon lesquels les employeurs du secteur privé étaient plus enclins que ceux du public à améliorer la qualité de l’emploi lorsqu’ils avaient du mal à recruter, en offrant, par exemple, de meilleurs parcours de carrière ou une plus grande flexibilité.
Pour sa part, le patronat britannique appelle depuis le début de l’année à recourir à l’immigration pour remédier à la pénurie de main d’œuvre et stimuler la croissance économique. L’organisation patronale CBI avait notamment exhorté les politiciens à être « pratiques » en matière d’immigration, au moment où de nombreuses entreprises peinent à recruter du personnel.
Une situation qui, de l’avis des économistes, exerce une pression sur les chaînes d’approvisionnement, fait grimper l’inflation, menace la sécurité alimentaire et étouffe la croissance économique.
Or, l’exécutif ne semblait pas l’entendre de cette oreille. La ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, a demandé lundi aux entreprises de former des ressortissants britanniques dans les secteurs où il y a pénurie de main-d’œuvre.
« Il n’y a aucune raison valable pour que nous ne puissions pas former suffisamment de chauffeurs de poids lourds, de bouchers ou de cueilleurs de fruits« , a-t-elle souligné lors d’une conférence partisane.
En mettant fin à la libre circulation avec l’UE, le Brexit était censé susciter chez les Britanniques le désir de prendre les emplois que les Européens occupaient massivement. Mais la réalité est tout autre, puisque le pays compte désormais entre cinq et sept millions de personnes de moins de 65 ans qui ne travaillent pas. Une donne qui explique certainement le changement de cap du gouvernement qui a promis, mardi, d’accorder 45.000 visas saisonniers l’année prochaine dans l’agriculture.
Une décision qui fait écho aux conclusions du think tank Social Market Foundation, qui prévoit que les niveaux élevés d’immigration deviendraient « la norme » dans les décennies à venir, car le Royaume-Uni doit faire face au vieillissement de sa main-d’œuvre et à la pénurie de compétences.